Le récent Sommet des BRICS de Durban, en Afrique du Sud en mars 2013, a été l'une des réunions les plus regardées cette année, en raison du lancement prévu de la Banque de développement BRICS. Malheureusement, les médias dominants peignent un échec plus qu'un succès. Mais Funeka Yazini April, chercheur à l'Institut africain d'Afrique du Sud, estime que cette banque facilitera les efforts de la Banque mondiale et du FMI sur le continent. Voici son opinion :
Les agences de presse comme Al Jazeera ont titré : « Les BRICS ne parviennent pas à lancer une nouvelle banque ». Voice of America a déclaré: « Le sommet BRICS se termine sans accord pour la Banque de développement ». Money Web a dit: « Le projet de banque de développement divise les BRICS, les ministres ne parviennent pas à s'entendre sur les coordonnées bancaires », tandis que Firstpost a affirmé que « la banque BRICS est juste un rêve. »
Il y a dix ans seulement, « le groupe BRICS » n'était qu'un terme obscur inventé par Goldman Sachs en 2001. Les médias se demandent si les BRICS ont suffisamment en commun pour soutenir une institution partagée, et si une nouvelle banque de développement poserait un défi pour la Banque mondiale. La Banque de développement BRICS verra-t-elle le jour? Comment les pays en développement accueilleront cette banque ? Ce que les médias semblent oublier, c'est le fait que la Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI) sont des institutions qui ont obtenu beaucoup de soutien dès leurs débuts. Les plans de coopération économique derrière ces banques ont été établis en juillet 1944 alors que les combats faisaient encore rage en Europe et dans le Pacifique. À la réunion de Bretton Woods, les représentants financiers des 44 nations alliées ont conçu des institutions pour atténuer les obstacles à la croissance financière internationale suite à la guerre. Le Fonds monétaire international (FMI) a été créé pour restaurer le volume des échanges internationaux, qui avaient chuté en raison de l'instabilité depuis les années 1930, lorsque les pays ont abandonné l'étalon-or. Un panier de monnaies des États membres permettrait de corriger les problèmes de balance des paiements. Le dollar US étant la norme, il fut librement convertible en or à un prix fixe.
La Banque mondiale, d'autre part, a été la première banque multilatérale de développement du monde, et a été financée par la vente d'obligations mondiales. Ses premiers prêts allèrent à la France et à d'autres pays européens. Ce processus a conduit à la création de la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD), qui a accordé des prêts pour la reconstruction de l'Europe après la Seconde Guerre mondiale. En 1950, un total de 28 millions de dollars fut accordé par la BIRD pour la reconstruction et la modernisation de la production d'acier en France, en Belgique et au Luxembourg. Toutefois, la demande de fonds n'a pas répondu aux attentes de la Banque mondiale et son portefeuille de prêts a stagné dans les pays industrialisés. La Banque mondiale a alors réorienté sa stratégie vers les pays en développement et a déclaré que ses objectifs comprendraient la réduction de la pauvreté dans les pays en développement, la protection de l'environnement et la promotion à la fois du secteur privé et du développement des ressources humaines.
Cependant, les institutions de Bretton Woods ont fait l'objet de nombreuses critiques au fil des ans, estimant que l'aide étrangère était utilisé comme un outil de coercition par les pays riches, ou qu'elle entravait les forces du marché qui pouvaient finalement éliminer la pauvreté. À partir du milieu des années 1990, des centaines d'organisations non gouvernementales dans le monde entier ont mené des campagnes appelant à une restructuration majeure et une réévaluation des politiques des institutions de Bretton Woods. Ces appels répondaient au fait que les pays en développement devaient des milliards à la Banque mondiale et au FMI. Cette pression de la dette et les programmes d'ajustement structurels orientés vers l'exportation, ont contraint de nombreux pays à vendre leurs actifs, à exploiter leurs ressources naturelles et à réduire les dépenses.
Compte tenu du bilan négatif des institutions de Bretton Woods, on se demande pourquoi les médias dominants ont critiqué le Sommet de Durban pour ne pas avoir lancé la Banque de développement BRICS ni déterminé l'emplacement de la banque et son financement. La réunion de Durban a tout de même permis d'institutionnaliser le regroupement entre les pays du BRICS en établissant certains des mécanismes techniques de coopération. Le sommet prévoyait un accord établissant une réserve d'urgence de 100 milliards de dollars, pour amortir en cas de pénurie de liquidité. La Chine, la plus grande économie du groupe, devrait y injecter 41 milliards de dollars. Les BRICS ont également convenu de mettre en place un Conseil des affaires servant de pont entre les hauts fonctionnaires et les chefs d'entreprise. Par ailleurs, les différences entre les pays BRICS soulignent une nouvelle tendance: ces groupements n'ont pas besoin de partager une même histoire, culture ou religion, ni d'être voisins. Ils peuvent être constitués de pays arrivés au même stade de développement et partageants des intérêts économiques, comme on le voit avec l'OCDE.
En analysant les perspectives de la Banque de développement des BRICS, il est important que les critiques prennent en compte la mise en place et l'impact de la Banque mondiale, qui avait à ses débuts l'avantage d'un financement par la vente d'obligations mondiales. Les critiques, en particulier des médias sud-africains, doivent également tenir compte du fait que la Banque de développement BRICS offrira une alternative positive pour financer le développement des infrastructures en Afrique. L'Afrique reste la région la plus pauvre du monde et abrite 34 des 50 pays les moins développés, ce qui reflète son faible niveau d'industrialisation et la marginalisation de l'industrie manufacturière mondiale. Compte tenu du besoin de croissance industrielle du continent, la banque BRICS aiderait le continent sur la scène mondiale, lutterait contre les effets de la crise économique en Europe et fournirait les 4,5 milliards de dollars de dépenses en infrastructures dont les BRICS auront besoin au cours des cinq prochaines années. En substance, la Banque de développement aiderait à faciliter certains efforts de la Banque mondiale et du FMI sur le continent. Les dirigeants des BRICS ont eu raison de ne prendre que des mesures pragmatiques et prudentes lors du récent sommet. Ils devraient avoir la possibilité de se concentrer davantage sur la consolidation de la coopération économique du groupe, qui se prépare à prendre de nouvelles mesures.
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