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EN AFRIQUE : Liu Guijin rencontre le Président du Soudan Omar Hassan Ahmed Al-Bashir |
Liu Guijin est un visage chinois familier à de nombreux téléspectateurs chinois. Cet homme de 67 ans entretient une relation de plus de 30 ans avec le continent africain, en tant que diplomate. Il est le tout premier Représentant spécial du gouvernement chinois pour les affaires africaines.
Liu se rend souvent en Afrique. « Je ne me souviens plus du nombre de visites que j'ai effectuées en Afrique depuis que j'ai démissionné de mon poste d'ambassadeur de Chine en Afrique du Sud pour devenir Représentant spécial pour les affaires africaines en 2007 », nous confie Liu. « Peut-être plus de 40 fois. »
Liu est un passionné de l'Afrique, qu'il décrit comme une solide terre d'espoir, malheureusement entravée par les catastrophes. Mais ses liens avec l'Afrique furent quelque peu fortuits et le continent lui a laissé une profonde impression.
Il n'y a jamais de mauvais moment
Né en 1945 dans la province du Shandong, dans l'est de la Chine, Liu a obtenu un diplôme à l'université des études internationales de Shanghai avant d'entamer sa carrière diplomatique en 1972.
Liu arrive pour la première fois en Afrique en 1981 pour accompagner sa femme, alors interprète de l'ambassadeur de Chine au Kenya. « J'étais très enthousiaste quand je suis arrivé à Nairobi », se souvient-il. Mais très rapidement, il a dû faire face à un grand défi: une tentative avortée de coup d'État.
Le 1er août 1982, une poignée de soldats de la base aérienne de Nanyuki ont tenté de renverser le président Daniel Arap Moi et son gouvernement. « À cette époque, les coups d'État étaient monnaie courante en Afrique », explique Liu.
Le matin de ce jour-là, il fut réveillé tôt par le bruit des balles. « C'était la première fois que j'entendais autant de tirs. »
Il alluma la radio pour entendre la déclaration des soldats qui s'étaient emparés du contrôle de la station de radio Voice of Africa, où ils afirmaient que le gouvernement avait été renversé. Néanmoins, Liu voulait s'assurer de cela par lui-même. « Je ne suis pas facilement convaincu par quelque chose avant de l'avoir vu de mes propres yeux. »
Avec un collègue, il décida de sortir en voiture pour voir ce qui était arrivé. Ils virent les soldats armés dans la rue et furent finalement arrêtés par les rebelles et contraints de rebrousser chemin.
« C'était dangereux, mais nous sommes restés en sécurité. C'était ma première expérience d'une coup d'État », se souvient Liu. « La rébellion fut matée en 24 heures. Mais Nairobi a été détruite, de nombreuses boutiques pillées et des femmes violées. »
Arrestation
Son habitude d'aller chercher l'information de première main dans la rue lui a valu des problèmes. Il fut arrêté en Ethiopie quand il travaillait à l'ambassade de Chine en 1991-1993. C'était une époque chaotique, où le gouvernement Mengistu fut renversé par le Front démocratique révolutionnaire du peuple éthiopien (FDRPE) qui instaura un nouveau régime.
« Quand j'étais à Addis-Abeba, la ville était déjà entourée par les forces du FDRPE et le gouvernement Mengistu vivait ses dernières heures », se rappelle Liu.
Un jour d'avril 1991, un diplomate britannique lui a confié qu'une ville située à 100 km de la capitale avait été prise par les forces du FDRPE. Liu décida de s'y rendre pour vérifier cette information, car « si c'était vrai, il fallait songer à évacuer les ressortissants chinois de la capitale. Mais nous avions besoin de nous assurer que l'information était juste, avant de prendre une décision. »
Dans les rues d'Addis-Abeba, Liu ne vit pas beaucoup de voitures, mais de nombreux camions qui transportaient des troupes. Conduisant jusqu'à un barrage du Nil, Liu s'est rendu compte que la capitale était encore sûre et que l'information n'était pas exacte.
