Comment distinguer un étranger qui a formellement étudié le chinois d'un autre qui a appris la langue à travers ses voyages et son travail en Chine ? Le premier vous salue d'un Ni hao ma ?
Or, il faut savoir que ni hao signifie littéralement « toi bien », ou « je te souhaite du bien », dans le même sens que l'on dit « Bonjour » en français. La particule ma, à la fin d'une phrase, fait de Ni hao une question. Donc, littéralement « Comment vas-tu ? »
Ni hao ma me semble donc emprunté au britannique « How do you do ? » utilisé aussi aux États-Unis. Mais les nouveaux professeurs d'anglais en Chine sont étonnés de voir encore dans les manuels cette question qui ne demande pas de réponse, car cette formule est maintenant désuète.
Dans un article du China Daily (5 nov. 2012), j'ai été étonnée de voir Ni hao ma? comme titre, car l'article portait sur les instituts Confucius qui enseignent le chinois langue étrangère à des milliers de personnes à travers le monde. Le Hanban (Bureau national pour l'enseignement du chinois langue étrangère) contribuerait-il à perpétuer cette erreur, ou s'agit-il d'une bévue de l'auteur ?
Je fréquente la Chine depuis 27 ans et y vis depuis 22 ans. Jamais je n'ai entendu des Chinois se saluer par cette question. J'ai d'ailleurs vérifié auprès de plusieurs linguistes, professeurs et utilisateurs qualifiés de la langue chinoise avant d'écrire ce qui suit.
Si un Chinois dit Ni hao ma?, c'est seulement en second lieu, après avoir dit Ni hao, quand il retrouve un vieil ami qu'il n'a pas vu depuis longtemps. Ce Ni hao ma? n'est pas une salutation mais une question équivalant à « Ça va, toi, ta fille ? Ton travail ? »
Aussi, les Chinois saluent-ils habituellement leurs collègues, voisins, amis par d'autres questions concernant la vie courante comme Ni chifanle ma ? (As-tu mangé?) si c'est l'heure du repas,ou « Tu sors? », « Tu es revenu? », « Tu t'es levé tôt? » selon l'activité du moment.
Ni hao ma? comme équivalent de Bonjour! ou comme salutation adressée à une personne qui vient de nous être présentée, est définitivement une erreur de traduction.
Ce n'est certes pas par ignorance de leur langue que les Chinois enseignent la formule Ni hao ma aux étrangers. C'est qu'ils cherchent à s'adapter à la culture de l'autre (ce qui suppose que tous les étrangers sont anglophones) et à faire plaisir en lui facilitant les choses.
Cependant, le résultat n'est pas toujours favorable. Quand les Chinois invertissent leurs nom et prénom en se présentant, et que l'interlocuteur est au courant qu'en Chine, on donne d'abord le patronyme, une erreur se produit automatiquement.
De même, quand un Chinois vous dit qu'il habite au 4e étage, parce que vous parlez français mais qu'en fait vous venez du Canada où le rez-de-chaussée est considéré – tout comme en Chine – comme premier étage, alors vous ne trouverez jamais son logement.
Ou encore, quand on croit qu'il s'agit de traduire en pinyin (alphabet latin) pour que tout le monde comprenne, surtout s'il s'agit d'une abréviation comme BJQJDKYD, vous chercherez longtemps le restaurant de canard laqué Beijing Quanjude kao ya dian.
Une collègue me demandait un jour si j'avais visité l'église tout près de notre bureau. Surprise de n'avoir jamais remarqué d'église, je lui demandai de m'y amener. Or, il s'agissait d'un « temple » bouddhique que je connaissais fort bien. La collègue avait traduit en fonction de sa présomption que « nous autres » sommes tous chrétiens.
Pourtant, les Chinois ont commencé à voyager, en Europe surtout, en groupe avec un guide. Mais ces périples d'une douzaine de jours où ils visitent sept ou huit pays leur donne à peine le temps de prendre des photos qu'ils montreront aux autres, alors qu'eux-mêmes n'auront pas eu le temps d'observer et absorber les multiples cultures qui forment la mosaïque culturelle occidentale.
Les quelques bribes qu'ils auront perçues en passant, ils les généraliseront à tous les non-Chinois, et continueront de dire : « Vous autres, vous dites, faites, mangez, pensez ceci ou cela… ». Parce que leur hôte allemand se couchait à 21h, ils présumeront que les étrangers se couchent tôt.
Je ne m'y habituerai jamais. |