
Mawuna Koutonin
Entrepreneur en technologies et militant pour la paix, Mawuna Koutonin a un passé peu commun.
Né dans un village reculé du sud-est du Togo, il est devenu le premier des 36 enfants de son père à obtenir un diplôme universitaire. En 1994, Koutonin a utilisé son allocation alimentaire à l'université pour se former à l'informatique. L'année suivante, lui et un groupe d'amis ont ouvert un des premiers portails internet de nouvelles du Togo.
Depuis, Koutonin a fondé deux entreprises en ligne, Goodbuzz, une plate-forme de marketing qui utilise des jeux intégrés, et SiliconAfrica, un site de nouvelles qui se concentre sur les startups africaines et l'environnement d'entreprise.
Koutonin s'est entretenu avec le journaliste de CHINAFRIQUE Nicholas Compton sur le développement de l'Afrique. Voici des extraits de cet échange:
CHINAFRIQUE : En tant que fondateur et rédacteur en chef de SiliconAfrica, comment avez-vous vécu le développement technologique en Afrique et comment imaginez-vous la suite ?
Mawuna Koutonin : Le développement technologique en est encore à un niveau basique dans la plupart des pays africains, à l'exception probablement de l'Afrique du Sud. L'Afrique est au bout de la chaîne de valeur technologique, où les entreprises étrangères de matériel et de logiciels écoulent des technologies en fin de cycle.
L'Afrique n'a presque aucune marque internationale. Tout le matériel et les logiciels sont importés. Par exemple, le Nigeria importe plus de 30 milliards de dollars de logiciels, produits et services connexes chaque année. La plupart des développeurs de logiciels locaux ne sont que des utilisateurs et non des informaticiens programmateurs ou des ingénieurs.
Vous avez annoncé publiquement votre objectif d'établir une école pour apprendre la robotique, la fabrication et l'entrepreneuriat au Togo en 2017. Comment avez-vous eu cette idée, et quel sera le processus ?
L'idée de l'école est un de mes rêves pour créer un centre d'ingénierie au cœur de l'Afrique – à Kikongo ( République démocratique du Congo ) - qui enseignerait le traitement de base des matériaux, l'ingénierie, les mathématiques et la fabrication – de la conception à l'assemblage, et qui un jour se développerait en entreprise de classe mondiale, comme Boeing ou Rolls Royce.
Pour l'instant, mon idée est de lancer un modèle d'école au Togo, mon pays d'origine. Une fois le modèle fonctionnel adéquat, avec suffisamment de compétences en gestion et d'expérience, alors je me lancerai au Congo.
Que pensez-vous de l'évolution actuelle des relations sino-africaines ? Quelles mesures doivent être prises pour un vrai bénéfice mutuel ?
Une partie de l'histoire de la Chine est très semblable à la nôtre. La Chine a été sous la domination de pays étrangers à plusieurs reprises. Elle a compris plus rapidement comment mettre fin à l'effet négatif de l'impérialisme et en même temps évité la victimisation pour s'affirmer en tant qu'entité autonome et fière.
Le pire pour les Africains serait que les Chinois se fourvoient sur leurs relations avec l'Afrique, en s'alliant avec l'Occident pour piller le continent. Ainsi, au lieu d'un seul oppresseur, nous aurions à faire face à deux grands oppresseurs.
Mon souhait est que la similitude de notre histoire avec l'Occident motive la Chine à être sensible à la volonté des pays africains d'échapper au colonialisme et à l'impérialisme.
Dans un sens plus large, comment pensez-vous que la communauté internationale devrait concevoir et entretenir ses relations avec les pays africains ?
Je pense que l'Afrique ne devrait pas demander de faveur à quiconque. Comme l'avait dit un diplomate étranger : « Les pays n'ont pas d'amis, ils n'ont que des intérêts ». Le monde a besoin de l'Afrique, plus que l'Afrique a besoin du monde. Les Africains doivent le comprendre et négocier. Nous sommes un continent débrouillard, envié par beaucoup. Nous n'avons pas besoin de pitié.
Nous n'avons pas besoin d'aide. Les Africains doivent avoir le courage de refuser l'aide, parce que cela rend nos dirigeants paresseux, corrompus et irresponsables. Les leaders chinois pourraient devenir des mentors pour les dirigeants africains, en partageant l'expérience chinoise en matière de leadership et les stratégies pour traiter avec les pays occidentaux.
(Pour faire un don à la cause de Koutonin, ou poser des questions : Togo : +229 92 10 51 47 Email : mk@linkcrafter.com ) |