Winner Take All
La Zambienne de naissance Dambisa Moyo s'est bâtie depuis quelques années une réputation de commentatrice économique de premier plan.
Juin 2012 a marqué la sortie de son troisième livre Winner Take All: China's Race for Resources and What It Means for the World.
Winner Take All était très attendu, et s'est hissé à la treizième place de la liste des meilleures ventes du New York Times. Moyo y décrit comment les tendances économiques actuelles conduisent à un avenir dans lequel la demande de la Chine pour les ressources mondiales signifie une pénurie aiguë de tout.
L'hypothèse centrale de Moyo est que la Chine se prépare déjà à cette pénurie imminente, et ne cache pas son ambition d'y remédier en achetant des ressources dans le monde entier et en sécurisant les infrastructures de transport de celles ci. L'objectif est de soutenir les tendances occidentales de consommation de sa classe moyenne urbaine en pleine expansion.
Moyo affirme que les nations occidentales ne sont pas du tout préparées pour cet avenir. Le manque de vision à long terme entraîné par la durée des mandats électoraux et l'impossibilité d'agir sur les marchés en tant qu'entités souveraines – à l'inverse de la Chine et ses entreprises d'État - signifie qu'elles se font damer le pion et dominer par une Chine avant-gardiste.
Moyo présente l'économie croissante de la Chine comme principal catalyseur de la rareté des ressources à l'avenir. Mais elle soutient par ailleurs que son gouvernement - à travers les activités et les acquisitions d'entreprises d'État à l'étranger - se comporte comme un acteur rationnel, assurant que le pays ne manque pas d'assurer la construction des bases de la prospérité: des terres arables, des ressources et de l'énergie. La prospérité, qui signifie la stabilité sociale, est essentielle aux yeux du gouvernement chinois.
Comme dans ses précédents livres, Winner Take All s'appuie sur une multitude de statistiques. Si toutes ne sont pas à jour - elle fait par exemple référence à un sondage Pew de 2007 sur la façon dont les Africains perçoivent la présence chinoise croissante sur leur continent - le livre ne peut être accusé d'être mal documenté.
Il semble toutefois à certains moments que Moyo veuille dire trop de choses. L'ouvrage est peut être trop ambitieux - dans presque tous les paragraphes de chaque chapitre, Moyo analyse l'état du marché mondial pour une ressource en particulier, que ce soit la terre, l'eau, l'huile ou le cuivre, avant d'aborder les implications de la montée de la Chine sur l'avenir de ce marché. Les 250 pages de son livre laissent peu de marge pour une approche qui serait déjà difficilement abordable dans un livre de 500 pages.
Ce manque d'espace se ressent davantage vers la fin du livre. Dans le chapitre neuf, par exemple, elle se lance dans une explication des raisons pour lesquelles un milliard de personnes souffrent de la faim tous les jours dans le monde (trois raisons, apparemment), avant de couper brusquement pour examiner les avantages et les inconvénients de l'huile de schiste. Cette transition illogique est surprenante.
Cela étant dit, son livre reste intéressant à lire, si ce n'est que pour les chapitres sur le rôle de la Chine dans le développement économique de l'Afrique.
Winner Take All n'est pas la première fois que Moyo écrit sur le rôle de la Chine en Afrique. Son premier succès, Dead Aid: Why Aid Is Not Working and How There Is Another Way for Africa, publié en 2010, portait sur les modèles occidentaux de l'aide étrangère en Afrique. En faisant valoir que cette aide est non seulement inefficace, mais porte aussi préjudice au continent, Moyo a ulcéré plus d'un bon Samaritain et déclenché une tempête de débats politiques, projetant son livre - essentiellement un traité technico-économique – en tête de la liste des meilleures ventes du New York Times.
Dans Dead Aid, Moyo estime que l'approche chinoise axée sur les affaires dans le continent africain est supérieure aux initiatives humanitaires de l'Occident, qui, écrit-elle, sont paternalistes et paralysées par les conditions politiques. Cela lui a valu une forte popularité en Chine et, chose inhabituelle pour un livre publié en Occident, a vu son nom mentionné par un dirigeant politique chinois.
« J'ai lu un livre intitulé Dead Aid, écrit par Dambisa Moyo. L'auteur ... tire la conclusion que l'aide chinoise à l'Afrique est sincère, crédible, utile, efficace et bien accueillie par le peuple africain », a déclaré le Premier ministre chinois Wen Jiabao lors de la conférence ministérielle du Forum sur la coopération sino-africaine tenu en 2009 en Égypte.
Dans Winner Take All, Moyo semble encore plus à l'aise pour défendre l'approche de développement adoptée par la Chine sur le continent africain, diamétralement opposée aux initiatives occidentales, réitère-t-elle.
Winner Take All ne sera certainement pas la dernière fois que nous entendrons parler de Dambisa Moyo. |