Imaginez un groupe de voyous et de bandits debout devant l'ambassade de Chine en République démocratique du Congo (RDC), une situation sur le point de dégénérer. C'était en 1994, quand une grande vague de vols à main armée a balayé Kinshasa, la capitale du Zaïre (qui deviendra plus tard la RDC). De nombreuses ambassades ont été victimes de ces évènements.
« Vous ne pouvez pas voler le peuple chinois ! », s'écria le portier de l'ambassade, un Congolais d'à peu près de 50 ans, devant l'enceinte diplomatique.
« Ces Chinois nous ont aidés à réaliser tant de projets, dit-il avec fermeté. Vous ne pouvez même pas trouver un stade de 80 000 places en Chine, mais ils nous ont aidés à en construire un à Kinshasa. Nous Africains devrions être des gens consciencieux. Si vous voulez les voler, vous devrez d'abord me tuer ! »
Dix-huit ans plus tard, Sun Kunshan est encore ému quand il raconte cette histoire. « Grâce à ce brave homme, dit-il, l'ambassade de Chine fut l'une des quelques ambassades qui ont échappé aux pillages. »
Sun a assumé le poste d'ambassadeur de Chine à Kinshasa en 1998, quatre ans après l'incident. Il ne fut pas un témoin direct de l'évènement, mais cette histoire a pourtant laissé une empreinte dans son esprit.
« C'est une histoire bien connue des diplomates chinois en Afrique », déclare l'ancien ambassadeur, âgé de 72 ans. Selon lui, après la retraite du portier, les Chinois ont nommé son fils pour lui succéder à son poste à l'ambassade.
Altruisme africain
Au cours de sa carrière diplomate de quinze ans en Afrique, Sun a été témoin de nombreuses histoires semblables à celle du por-tier, qui illustrent toutes le lien vital qui unit les Chinois et les Africains.
Une nuit de 1996, un employé chinois d'une usine de sucre, construite à l'appui du gouvernement chinois et implantée dans la République du Togo, a attrapé une soudaine maladie de l'estomac, qui a provoqué une hémorragie. Les agents de santé sur place ne pouvaient pas l'aider, et le trafic rendait impossible de conduire l'homme vers un hôpital de la capitale, à 300 kilomètres de là.
Après avoir appris cette nouvelle, Sun, alors ambassadeur chinois en République togolaise, a appelé tout de suite son ami togolais, Faure Essozimna Gnassingbé, alors vice-chef de l'état major de l'armée du Togo. Gnassingbé a envoyé un hélicoptère de l'armée pour conduire le patient dans un hôpital militaire. Là, il a eu accès au meilleur chirurgien possible.
La chirurgie a sauvé la vie de cet homme. Deux mois plus tard, le patient, qui avait cru qu'il n'avait aucune chance de revoir sa famille, était de retour en Chine. En attendant son avion à l'aéroport, il a dit à Sun : « Je suis reconnaissant à l'ambassade de m'avoir sauvé la vie ! »
« C'est M. Gnassingbé qui a sauvé votre vie », a répondu Sun. Plus tard, le personnel de l'usine a envoyé un sac de sucre à M. Gnassingbé comme cadeau de remerciement pour son aide.
Alliés solides
L'ancien ambassadeur est convaincu que l'amitié sino-africaine est précieuse, et fondées sur la sincérité et de la vérité. « Beaucoup d'Africains m'ont dit qu'ils considèrent tout ennemi de la Chine comme leur propre ennemi », dit-il.
De 1973 à 1981, Sun a travaillé à l'ambassade de Chine au Bénin. Juste avant quitter son poste, il a reçu un appel téléphonique de la police locale. D'après cette dernière, ils avaient arrêté des personnes en provenance de Taiwan soupçonnées d'immigrer illégalement dans le pays.
Sun, alors secrétaire de l'ambassade, a été envoyé pour traiter de la question. Une fois au poste de police, il a appris que tous les neuf suspects étaient des techniciens d'une usine de Taiwan au Nigeria. Comme leurs visas étaient sur le point d'expirer, ils ont dû quitter le Nigeria en vue d'obtenir un nouveau visa. La façon la plus pratique de le faire était de marcher vers l'ouest le long de la route du Bénin. Mais à leur grande surprise, ils ont fini par être arrêtés par la police béninoise.
Dans les années 1980, la partie continentale de Chine était aux débuts de la réforme et de l'ouverture. « Les gens des deux côtés du détroit de Taiwan étaient presque irréconciliables à l'époque, se souvient Sun. Le Bénin ayant une étroite amitié avec la Chine, la police locale a pensé que les Taiwanais étaient des éléments hostiles. »
Après que Sun eut expliqué à la police béninoise que les neuf personnes étaient seulement des travailleurs ordinaires, et pas des « ennemis », ils ont finalement été libérés.
« Pour être honnête, quand j'étais jeune, je n'ai jamais pensé que mon destin serait lié à l'Afrique. Mon rêve était d'avoir une carrière dans la littérature. » Spécialisé en français à l'université, sa passion pour la littérature française était sans égal. Mais toute une vie consacrée à l'Afrique, selon lui, vaut absolument la peine.
« Certains pays africains sont encore sous-développés, conclut-il. Les pays africains ont encore besoin d'être plus unis et plus stables. Cependant, l'Afrique est riche en ressources et a un énorme marché. Son avenir est plein de promesses. » |