Selon un proverbe chinois, « l'arbre a son écorce et l'homme a sa face. »
En Chine, le terme « face » ne désigne pas simplement le visage d'une personne. Il a de nombreuses connotations. La face ou mianzi, peut être définie comme la dignité d'un individu, l'estime de soi, la confiance, le comportement en public ou l'image, le statut dans une structure sociale donnée. Le concept de face est une préoccupation humaine universelle, mais il a une signification particulière pour les Chinois.
« Ce n'est pas une face qui peut être lavée ou rasée, mais une face qui peut être "accordée" et "perdue", "obtenue de haute lutte" ou "donnée comme un cadeau" », avait écrit Lin Yutang (1895-1976), écrivain chinois influent, dans son livre Mon pays et mon peuple. Selon Lin, la face constitue l'aspect le plus essentiel de la psychologie sociale chinoise. Il expliquait notamment « qu'abstrait et intangible, c'est néanmoins le standard le plus délicat régulant les rapports sociaux chinois. »
La « face » est un concept culturel qui a influencé les Chinois depuis des milliers d'années. Le célèbre écrivain chinois Lu Xun (1881-1936) considérait ce concept comme « la clé de l'esprit chinois » et affirmait que « le saisir serait comme attraper une queue et que tout le reste suivrait. » Même aujourd'hui, il imprègne tous les aspects de la vie quotidienne chinoise.
Un héritage confucéen
Il est important d'appréhender le concept de face à la lumière du Confucianisme, qui met l'accent sur l'harmonie sociale et la hiérarchie. Nombreux sont ceux qui pensent que même aujourd'hui en Chine, la philosophie exerce toujours une influence majeure sur les relations interpersonnelles et la communication.
Dans son livre Perspectives sur la « face » chinoise, Zhai Xuewei, un professeur à l'École des sciences sociales et comportementales de l'université de Nanjing, donne son opinion sur les origines de ce concept. « Il trouve ses racines dans le Confucianisme et favorise l'harmonie sociale en maintenant des réseaux et des relations interpersonnelles adéquates », écrit Zhai. Aujourd'hui, la réussite est liée à la capacité de « créer des relations harmonieuses avec ses supérieurs, ses pairs et ceux jouissant d'un rang inférieur. »
La face est pour les Chinois un concept collectif. La perte de face peut être synonyme de disgrâce pour la famille ou l'organisation à laquelle l'individu appartient, tout autant que pour lui-même. Cela s'applique à tous les niveaux de la société.
On apprend ainsi aux enfants qu'ils ne doivent pas faire perdre la face à leur famille, dès leur tendre enfance. « Quand mes parents jugeaient que je n'avais pas répondu à leurs attentes ou que j'avais fait quelque chose de mal, ils me disaient souvent "tu nous as fait perdre la face à tous" », se souvient Li Mingming, une employée de 24 ans travaillant à Beijing.
D'un autre côté, la réussite d'un individu n'est pas un honneur pour cette personne seulement, mais aussi pour sa famille, pour l'organisation ou la communauté à laquelle elle appartient. De ce fait, on comprend mieux pourquoi la star internationale de basket Yao Ming et le champion d'athlétisme Liu Xiang sont considérés comme des héros nationaux. Leur réussite a rehaussé la face des citoyens à travers le pays.
La face est par ailleurs un concept hiérarchique en Chine. Autre élément du Confucianisme, la hiérarchie, en dépit de ses racines anciennes, pénètre la mentalité et la société modernes du pays.
« Une grande attention est accordée au statut et au rang », explique Zhai. « L'envergure de la face d'une personne dépend largement de sa position sociale. Plus son rang est élevé, plus la personne a de face et plus il est probable qu'elle verra sa face respectée. »
Li confirme l'opinion de Zhai. « Généralement, je ne me dispute pas avec mes parents en public, ni avec mon supérieur sur mon lieu de travail. C'est ma façon de préserver leur face et de leur montrer mon respect », explique-t-elle.
Cela s'applique également aux affaires. « Les étrangers souhaitant faire des affaires devraient comprendre qu'offenser une personne importante lors d'un accord avec un partenaire chinois s'assimile à une offense pour la société dans son ensemble », observe Adam Mahamat, président et directeur général de Africaccess Consulting. « Cela pourrait avoir pour conséquence la perte d'opportunités d'affaires. »
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