Les racines de
l'indignation des musulmans
Pendant plusieurs semaines en
septembre, une vague de manifestations contre les États-Unis, et
les pays occidentaux en général, a balayé le monde musulman. La
cause initiale de cette colère était la bande-annonce d'un film se
moquant du prophète Mahomet. Qin Tian, chercheur à
l'Institut chinois des relations internationales contemporaines,
pense que même si ces manifestations sont très répandues, les gens
doivent rester conscients de la diversité du Moyen-Orient.
Voici son point de vue:
L'analyse des événements
devrait être fondée sur des cas individuels. Par exemple, la Libye,
le pays le plus durement touché, est dans une situation
d'après-guerre civile. Des milices aux idéologies, armes et
exigences politiques différentes ont émergé au cours de la guerre
contre le régime de Mouammar Kadhafi. Ils ne sont pas soumis au
gouvernement de transition, et les forces de sécurité sont
décentralisées et ont une capacité limitée. Dans un tel
environnement où la sécurité n'est pas assurée, les manifestations
peuventfacilement tourner à la violence.
Par rapport à la Libye,
l'Egypte est relativement sous contrôle. Il y a eu des
affrontements entre la police et des civils pendant quelques jours,
faisant des centaines de blessés, mais les ambassades étrangères
sont restées largement à l'abri des attaques violentes. Les
autorités égyptiennes ont clairement une structure de sécurité bien
meilleure que la Libye.
L'autre zone d'instabilité est
l'Afghanistan et le Pakistan. Contrairement aux pays du
Moyen-Orient, l'Afghanistan et le Pakistan sont toujours un champ
de bataille. Les États-Unis poursuivent leur guerre antiterroriste,
avec des attaques de drones sur les enclaves terroristes supposées
qui coûtent fréquemment la vie à des civils. Les populations de ces
pays sont déjà profondément remontées contre les États-Unis. Il
n'est donc pas surprenant qu'ils descendent dans la rue pour
exprimer leur colère.
Les manifestations au Yémen et
au Soudan ont également tourné à l'émeute contre les ambassades des
États-Unis. Le Yémen est un peu similaire à l'Afghanistan et au
Pakistan. Les États-Unis ont frappé les militants d'al-Qaïda, tuant
plusieurs personnages clés de ces dernières années. Washington peut
penser qu'il aide le Yémen, mais les Yéménites sont en désaccord.
Parallèlement, depuis des décennies, les États-Unis ont défini le
Soudan comme un « État voyou ». Les États-Unis ont
sanctionné le Soudan et appuyé la séparation du Sud-Soudan pour
affaiblir le pays. Après l'indépendance du Sud-Soudan en 2011, les
États-Unis sont restés réticents à changer leur politique envers le
Soudan.
La politique américaine
en question
C'est tout à fait normal qu'il
y ait des différences entre les civilisations. Malgré cela,
différents pays peuvent être amis. Le président américain Barack
Obama avait déclaré lors de son discours du Caire en 2009 que les
États-Unis ne serait pas l'ennemi du monde musulman. La réalité,
cependant, est loin d'être idéale.
Traditionnellement, la
politique américaine au Moyen-Orient est composée de plusieurs
piliers, notamment la lutte contre le terrorisme, la protection
d'Israël, les intérêts pétroliers et la non-prolifération nucléaire
(en particulier contre l'Iran). Ces éléments ne correspondent pas
tous aux intérêts des pays régionaux. Les États-Unis ont lancé une
guerre antiterroriste en Afghanistan en 2001, qui a tourné au
conflit prolongé et écrasé l'espoir de voir l'Afghanistan redevenir
un endroit paisible à court terme.
Au cours de l'ère de George W.
Bush, le plan pour un Grand Moyen-Orient était centré sur la guerre
en Irak de 2003. Saddam Hussein a été renversé, les conflits
sectaires ont éclaté et l'Irak n'est toujours pas un système stable
et démocratique. Lorsque la guerre civile en Libye a atteint un
moment critique de mars 2011, les États-Unis et d'autres pays
occidentaux sont intervenus militairement à nouveau, cette fois
sous le drapeau de la « responsabilité de protéger ».
Avec le renversement de Kadhafi, le paysage politique libyen s'est
fragmenté. Avec autant de milices opérant pour leur propre compte,
il est difficile d'assurer la sécurité publique, et encore plus de
gérer une transformation démocratique.
Il semble évident que les
États-Unis sont plus habiles à déposer les anciens régimes qu'à en
établir de nouveaux, et laissent un énorme fossé entre les
promesses et les réalisations. Les gens de la région doivent faire
face par eux-mêmes à un terrible chaos. Leur politique
déséquilibrée, leur position partiale et leur irresponsabilité dans
la période d'après-guerre ont endommagé l'image des États-Unis au
Moyen-Orient et dans le monde musulman. Le film insultant n'était
qu'un petit affront qui a déclenché la protestation de populations
déjà échauffées par une politique partiale, une lecture erronée de
l'Islam et une mentalité enracinée dans le choc des
civilisations.
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