Innovation et revenu
En Chine, le premier document de l'année publié par le
Comité central du Parti communiste chinois et le Conseil des
affaires d'État est appelé le document No 1. Cette année est
la première fois qu'il évoque la science agronomique et le
développement technologique. Li Changping,
chercheur au centre de recherche pour le développement rural et la
construction à l'Université du Hebei, estime que le gouvernement
doit s'assurer que les revenus des paysans croissent en fonction du
progrès scientifique et technologique. Voici le résumé de
ses réflexions :
Le thème du document No 1 de cette année est
l'innovation scientifique et technologique. Cela implique de
souligner l'importance de la science et la technologie agricole,
d'établir la manière de lever les obstacles systémiques,
d'accroître l'investissement et les subventions au secteur
agricole, de promouvoir les bonds scientifiques et technologiques
pour garantir une production agricole efficace et améliorer les
revenus des paysans.
En réalité, le document No 1 de cette année et des
années précédentes se concentraient tous sur l'accroissement de la
production agricole. C'est un objectif constant et central. La
différence pour le document de cette année est qu'il s'attaque à ce
problème du point de vue de la science et de la
technologie.
De manière générale, la production agricole est déterminée
par trois facteurs : l'enthousiasme des paysans, les
infrastructures hydrauliques, et le progrès de la science et de la
technologie agricoles. L'accent sur l'innovation technologique et
scientifique doit accroître les rendements agricoles, mais il est
trop tôt pour affirmer que les revenus des paysans en
profiteront.
Le consensus général veut que le revenu des paysans
augmente en même temps que les investissements et les subventions
ainsi que les progrès technologiques dans le secteur agricole.
Alors qu'il peut sembler simple d'estimer que ces progrès vont
alléger la pauvreté rurale, l'innovation scientifique et
technologique est en réalité une arme à double tranchant pour les
paysans.
Au niveau macroéconomique, cette innovation technologique
accroît effectivement les rendements agricoles. La production
annuelle de céréales en Chine est passée de 446 millions de tonnes
en 1990 à 570 millions de tonnes en 2011. Sur cette période, les
progrès dans le domaine des semences hybrides, des engrais et des
pesticides ont joué un rôle fondamental dans cette croissance.
Pourtant, l'augmentation de la production a peut-être empêché les
prix de croître. Dans les 20 dernières années, le prix à l'achat
des céréales a été multiplié seulement par six, alors que dans la
même période, le prix des semences, des engrais et des pesticides a
été multiplié par vingt. Si l'innovation scientifique et
technologique bénéficie à la société dans son ensemble, les paysans
ne sont pas nécessairement les bénéficiaires de ce
progrès.
Au niveau microéconomique, les paysans propriétaires de
machines agricoles ou qui ont investi dans la technologie
biochimique auront de meilleures récoltes. Ils doivent rester
compétitifs pour assumer les investissements, et les achats de
semences, engrais et pesticides. Mais cette compétition a un coût,
puisque les producteurs de produits biochimiques comme les semences
hybrides ont tendance à chercher des profits monopolistiques. Ce
coût ne fait qu'augmenter avec le progrès technologique. Pourtant,
la santé financière des agriculteurs varie; les agriculteurs riches
peuvent s'enrichir en utilisant la nouvelle technologie alors même
que les agriculteurs pauvres deviennent plus vulnérables. S'il n'y
a pas de politique spéciale pour protéger les agriculteurs pauvres,
l'innovation scientifique et technologique ne fera que les
appauvrir davantage.
Comment faire en sorte que le revenu des agriculteurs
pauvres augmentera à mesure que le gouvernement augmente ses
dépenses scientifiques et technologiques est un problème important
et réel.
Le gouvernement devrait renforcer les services publics
d'aide technologique dans les zones rurales. Le système de services
actuel manque d'organisation et de personnel. La réparation de ce
système permettra à des millions d'avoir accès aux services
gratuits de technologies agricoles.
Le gouvernement devrait également veiller à ce que
l'innovation scientifique et technologique contribue à un large
public. Les mesures et les lois devraient être faites de manière à
limiter les monopoles parmi les entreprises commerciales agricoles
et biochimiques.
Les paysans devraient trouver le soutien du gouvernement
quand ils s'unissent en groupes ou associations. En tant que
groupe, ils peuvent s'aider les uns les autres avec les services
technologiques, et être égaux à la table des négociations avec les
fournisseurs de technologies agricoles et biochimiques. Cela peut
aider à conjurer la commercialisation excessive et la
monopolisation de la part de ces entreprises.
Finalement, le gouvernement devrait prêter attention aux
points de vue des fermiers et faire jouer pleinement leur
initiative dans les domaines de la production, de l'échange, de la
distribution et de la consommation. Les paysans sont plus que des
petits producteurs à court terme dans la grande économie de la
Chine. Ce serait une erreur de ne pas tenir compte de cela à
l'heure actuelle.
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