Peu après, cependant, Liu et son collègue furent arrêtés par des soldats en armes.
Grâce à la médiation de l'ambassade de Chine, Liu et son collègue furent relâchés. En fin de compte, Addis-Abeba fut prise par le FDRPE. « Les troupes du FDRPE, qu'on appelait alors les rebelles, étaient en réalité des troupes disciplinées au service d'une vision à long terme. Elles n'ont pas empiété sur nos intérêts et ont déployé des troupes pour protéger les ambassades étrangères de la capitale. »
Travailler pour le FOCAC
Lui a également participé à la création du Forum sur la coopération Chine-Afrique (FOCAC), qu'il signale comme l'un des projets les plus importants de sa carrière de diplomate. Il était alors directeur général du Département des affaires africaines au ministère des Affaires étrangères.
Néanmoins, c'est un fait très peu connu que le FOCAC a été lancé par Lila Hanitra Ratsifandrihamanana, alors ministre malgache des Affaires étrangères.
Lors de sa visite en Chine à la fin de l'année 1999, Ratsifandrihamanana a proposé, lors d'une rencontre avec le ministre chinois des Affaires étrangères Tang Jiaxuan, que soit créée une plateforme pour le dialogue multilatéral entre la Chine et les pays africains.
« Je suis convaincu que nous pouvons accomplir au moins deux choses pour les pays africains grâce au FOCAC: effacer leur dette et former des Africains aux ressources humaines », explique Liu.
Devenir secrétaire général du comité de préparation du FOCAC a été synonyme de davantage de travail et de responsabilité pour Liu, en partie à cause de son manque d'expérience des mécanismes d'échange multilatéral. Il confie qu'il a connu des « leçons amères » pendant cette période, et que bien souvent il ne dormait pas pendant plusieurs jours. « J'étais complètement épuisé. »
Jusqu'à la nuit précédant l'ouverture de la première conférence ministérielle du FOCAC, Liu et ses homologues africains discutaient encore de questions méritant un consensus.
Pour le Darfour
Nommé Représentant spécial du gouvernement chinois pour les affaires africaines en 2007, Liu a démissionné de son poste d'ambassadeur de Chine en Afrique du Sud, mais n'en fut que plus occupé.
« La question du Darfour est un point essentiel de mon travail », explique Liu, qui s'est rendu au Soudan plus de vingt fois. « La Chine a fait beaucoup pour cette question, notamment en convaincant le gouvernement soudanais d'accepter l'opération conjointe de l'Union africaine et des Nations unies au Darfour. Et nous faisons tout notre possible pour faire encore plus. »
« Vous pouvez imaginer l'immensité de la zone des camps de réfugiés là-bas, et les millions de personnes qui y vivaient. C'est vraiment une scène choquante », explique Liu, qui ajoute qu'il prépare son prochain voyage dans la région avec le même enthousiasme que la première fois qu'il a posé le pied sur le continent. CA
Carrière diplomatique de Liu Guijin:
> 1972-81: Messager de la Direction générale du ministère des Affaires étrangères;
> 1981-86: Attaché puis à l'ambassade de Chine au Kenya, puis secrétaire;
> 1986-90: Département des Affaires africaines, ministère des Affaires étrangères;
> 1990-93: Conseiller politique à l'ambassade de Chine en Ethiopie;
> 1993-95: Directeur général adjoint du département des Affaires africaines, ministère des Affaires étrangères;
> 1995-98: Ambassadeur de Chine au Zimbabwe;
> 1998-2001: Directeur général du département des Affaires africaines, ministère des Affaires étrangères;
> 2001-07: Ambassadeur de Chine en Afrique du Sud;
> 2007- aujourd'hui: Représentant spécial du gouvernement chinois pour les Affaires africaines. |