La tricherie a été reconnue, en 2010, comme phénomène endémique en Chine. Ce n'est pas un compliment… L'examen que les étudiants craignent le plus est celui d'anglais. La cause en est qu'au lieu d'enseigner l'anglais comme langue de communication, on enseigne comment passer l'examen.
Une industrie hautement profitable s'est donc développée. Premièrement, des livres sont publiés pour aider les étudiants à passer les tests, et des questionnaires d'examen sont reproduits et mis sur internet.
Deuxièmement, des universités organisent des cours pour entraîner les étudiants à passer un examen et leur fournir des astuces pour obtenir de bonnes notes.
Troisièmement, des groupes se forment pour aider les étudiants à tricher pendant l'examen.
Quatrièmement, de l'équipement de haute technologie comme des écouteurs sans fil, des téléphones intelligents, des ordinateurs portables interphones, sont mis en vente chaque année, fournissant aux étudiants des réponses standardisées aux questions d'examen. L'utilisation d'équipement de tricherie a produit des accidents graves : un étudiant a utilisé un micro-écouteur de 3 mm, si menu que l'appareil a glissé dans son canal auditif et lui a perforé le tympan ; un interphone caché dans l'abdomen d'un autre a causé un saignement en explosant.
Cinquièmement, certains étudiants passent l'examen sous une fausse identité. Cela s'est vu encore et de façon très grave en juin 2014 : dans la province du Henan, une centaine d'étudiants ont rémunéré des substituts pour les remplacer à l'examen, et le coût était proportionnel à la note qu'on désirait obtenir ! Ce crime suppose qu'on ait également récompensé les surveillants pour qu'ils veuillent bien fermer gentiment les yeux. Ce procédé est déjà institutionnalisé : il en coûte environ 70 000 yuans pour acheter un superviseur et de 20 000 à 50 000 pour une substitution à l'examen. Si, par la suite, le candidat est admis dans une université renommée, il devra verser une somme supplémentaire. Ce genre de fraude couvre de honte toute la société : les étudiants talentueux mais pauvres qui tentent de se faire une place dans la vie sont les victimes d'un système officiel de tromperie.
Par ailleurs, comme la valeur des enseignants est mesurée par le taux d'étudiants qui réussissent à l'examen, plusieurs professeurs « aident » en fermant les yeux sur les cas de tricherie ou en fournissant eux-mêmes des réponses imprimées avant les épreuves.
Aussi, les institutions d'éducation continue recrutent les étudiants qui ont échoué au gaokao (l'examen national d'admission à l'université) dans les universités régulières. Comme ces institutions vivent des frais de scolarité déboursés par les étudiants, les enseignants se voient « obligés de collaborer ».
Ironiquement, obtenir un certificat d'anglais est devenu plus important que devenir un bon locuteur de cette langue. Un professeur de Tsinghua a mentionné que « la plupart des étudiants qui ont réussi au CET-6 ont encore de la difficulté à lire, parler et écrire couramment l'anglais. »
Ces étudiants diplômés se retrouvent ensuite dans les universités étrangères. Aux États-Unis, un professeur d'anglais s'est dit peu intéressé à entendre « la bonne réponse dans un anglais parfait », mais davantage à connaître la pensée personnelle des étudiants, même exprimée maladroitement. « Si l'on répète comme des perroquets les réponses correctes, comment développer son aptitude à fournir des solutions personnelles aux problèmes de plus en plus complexes auxquels la société fait face ? » commentait Berlin Fang (China Daily, 8 novembre 2011). Selon Fang, l'élite de la classe moyenne en Chine manque aussi de cette originalité. « Notre système d'éducation est la cause principale du problème, car il a dévié de l'enseignement de "l'indépendance d'esprit et de la liberté de pensée" tels que décrits par l'historien et linguiste Chen Yinque (1890-1969). »
Par ailleurs, on apprenait en janvier dernier que Hongkong ne reconnaissait plus la réussite au CET-6 pour l'admission des étudiants chinois du continent dans ses universités : seuls les résultats de tests approuvés internationalement seront acceptés.
Si, comme cela a été proposé, l'enseignement de l'anglais perd de l'importance au gaokao au profit de l'enseignement de la culture chinoise, il reste que l'anglais demeurera « la » matière qui fait toute la différence entre les étudiants diplômés ; et si l'on enseigne moins d'anglais à l'école secondaire, les étudiants qui se préparent au gaokao se verront obligés de suivre des cours privés.
Vue sous cet angle, l'éducation chinoise est un grand marché de dupes ; les programmes sont des moulins à diplômes, et les étudiants, des machines à examens.
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