Zhang Zhongxiang
La « déclaration constitutionnelle » et le « référendum constitutionnel » proposés par le président égyptien Mohamed Morsi ont conduit à une crise politique sans précédent depuis l'élection présidentielle. Dans un article pour CHINAFRIQUE, Zhang Zhong-xiang, vice-directeur du Centre d'études africaines de l'Université normale de Shanghai, adhère à l'idée que cette crise est le signe d'un conflit sévère existant entre les religieux et les laïques, et que la démocratisation du Moyen-Orient sera un processus long. Voici les extraits de son article :
Les troubles qui ont débuté début 2011 au Moyen-Orient et en Afrique du Nord n'ont pas encore cessé. Le conflit en Syrie dure depuis deux ans, et s'est déplacé d'Alep à Damas. Les rebelles libyens ont renversé le gouvernement Khadafi en août 2011, mais en raison du conflit qui règne entre les différentes factions, le pays n'a toujours pas de nouveau président. Même à Tunis, à l'origine du « printemps arabe », les gens sont mécontents car leur vie n'a pas changé depuis la révolution.
Tout cela démontre qu'il est facile de détruire un vieux monde, mais beaucoup plus difficile d'en construire un nouveau. Le taux de chômage élevé et les mauvaises conditions économiques sont les défis auxquels sont confrontés ces pays. Cependant, il n'est pas facile de développer l'économie d'un pays et d'améliorer la vie d'un peuple.
Les changements observés en Égypte font partie des événements qui ont eu lieu au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Mais en comparaison avec ceux des pays tels que la Libye et la Syrie, le changement qui s'est passé en Égypte a été relativement pacifique. Les diverses factions politiques poursuivent leurs intérêts par le biais de manifestations pacifiques. La place Tahrir au Caire est devenue un lieu important d'expression des opinions politiques. L'Égypte connaît de nombreux problèmes, notamment des contradictions aiguës entre les intérêts religieux et séculiers. Sa démocratisation sera un processus long et ne se fera pas du jour au lendemain.
En réalité, après avoir prêté serment en tant que président en juin 2012, Morsi a fait de grands efforts pour stabiliser la situation intérieure du pays et développer l'économie, et s'est fait une bonne réputation grâce son rôle de médiateur dans le conflit entre la Palestine et Israël. Mais dans le même temps, il a également adopté une série de mesures visant à renforcer son pouvoir, notamment en changeant la direction militaire pour assouplir ses relations avec l'armée.
Mais il a rencontré des difficultés quand il a voulu modifier le système judiciaire du pays. Le 22 novembre, Morsi a présenté une déclaration constitutionnelle, décrétant qu'aucune des déclarations ou des lois promulguées par le président entre le moment de son investiture et la nouvelle élection du Parlement ne peut être rejetée par aucune autorité, pas même le pouvoir judiciaire. Il a remplacé le procureur général Abdel Meguid Mahmoud par Ibrahim Talaat, pour un mandat de quatre ans. Il a également déclaré qu'il y aurait un référendum portant sur le projet de nouvelle constitution.
La tentative de Morsi d'étendre son pouvoir a provoqué des protestations. Sous la pression, Morsi a fait une concession en annulant le 8 décembre sa précédente déclaration sur l'extension de ses pouvoirs. Une semaine plus tard, le 15 décembre, était organisé le premier tour du référendum sur la nouvelle constitution.
Mais dans les faits, le référendum et la nouvelle constitution ne mettront pas fin aux conflits religieux-laïcs, étant donné que les deux factions ont des vues divergentes sur l'avenir du développement politique de l'Égypte et veulent exercer une plus grande influence sur les tendances politiques à l'œuvre dans le pays.
Il ne fait aucun doute que cette divergence et les conflits qui en résultent exercent un impact négatif sur le fragile processus de démocratisation. De nombreux observateurs estiment que l'Égypte est désormais au bord de la guerre civile.
L'Égypte est un pays important pour le Moyen-Orient et l'Afrique, et joue un rôle positif dans le maintien de la paix et la stabilité de la région. Dans les conditions actuelles, avec une crise en cours en Syrie, le chaos qui se poursuit en Irak, et pas de solution en vue pour le conflit israélo-palestinien, il est important pour l'Égypte d'être stable.
Zhang Zhongxiang, vice-directeur du Centre d'études africaines de l'Université normale de Shanghai
Quel que soit le résultat du référendum, la crise va continuer à déchirer la société égyptienne. La déclaration constitutionnelle de Morsi et ses autres mesures ont engendré des conflits entre ses partisans et ses adversaires. Ces conflits aggravent encore le fossé entre religieux et laïcs. Si la situation en Égypte continue d'être instable ou se détériore, il est possible que l'armée intervienne.
Plus grave encore, l'économie du pays est fortement chahutée. La faiblesse de l'emploi et la récession économique sont des raisons importantes à l'origine du chaos dans ces pays du Moyen-Orient et l'Égypte ne fait pas exception. Ancienne civilisation, l'Égypte bénéficie d'abondantes ressources touristiques. Mais cette agitation de longue durée a été un coup dur pour l'industrie du tourisme. Les conflits suivant la crise constitutionnelle ont mis à mal l'économie du pays. Le 25 novembre, le marché boursier a chuté de 9,59 %, entraînant la disparition de 30 milliards de livres égyptiennes. L'Égypte est maintenant lourdement endettée.
L'Égypte est un pays important pour le Moyen-Orient et l'Afrique, et joue un rôle positif dans le maintien de la paix et la stabilité de la région. Dans les conditions actuelles, avec une crise en cours en Syrie, le chaos qui se poursuit en Irak, et pas de solution en vue pour le conflit israélo-palestinien, il est important pour l'Égypte d'être stable.
En fait, la déclaration constitutionnelle et le référendum constitutionnel ont seulement été le détonateur du conflit religieux-laïcs, qui existait pendant l'ère Moubarak. Il faudra un long moment avant que le fossé puisse être comblé. De plus, il faudra que les politiciens fassent preuve de sagesse et de tolérance, et que les différentes parties acceptent le principe de consultations. Dans le processus de promotion de la démocratie en Égypte, il est bon que les dirigeants politiques prennent en compte les intérêts des différents groupes et organisations religieux afin d'éviter des répercussions négatives pour le développement futur du pays. |