Un jeu dangereux

L'agriculture chinoise a connu une croissance rapide durant les 50 dernières années, et a permis au pays le plus peuplé du monde de réaliser son autosuffisance alimentaire et son développement économique. Néanmoins, Jiang Gaoming, un chercheur à l'Institut de botanique de l'Académie chinoise des sciences, estime que les Chinois devraient marquer une pause et s'inspirer de l'approche africaine en matière de biodiversité et d'écologie. La protection de la biodiversité et de l'environnement pourrait être plus bénéfique à la Chine qu'une croissance du PIB à deux chiffres. Voici un condensé de ses réflexions :

En Chine, les gens comparent le développement inégal des zones urbaines et rurales aux « villes européennes et à la campagne africaine ». Cette comparaison s'appuie sur l'idée que l'Afrique est la région la plus pauvre au monde, mais c'est une erreur. Récemment, j'ai voyagé sur le continent africain lors d'une conférence internationale organisée par l'UNESCO. C'était l'occasion de voir certaines des dernières contrées vierges de la planète.

La conférence avait lieu à Bobo Dioulasso, au Burkina Faso, à 300 km de la capitale, Ouagadougou. Notre emploi du temps prévoyait une nuit à Ouagadougou. Ensuite, nous sommes partis pour la conférence en minibus.

Pendant le trajet, j'ai admiré les nombreuses forêts du pays, plantées d'arbres centenaires. Des villages se cachaient dans ces forêts. Quand les arbres meurent, les habitants ne les abattent pas. Ils les creusent et en font des œuvres d'art.

Ce pays connaît des précipitations annuelles de l'ordre de 800 mm et une température moyenne annuelle de 27 degrés celsius. Les pluies sont faibles en hiver, et la saison humide succède à la saison sèche. Ces conditions donnent un aspect miraculeux aux forêts. Mais l'empreinte humaine peut cependant les transformer en déserts.

À Nasso, une autre étape sur la piste, j'ai vu une autre forêt. Elle couvrait une surface de 300 hectares. De grands arbres, des lianes épaisses et une rivière limpide nous donnaient l'impression d'être dans une forêt tropicale. Mais à l'orée de cette forêt, le désert était là, provoqué par une tentative pour planter une forêt artificielle d'eucalyptus, très voraces en eau. En 1951, lorsque le gouvernement local a noté ce changement, une réserve a été créé, gérée par les citoyens. Grâce à cette protection, la forêt a été régénérée. C'est un choc visuel de comparer les forêts naturelles aux forêts détruites. De nos jours, l'écotourisme bénéficie plus à la population locale que la déforestation.

Les forêts du Burkina sont d'un vert qui fait rêver. Le chant des oiseaux rappelle la campagne chinoise d'il y a quarante ans. Des femmes cueillent des fruits pour le repas et des feuilles pour nourrir le bétail. Bien que les forêts aient été exploitées pour ménager des champs, certains arbres demeurent, fournissant de l'ombre pour le coton et les plants d'arachide. Les forêts protègent les terres agricoles des tempêtes de sable et les champs alimentent la forêt.

Les méthodes culturales en Afrique de l'Ouest sont remarquables. L'agriculture y est à la merci de la nature, n'utilisant ni engrais chimiques ni fertilisants. On utilise l'eau des nappes phréatiques, en creusant seulement des puits pour irriguer les potagers, afin de ne pas l'épuiser. Les champs agricoles dépendent de la pluie.

L'attitude générale envers la nature en Afrique de l'Ouest semble plus respectueuse. Cela est évident à Mare, une réserve en zone humide créée en 1978. Grâce à des mesures sévères, les terres humides sont restées sauvages. Les oiseaux venant d'Europe passent l'hiver ici. De nombreuses plantes occupent le rivage. L'eau est claire, et la boire me rappelle le goût de l'eau de la rivière de mon enfance. Je me suis rendu au bord de nombreuses rivières, lacs et zones humides à travers le monde, mais rare sont les endroits où l'eau me semblait si saine.

À en juger par leur secteur des technologies de l'information en plein boom, les Africains savent comment faire de l'argent avec quelque chose. Mais ils n'en ont rien fait avec leur agriculture et leurs ressources naturelles. Ils savent que s'ils exploitent ces secteurs, des mauvaises conditions climatiques et des maladies vont apparaître, rendant leur survie problématique.

Au contraire, la Chine joue un jeu dangereux. Ses terres agricoles sont gorgées de poison. Sa biodiversité et la capacité des sols se dégradent rapidement. L'agriculture chinoise ne devrait pas suivre aveuglément les traces des États-Unis, mais devrait plutôt apprendre de l'Afrique. La protection de la biodiversité et de l'environnement est plus importante qu'une croissance à deux chiffres.