Une élève de primaire rentre chez elle après l'école, à Liuzhou, dans la région autonome Zhuang de la province du Guangxi

Un professeur volontaire de Protecting Girls donne un cours dans une école primaire à Beijing

Les enfants victimes de violences sexuelles sont souvent les victimes de proches, pas seulement d'inconnus, d'après un rapport publié par les médias chinois émanant de l'association caritative Protecting Girls qui a recensé des cas de violences sexuelles entre le 23 mai 2013 et le 22 mai 2014.

Ces dernières années, la couverture médiatique des cas de violences sexuelles commises sur les enfants s'est accrue. Le 8 mai 2013, les médias ont ainsi rendu compte d'un directeur d'école et d'un fonctionnaire de la province méridionale chinoise de Hainan qui avaient conduit six écolières dans des hôtels. Dans les 20 jours qui ont suivi la divulgation de cette affaire, les médias ont rapporté huit autres cas de violences sexuelles sur mineurs. Le pays tout entier s'est alors ému de ces actes sur les membres les plus vulnérables de la société.  

Selon le rapport, la couverture des violences sexuelles sur mineurs par les médias a été malheureusement fréquente en Chine de 2013 à 2014. Elle concerne 192 cas, soit en moyenne un cas par 1,9 jour. On estime cependant que la réalité est plus tragique, les incidents non déclarés étant probablement plus courants car les jeunes victimes n'osent pas en parler aux parents et aux enseignants.

Dans certains cas, les parents au courant de ces violences préfèrent garder le silence pour préserver la « réputation » de l'enfant, ajoutait Wang Zhongyu, professeur de sociologie à l'Université du Shandong, cité par l'agence Xinhua en juillet 2014.

Toujours selon le rapport, la plupart des 343 victimes concernées par les faits sont des écoliers. 85 % d'entre eux ont entre 8 et 14 ans. Plus de 55 % des cas se sont produits dans les zones rurales, où les enfants restent avec des proches pendant que les parents travaillent dans les villes. Sur les 192 cas, plus de 80 % sont des actes de violence commis par des connaissances, notamment 42 cas par des enseignants et 36 cas par des voisins.

Sept filles de l'école primaire du village de Shang-yuan à Ruichang, dans la province du Jiangxi, ont été agressées sexuellement par leur instituteur de 62 ans, Tao Biaogong, entre septembre 2012 et mai 2013, d'après l'agence Xinhua. M. Tao les convoquait en classe après les cours ou dans sa chambre en prétendant corriger leurs devoirs ou les faire réviser leurs livres de cours. Parmi ses écolières, six ont contracté des maladies sexuellement transmissibles (MST). Leurs parents sont tous des travailleurs migrants qui ont confié aux grands-parents le soin de les élever dès la première année de leur naissance. À la violence physique s'ajoutent des séquelles psychologiques, certaines victimes montrant des tendances suicidaires.

« Les enfants laissés à la garde des grands-parents ou d'autres personnes, notamment les filles, manquent souvent de protection et de soins suffisants, et sont susceptibles d'être les victimes de prédateurs. Les dégâts psychologiques qui leur sont infligés sont profonds et ils en guérissent difficilement », souligne Sun Yunxiao, vice-directeur du Centre de recherche de la jeunesse et des enfants de Chine.

Les filles ne sont pas les seules victimes. Sur les 192 cas, six concernent des violences sexuelles sur des garçons. Un enfant de 7 ans du village de Shadun, à Wuxue, dans la province centrale du Hubei, a été agressé sexuellement par l'un de ses instituteurs et a contracté une MST, d'après l'agence Xinhua en 2013.

Ses parents travaillaient dans la province lointaine du Guangdong, dans le sud du pays. Il leur a dit qu'à chaque fois, avant de passer à l'acte, son instituteur lui donnait des friandises. Cet enfant auparavant plein de vie et heureux est maintenant devenu grave, d'après sa mère.

« De plus en plus de garçons sont maintenant les victimes de violences sexuelles. Comme les victimes ressentent souvent de la honte et ne sont pas sensibilisées aux modalités de protection de soi, de nombreux cas demeurent sous silence », déclarait Gao Yujing, en charge d'une ligne d'assistance téléphonique pour les enfants de familles monoparentales, à Beijing Evening News en novembre 2014.

« Les violences sexuelles causent des dégâts physiques et psychologiques à l'enfant. Certains vont détester l'école, souffrir de crise d'anxiété ou de dépression, ou bien même d'un dédoublement de la personnalité. Leur attitude à l'égard des relations sexuelles seront affectées », expliquait Li Chunman, une psychologue, à China Youth Daily en juillet 2014.

Insuffisances dans l'éducation sexuelle

La fréquence des violences sexuelles infligées aux enfants reflète les insuffisances en termes d'éducation sexuelle en Chine.

« Nous enseignons rarement à nos enfants qu'il y a des choses que personne ne devrait jamais leur demander », faisait remarquer Li Bin, professeur de sociologie à l'Université du Centre-Sud de Changsha, dans la province centrale du Hunan, à l'agence Xinhua en juillet 2014. « De nombreux enfants qui ont été sexuellement agressés ne savent donc même pas qu'ils ont été les victimes de violences. Nous disons rarement à nos enfants qu'ils peuvent dire non à leurs enseignants s'ils leur demandent de faire des choses qui les mettent mal à l'aise ». Une étude menée par Protecting Girls sur 235 garçons et 219 filles montre que seuls 17,58 % des enfants savent ce que signifie l'éducation sexuelle. Par contre, 60,88 % n'en ont aucune idée, les autres en ont à peine entendu parler.

Sur 902 parents participant à cette enquête, seuls 35,92 % ont inculqué à leurs enfants certaines connaissances en matière d'éducation sexuelle. Nombreux sont ceux qui ne leur ont jamais dit comment prévenir les violences sexuelles.

Comme l'expliquait Hong Daode, un professeur de droit à l'Université des Sciences politiques et juridiques de Chine, à China Daily en juin 2014, « en Chine, peu de parents sont conscients de l'importance de l'éducation sexuelle et attendent souvent que leurs enfants aient 14 ou 15 ans ».

Et d'ajouter que « les écoles ne donnent que des cours sur la santé physique plutôt que de mettre en place des cours d'éducation sexuelle. La plupart des victimes ne sont pas suffisamment informées des moyens de se protéger par eux-mêmes ».