Zhan Yong, chroniqueur au Quotidien du Peuple et Cai Fang, directeur de l'Institut de la population et de l'économie du travail à l'Académie chinoise des sciences sociales ont récemment exprimé leur opinion sur l'accession de la Chine au rang de deuxième économie mondiale, tirée par un PIB de 5 880 milliards de dollars en 2010. Selon eux, la Chine est encore un pays en développement confronté à plusieurs défis.

Voici des extraits de leur analyse:

La progression du PIB chinois dans le classement mondial doit être considérée sous deux aspects : elle a non seulement conduit le monde à voir la Chine sous un nouveau jour, mais elle a également rappelé au pays la nécessité d'examiner de plus près son mode de développement.

D'un côté, le dépassement du Japon [auparavant la 2ème économie mondiale] par la Chine en terme de PIB est un symbole de l'ascension économique irrésistible de la Chine ainsi qu'un événement dans l'histoire économique du monde moderne, puisque c'est en 1968 que le Japon avait lui-même supplanté l'ex-République fédérale d'Allemagne au rang de deuxième puissance économique mondiale. Cette réussite est notamment due au dévouement de générations de travailleurs chinois pendant plus de 30 ans de réforme et d'ouverture. C'est le résultat naturel du cycle de développement solide qu'enregistre le pays depuis des décennies. Aux alentours de l'année 2000, la taille de l'économie chinoise représentait le quart de celle du Japon et l'on considérait alors qu'il faudrait probablement 25 ans à la Chine pour rattraper son retard. Pourtant, il ne lui aura fallu que 10 ans. Au cours des 30 dernières années, la Chine a maintenu une croissance annuelle moyenne de son PIB de 9,8 %, soit plus de trois fois la croissance mondiale moyenne observée lors de cette même période. Pour un pays en développement doté d'une population de 1,3 milliard de personnes, chaque avancée dans le classement du PIB des pays du monde génère des miracles en terme de développement économique.

D'un autre côté, les Chinois doivent être pleinement conscients que si la Chine est désormais « au deuxième rang mondial », elle en est toujours au premier stade de son développement. La Chine devra encore parcourir un long chemin avant de rattraper le Japon. Selon les statistiques communiquées par le Fonds monétaire international (FMI) en 2010, le PIB par habitant était en Chine de 3 566 dollars en 2009, alors qu'il était de 39 573 dollars au Japon, soit plus de 10 fois celui de la Chine. À pouvoir d'achat égal, le revenu par habitant au Japon est cinq fois plus élevé que celui des Chinois. En outre, il existe des écarts très importants entre les deux pays dans des domaines tels que les capacités de recherche et développement, la qualification de la main-d'œuvre et les niveaux de consommation énergétique. Les problèmes de la Chine sont donc tout aussi évidents que ses succès.

Derrière le bon classement de la Chine se cache un difficile processus de développement. Prise dans une délicate période de transition, la Chine n'est pas complètement sortie d'un modèle de développement extensif. Son rapide développement est très gourmand en énergie, polluant et repose sur des industries à forte intensité de main-d'œuvre. La structure économique doit en outre être optimisée puisque d'une part la consommation de ressources et d'énergie par unité de PIB demeure élevée, d'autre part le développement de l'économie et celui du bien-être de la population ne suivent pas la même courbe. La population est tout à la fois impatiente de voir le gâteau grossir, mais aussi de savoir comment partager ce gâteau.

Pour la Chine, l'augmentation ou la baisse du PIB est en elle-même insignifiante. Le plus important est le développement durable de la société et l'amélioration des conditions de vie de la population. Poursuivre un développement durable et faire les efforts nécessaires pour permettre à l'ensemble des Chinois de profiter des fruits de la croissance est aujourd'hui une problématique essentielle de notre développement.

Le PIB est l'un des indicateurs clés de la puissance économique d'une nation, mais ce n'est pas le seul. Selon les données du FMI et d'autres organisations internationales, le PIB par habitant de la Chine est inférieur de moitié à la moyenne mondiale, se classant au 100ème rang mondial. Si l'on considère le critère fixé par les Nations unies, à savoir 1 dollar par jour et par personne, la Chine compte encore 150 millions de personnes vivant dans la pauvreté. Elle reste un pays en développement, tourmenté par un développement inégal, non coordonné et non durable. 

Le problème de la population ne peut pas non plus être ignoré. Au cours des 30 dernières années, 27 % de la hausse du PIB par habitant a été générée par la force démographique du pays. D'ici 2015, le nombre de personnes en âge de travailler, c'est-à-dire ayant entre 16 et 64 ans atteindra son maximum et commencera ensuite à décliner. La puissance démographique de la Chine va progressivement diminuer et le vieillissement de la population deviendra un problème.

Un vieillissement accru de la population devrait changer la donne en ce qui concerne la main-d'œuvre disponible, le taux d'épargne élevé et le faible niveau de dépendance. En effet, les presque 10 % de croissance enregistrés au cours des 30 dernières années ont été permis par l'exploitation de la richesse démographique du pays. Lorsque celle-ci se tarira, le peuple chinois risquerait bien de « devenir vieux avant de devenir riche ». En 2000, les personnes de plus de 65 ans représentaient 6,8 % de la population totale, une proportion égale à la moyenne mondiale. Mais en 2010, cette part est passée à 8,3 %, bien supérieure à la moyenne mondiale de 7,5 %.

Le processus de développement économique et social étant irréversible, le vieillissement de la population devrait entraîner une baisse sévère de la main-d'œuvre jeune au cours des cinq prochaines années, ce qui signifie que la Chine entrera dans une phase de vieillissement à un stade de développement relativement bas.

En tout état de cause, la Chine a connu de grands succès en terme de développement économique et la nation chinoise est sur la voie du rajeunissement. Pourtant, autant de défis que d'opportunités se présentent à elle et son développement est encore confronté à de nombreux problèmes. La Chine doit encore parcourir un long chemin.