La première audience du procès contre l'ex-président égyptien Hosni Moubarak qui s'est déroulée le 3 août et à laquelle celui-ci s'est présenté couché sur une civière dans une cage, a soulevé l'attention du monde entier. Selon Olusegun Obasanjo, ancien président nigérian, il n'est pas convenable que l'ancien chef d'État égyptien soit enfermé dans une cage lors de l'audience. Cette humiliation contre Moubarak est « mauvaise pour l'image de l'Afrique en tant que continent ». Zhang Zhongxiang, vice-directeur du Centre d'études sur l'Asie de l'Ouest et l'Afrique rattaché à l'Institut des recherches internationales de Shanghai, a partagé avec CHINAFRIQUE son point de vue sur cette question. Voici quelques extraits de ses propos :
Six mois se sont écoulés depuis la démission de Hosni Moubarak, chassé du pouvoir par les révoltes populaires. Depuis lors, l'armée a pris les rênes du pays et publié le calendrier des élections législatives et présidentielles, ce qui n'a pas mis fin aux affrontements entre les diverses forces politiques du pays, toujours en pleine mutation. Le procès de Moubarak, soulignant la forte volonté de l'Égypte de suivre la voie de la démocratie, aura, d'autre part, des conséquences assez compliquées.
En dépit des problèmes ayant émaillé ses trente ans de règne, tels que la corruption, la répression contre les partis d'opposition, la nomination des fonctionnaires par favoritisme et son intention de transférer le pouvoir à son fils, l'ex-président égyptien était jadis un général qui avait accompli des faits d'armes remarquables et qui en tant que chef d'État s'est dévoué à la prospérité de sa patrie. C'est pourquoi, aujourd'hui encore, Moubarak compte toujours un certain nombre de partisans dans son pays. Son procès risque par conséquent d'aggraver les frictions entre ses partisans et ses détracteurs, comme ce fut le cas la veille de la première audience, qui a été précédée de heurts dans les rues.
Les Frères musulmans, le mouvement d'opposition le plus influent d'Égypte seront certainement les grands bénéficiaires du procès de Moubarak. Longtemps réprimée sous le règne de l'ex-président égyptien, cette organisation désire naturellement se débarrasser de ce dernier. Les Frères musulmans ont d'ores et déjà créé un nouveau parti baptisé le « Parti de la liberté et de la justice », avec l'ambition de briguer la moitié des sièges aux élections législatives prévues en septembre.
Pour l'armée, qui a pris le pouvoir des mains de Moubarak le 11 février, ce procès représente un certain danger. Les forces démocratiques, représentées par le « Mouvement du 6 avril », mécontentes de la prise de pouvoir par l'armée, menacent à tout bout de champ de lancer une seconde révolution pour faire avancer le mouvement démocratique égyptien et rompre radicalement avec l'ère Moubarak. L'armée, qui souhaite ramener le calme dans le pays et se désolidariser de l'ex-président n'a pas hésité à le traduire au tribunal en le présentant dans une cage. Néanmoins, ayant longtemps été dirigée par Moubarak, elle risque de se retrouver, elle aussi, sur le banc des accusés.
Impact sur le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord
Le procès de Moubarak, résultat de l'affrontement entre diverses forces politiques égyptiennes, fait partie des affaires intérieures de ce pays arabe. Ce n'est pas une pièce de théâtre spécialement jouée à l'attention des autres pays du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord, contrairement à ce que disent certains médias, selon lesquels « le jugement de Moubarak est le meilleur cadeau offert [par l'Égypte] à la Syrie, à la Libye et au Yémen ». Pourtant, on ne peut pas nier l'impact de cet événement sur la situation politique de cette région.
Ce procès a envoyé un message clair aux dirigeants d'État des pays du Moyen-Orient et d'Afrique du Nord connaissant également une crise : une fois chassés du pouvoir, peu importe ce qu'ils auront accompli pendant leur règne. Ils devront se soumettre à la volonté des opposants, ce qui les conduira sans doute à s'accrocher encore davantage au pouvoir. Ainsi, le jour même du procès de Moubarak, Saïf Al-Islam, l'un des fils du colonel Kadhafi a déclaré que le gouvernement libyen lutterait jusqu'au bout contre les opposants.
Le désir exprimé par les citoyens de ces pays d'une réforme politique et d'une amélioration des conditions de vie est tout à fait raisonnable.
Perspectives de la situation politique de l'Égypte
Important pays du Moyen-Orient et d'Afrique du Nord, l'Égypte, qui jouit d'une longue histoire de plus de 5 000 ans ainsi que d'une brillante civilisation, dispose d'une certaine sagesse politique. Quel que soit le prochain dirigeant, ce pays arabe s'efforcera assurément de jouer le rôle qui est le sien dans la région.
Depuis la chute de Moubarak, le gouvernement de transition a d'ailleurs fait preuve de souplesse dans ses choix politiques. Ainsi, le 20 février, l'Égypte a autorisé deux navires militaires de l'Iran à traverser le canal de Suez. C'est la première fois, depuis la révolution islamique iranienne de 1979, que des navires militaires de ce pays entrent en Méditerranée par le canal de Suez. En outre, le 25 mai, l'Égypte a autorisé l'ouverture du point de passage de Rafah vers Gaza afin de favoriser la recherche d'un nouvel équilibre entre Israël et la Palestine. Mais le gouvernement de transition s'est également opposé à toute intervention étrangère. Le 20 juillet, le vice-ministre égyptien de la Défense a déclaré que l'armée égyptienne s'opposait à la supervision internationale des élections législatives de son pays.
La Chine et l'Égypte partagent une longue amitié traditionnelle. La Chine soutient les pays africains dans leur choix de la voie de développement qui leur convient et n'intervient pas dans leurs affaires intérieures. Peu lui importe les changements de pouvoir que connaîtra l'Égypte. Pour peu que les deux parties conservent une attitude de sincérité et d'amitié et privilégient les principes d'égalité et d'intérêts mutuels, les relations sino-égyptiennes continueront à se développer.
Le gouvernement de transition égyptien a lui-même poursuivi la politique d'amitié avec la Chine. Le 16 mai s'est d'ailleurs déroulée à Ismailia la cérémonie d'inauguration d'un projet soutenu par la Chine, à savoir le Centre de formation et d'enseignement de la pêche et de l'industrie aquacole rattaché à l'université du Canal de Suez. Représentant un investissement de 35 millions de yuans (5,47 millions de dollars), il s'agit de l'un des plus grands projets de pêche soutenus par la Chine dans les pays africains. C'est le premier projet d'assistance internationale à être inauguré depuis le 25 janvier, date de l'éclatement des révoltes populaires en Égypte. |