Us : usages, habitudes, traditions. Us et coutumes d'un peuple, d'une communauté, d'un individu.
Au moment où se rédige cette page, je reviens d'un long séjour au Canada, mon pays natal. Les lecteurs qui me suivent depuis plusieurs années savent que je prône l'éloignement comme moyen de mieux voir son pays et sa société, sa culture et ses mœurs. Plongé au sein d'un autre peuple, on peut – sauf si l'on est imbu de chauvinisme ou d'esprit de clocher – examiner, comparer, et choisir. Le nez collé sur sa culture, on ne la voit pas bien. Il ne suffit pas de vivre parmi les Chinois; encore faut-il trouver le bonheur. Pour cela, je me devais de considérer que ma culture préalable et mes façons de penser et d'agir n'étaient pas les seules valables au monde.
J'ai alors découvert que boire chaud quand il fait chaud et manger des glaces en hiver permettait d'équilibrer la température à l'intérieur et à l'extérieur du corps, ce qui apporte donc du bien-être. Aurais-je jamais fait une telle réflexion si j'étais restée chez moi?
En Chine, le bol de riz se tient dans la main; il représente d'ailleurs la forme de la main. Et la soupe se boit (he tang), tandis qu'au Canada on « mange » la soupe, et qu'il est très mal vu de prendre un bol ou un plat dans ses mains (sauf pour le passer aux autres convives, ce qui se fait ici contrairement à la Chine). Il m'est arrivé, par habitude, de prendre mon bol de soupe à Montréal, au grand étonnement des autres convives amusés.
Dans le métro, les règles sont les mêmes qu'à Beijing : se tenir sur les deux côtés afin de laisser descendre les passagers au milieu. Je le fais toujours, à Beijing, et même, je me permets de demander aux autres d'en faire autant. Mais s'ils laissent descendre les tout premiers passagers, les Pékinois perdent vite patience et s'élancent en désordre pour monter, tandis que les Montréalais attendent calmement que tous les passagers qui descendent aient fini de le faire avant de bouger. Mais moi, habituée à la Chine depuis un quart de siècle, j'ai bougé un peu trop vite et ainsi frappé un homme qui se tenait droit devant moi. J'ai demandé pardon, sachant bien, toutefois, que j'étais impardonnable.
En Chine, on parle beaucoup de civisme (qu'on appelle « civilisation »). Des affiches dans les rues le prônent; des rappels constants dans le métro demandent qu'on cède sa place aux vieillards, handicapés, femmes enceintes et enfants. C'est bien de le rappeler, mais ce qui fait sourire, c'est qu'on ajoute que « la politesse est la tradition du peuple chinois ». Personne n'écoute, et bien rares sont ceux qui cèdent leur place. À Montréal, par contre, je n'ai jamais été debout. Une femme de quarante ans me cèdera sa place parce que je suis plus âgée qu'elle; un homme, parce que je suis une femme. Et l'on ne cède jamais sa place à un enfant mais un enfant fait toujours assoir un adulte. La compréhension de la politesse est différente pour les deux peuples, et l'on ne peut dire que l'un a raison, l'autre tort.
Enfin, je voudrais traiter de choses dont on ne parle pas. Les étrangers en Chine ont toujours été surpris qu'on leur demande leur âge, leur statut familial, et leur salaire. Mais au cours des ans, des Chinois, surtout ceux qui étudient les langues étrangères et qui, par conséquent, sont appelés à fréquenter des Occidentaux, ont appris à ne plus poser ces questions. À Montréal, je me suis rendu compte que je ne connaissais même pas le salaire de mes enfants. S'ils n'ont jamais pensé à m'en faire part, c'est que l'on n'a pas l'habitude de discuter de ce sujet. Par le niveau de vie d'une personne, on peut savoir si elle gagne peu ou beaucoup. Les salaires des fonctionnaires, par exemple, sont affichés dans l'internet, si l'on désire vraiment savoir... Il arrive que pendant une conversation, quelqu'un donne des chiffres en parlant de son propre salaire, mais les autres ne demanderont pas. C'est une question qu'on ne pose simplement pas. Un travailleur parlera plutôt de la satisfaction que lui apporte son emploi ou des difficultés qu'il rencontre. |