Du son au bruit
Chers lecteurs,
Dans ma chronique cette année,
je vous donnerai mon opinion sur divers sujets auxquels vous serez
appelés à réfléchir.
Je voudrais parler aujourd'hui
du son qui, lorsqu'il devient pollution, s'appelle bruit. Quand de
Beijing je vais au Canada, mes parents et amis trouvent que je
parle fort. C'est une habitude que j'ai prise à Beijing, car
l'environnement est tellement bruyant que l'on est obligé de lever
la voix pour se faire entendre.
Le matin, je sais exactement à
quelle heure les habitants de mon bâtiment quittent la maison, car
ils claquent leur porte, de même au retour, bien que des voisins
soient déjà au lit.
Si les autobus sont de
meilleure qualité que dans les années 1990, et qu'on n'entend plus
les parois grincer et les vitres trembler, n'empêche qu'à
l'intérieur le bruit du moteur fait concurrence à la télé ou la
radio permanente. La conductrice donne des ordres sans arrêt, et de
l'arrière du véhicule, crie au chauffeur qu'il y a des gens qui
descendent et quand il peut fermer la porte. Les passagers, eux,
téléphonent à qui mieux mieux, l'un enterrant l'autre de sa voix
tonitruante, et l'on peut même assister – sans le vouloir – à des
scènes de ménage ou à des mensonges comme « Je suis à Wuhan,
je t'appelle dès mon retour à Beijing », alors qu'on est dans
la capitale.
Les enfants sont pires que les
adultes. Ils reviennent de l'école où l'enseignante a crié et les a
fait crier toute la journée, et ne peuvent même pas imaginer qu'il
n'est pas nécessaire de parler si fort au copain assis juste à
côté. Quand les parents ne sont pas là, je leur fais gentiment la
leçon, mais ils me regardent, ébahis, et ne font même pas un effort
de quelques secondes pour baisser le volume.
De chez moi, j'entends tout ce
que disent les éducatrices du jardin d'enfants voisin, non
seulement pendant la promenade avec les enfants mais même dans les
classes. Eh bien, elles portent à longueur de journée un micro au
bout d'une bande flexible qu'on met sur la tête. J'en ai discuté
avec elles, pour m'entendre répondre que « les enfants parlent
trop fort, tous ensemble, et ils ne nous entendent pas ».
Belle éducation !
Les banques ont maintenant une
cloison de verre épais entre le préposé et le client, et l'on doit
utiliser un micro pour communiquer. Pour ma part, je sursaute
chaque fois qu'on me parle ; la voix est si forte qu'elle me cause
une douleur… qui m'empêche d'entendre. De plus, est-il nécessaire
que les clients qui attendent connaissent le détail des
opérations au comptoir ? Dites discrètement à la
caissière que vous désirez retirer 5 000 yuans, ou montrez-lui
une note à travers la vitre, elle répètera au micro :
« Vous retirez 5 000 ? »
Il est vrai que le recours au
klaxon a diminué ces dernières années, mais promenez-vous dans les
rues de la capitale, et l'on vous défoncera le tympan à coups
d'annonces commerciales : yaourt, eau minérale, détergent,
huile d'arachide. La voix de ces vendeurs de trottoir est couverte
par une musique inutile qui sort de hautparleurs assez puissants
pour un stade olympique.
Or, depuis l'automne dernier,
on jette le blâme aux dama chinoises. Il s'agit de femmes,
quinquagénaires pour la plupart, qui dansent dans les parcs ou dans
les espaces libres. D'une part, elles veillent sur leur santé
physique en faisant de l'exercice, et sur leur santé mentale en
sortant de chez elles et socialisant. D'autre part, elles
préservent et font connaître la culture traditionnelle chinoise par
la musique, les pas, les couleurs des costumes et les accessoires
comme l'éventail en plumes et le carré de velours écarlate bordé de
petits poids métalliques.
Parfois, elles dansent sur une
musique enregistrée, parfois elles sont accompagnées d'un ou deux
musiciens, ou des deux sources. Les gongs et tambours jouent un
rôle particulier dans ce genre de musique, de même que le suona
nasillard et que, pour ma part, je n'ai jamais aimé.
S'il est vrai que certains
groupes montent le volume à l'extrême, on n'aurait qu'à le diminuer
pour plaire à tout le monde. Certains groupes ont choisi de porter
des écouteurs. Ainsi, les passants, leur cellulaire à l'oreille,
les voient mais ne sont pas dérangés par le son.
Des étudiants de l'université
Jiaotong de Shanghai ont inventé un hautparleur qui projette le son
vers l'intérieur d'un cercle donné ; ceux qui se trouvent à
l'extérieur voient mais n'entendent rien. Génial !
Et vous, qu'en pensez-vous
?
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