
TOC TOC : un geste de remerciement symbolique
Un empereur, qui s'ennuyait d'être toujours enfermé dans son palais, décida un jour de voyager et de voir de quelle façon vivaient les gens ordinaires. Mais comment échapper à la surveillance de centaines de gardes ? Alors, il se déguisa en échangeant ses vêtements contre ceux de son serviteur le plus intime. Un soir où il prenait son diner* dans un modeste restaurant, l'empereur joua son rôle d'emprunt en servant du thé au faux empereur, lequel aurait bien voulu s'agenouiller et faire quelques kòutóu. De crainte d'être découvert s'il parlait, il se contenta de fermer sa main droite, laissant libres l'index et le majeur qui, ployés, représentaient les genoux d'une personne prosternée. Ainsi put-il manifester son respect à l'empereur discrètement.
Ce geste (aujourd'hui on se contente de frapper la table du bout des deux doigts) est utilisé pour dire « merci » quand on remplit votre verre, spécialement si vous êtes en pleine conversation et voulez éviter de vous interrompre. Le langage gestuel ou verbal est parfois trompeur.
Lorsque qu'une personne prend congé d'une autre, elle dira : Yŏu shì'r, dă diànhuà! Ces mots signifient : S'il y a quelque chose (que je peux faire pour toi), téléphone-moi. Mais sitôt dit, sitôt oublié. Il ne faut pas compter sur cette offre d'aide, ce n'était qu'une façon de saluer.
Aussi les Chinois font-ils un usage très facile des mots « ami » et « amitié ». Le président de l'État appelle chaque citoyen « ami » dans son discours du Nouvel An. Les présentateurs de télévision appellent « chers amis » les auditeurs qu'ils ne verront jamais. Le chef d'un village appelle « amis » les visiteurs venus de loin. Et si vous louez votre garage à un Chinois, vous devenez son « ami ».
Dans la culture occidentale, nous avons une compréhension plus exigeante de l'amitié ; mais il est important que nous sachions ce que signifie ce terme pour les Chinois au milieu desquels nous vivons.
Une trappe guette presque tous les étrangers qui viennent d'arriver en Chine. Bien que les Chinois n'aient aucune intention de piéger qui que ce soit, nous nous y prenons nous-mêmes. Quand ils abordent un expert étranger venu de son pays développé pour travailler dans des conditions inférieures, les Chinois l'invitent à « critiquer » la Chine, ou le travail et la vie quotidienne des Chinois, et l'incitent à fournir conseils et avis afin d'aider le pays à s'améliorer. C'est une façon polie de montrer au nouveau venu qu'on apprécie sa présence.
Mais la plupart des non-Chinois tombent dans le piège et se mettent à énumérer les imperfections remarquées dès leur descente d'avion, et à suggérer des moyens d'y remédier. On aurait dû répondre par quelques mots modestes comme : « La Chine a une si longue histoire ; comment notre pays qui n'a même pas un millénaire d'existence pourrait-il lui enseigner ce qu'elle doit faire ? » Cette humilité est difficile à accepter pour un Occidental – qui a déjà cumulé une longue liste de récriminations contre la Chine – mais elle est nécessaire si l'on veut s'intégrer harmonieusement dans la société en vue de relations faciles et positives dans l'avenir.
De toute façon, dans quelques mois, on trouvera probablement que, après tout, ce qui paraissait insupportable au début n'était tout de même pas si mal.
Dans le même ordre d'idées, il faut à tout prix éviter de critiquer, conseiller ou corriger les enfants des autres. Un jour, à Kunming, j'ai osé ramasser les papiers qu'une fillette jetait le long de son chemin et les mettre à la poubelle en lui conseillant d'en faire autant, mais sa mère m'est dès lors devenue hostile.
* L'orthographe rectifiée (1990) s'applique dans ce texte. |