Le 7 avril marquait le 20e anniversaire du génocide rwandais. Le gouvernement du Rwanda a décrété une commémoration officielle de 100 jours.
En 2008, He Wenping, membre de l’Institut Charhar et chercheuse à l’Institut de recherche des études d’Asie de l’Ouest et d’Afrique relevant de l’Académie chinoise des sciences sociales, a passé deux mois au Rwanda.
Dans son commentaire pour CHINAFRIQUE, elle note qu’après la tragédie, le Rwanda n’est pas tombé dans la guerre civile ou dans l’abîme de l’échec. Au contraire, le pays a mis en œuvre une série de mesures proactives et s’est engagé sur la voie de la prospérité, du développement, de la discipline et de l’amélioration. Cet exemple peut servir de modèle à d’autres pays africains confrontés à des défis similaires. Voici quelques extraits de ses analyses.
La honte de la scène internationale
Une multitude de facteurs ont conduit à la tragédie du Rwanda qui a eu lieu en 1994. Il s’agit notamment de contradictions profondes entre les différents groupes ethniques, de la population se disputant de plus en plus les terres et les autres ressources en quantité limitée, et des luttes de parti devenues incontrôlables après la tentative des pays occidentaux d’installer de force une démocratie multipartite dans les pays africains après la guerre froide.
Dans une grande mesure, la communauté internationale, et en particulier les pays occidentaux, a été coupable de négligence et d’omission. Ceux qui ont vu le film hollywoodien Hôtel Rwanda n’oublieront pas la peur et l’impuissance des civils rwandais cachés dans un hôtel tandis que les Casques bleus occidentaux aidaient seulement les citoyens de leurs pays respectifs et laissaient le génocide se poursuivre.
Pour ces raisons, durant son discours à l’occasion de la cérémonie commémorative à laquelle la présidente de la Commission de l’Union africaine Dlamini-Zuma et plus de 10 dirigeants africains ont assisté, le Secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon a indirectement exprimé la honte de l’Organisation des Nations unies et de la communauté internationale pour ne pas avoir empêché l’extrême brutalité en 1994. « De nombreux employés des Nations unies et d’autres ont fait preuve d’un courage remarquable. Nous aurions dû faire beaucoup plus. Au Rwanda, les troupes ont été retirées quand elles étaient le plus nécessaires. »
Avant que le massacre ait lieu au Rwanda, l’ONU aurait reçu un rapport sur le risque de génocide, mais le document n’a pas reçu une attention suffisante. Lorsque le génocide a eu lieu, l’ONU a consulté plus de 10 pays membres pour envoyer des troupes au Rwanda, ce qui a également échoué, manquant l’opportunité de prévenir l’expansion de la tragédie.
Le petit pays d’Afrique a été négligé par les pays occidentaux en raison de son manque de ressources naturelles, sa position géographique enclavée et son insignifiance dans leurs stratégies de politique extérieure. En outre, ils ont mal évalué l’ampleur des atrocités.
La réconciliation et le développement
Au cours des 20 dernières années, le gouvernement rwandais et les gens ont accompli de grandes avancées dans la réconciliation nationale et le développement social. En sortant de l’ombre, le nouveau pays et son peuple ont adopté le renouvellement. L’expérience unique de son processus de réconciliation nationale a fait de ce pays un exemple pour d’autres pays africains ayant des problèmes ethniques et tribaux similaires.
Après la fin du génocide, le pays a pris de nombreuses mesures visant à éliminer le foyer du tribalisme et à réaliser l’unité nationale grâce au pardon et à la réconciliation. Certains universitaires occidentaux affirment que politique africaine et politique tribale sont indissociables. Il est vrai que les valeurs communautaires traditionnelles axées sur la famille et les systèmes de production priment encore dans de nombreux pays africains. En outre, presque tous les pays du continent ont diverses tribus de différentes langues et cultures. Ceci a conduit à ce que les problèmes tribaux deviennent un facteur très important du développement et de l’évolution politique de ces pays.
Après avoir mis un terme à la tragédie, les Rwandais ont réexaminé leur passé et ont décidé d’éliminer le tribalisme à la racine. Le gouvernement a modifié la Constitution pour y inclure la lutte contre le tribalisme et la sécession. En outre, les documents d’identité ne mentionnent plus de « tribu », et tous les citoyens se considèrent comme des Rwandais, et non comme des Tutsis ou Hutus. Au cours des 20 dernières années, la situation politique dans le pays est restée stable.
Afin d’encourager le peuple à ne pas répéter le passé, le gouvernement rwandais a établi de nombreux lieux commémoratifs à l’échelle nationale. Tout en rappelant la mémoire nationale, le gouvernement a résolument mis en œuvre la politique de réconciliation tribale, afin que tous puissent apprendre à pardonner, tout en rendant justice.
D’une part, la majorité des criminels ont été jugés par les tribunaux rwandais ou européens ou par le Tribunal pénal international pour le Rwanda. D’autre part, en raison du grand nombre de personnes qui ont été accusées d’assassinat, le pays a dû admettre qu’il ne pouvait pas emprisonner tous les coupables. En outre, cela aurait nui aux efforts du pays dans la promotion de la réconciliation nationale. Dans ce contexte, le gouvernement rwandais a soutenu des tribunaux communautaires traditionnels Gacaca. Auteurs et victimes y ont confessé et pardonné face à face. Un consensus a été atteint sur les dédommagements : les coupables ont dû travailler pour les victimes, pour une période donnée.
Comme la Commission Vérité et Réconciliation créée par Nelson Mandela lorsqu’il a été élu premier président de l’Afrique du Sud après l’apartheid, les tribunaux Gacaca ont été utilisés au Rwanda pour trouver la vérité et arriver à la réconciliation.
La lutte contre la pauvreté
Le gouvernement rwandais a également annoncé sa volonté d’éliminer la pauvreté, en s’efforçant de consolider la réconciliation nationale à travers la réduction de la pauvreté et le développement économique. En 2000, le Rwanda a publié son plan de long terme pour 2020. Deux ans plus tard, il a élaboré une stratégie de réduction de la pauvreté, et en 2007, il a annoncé sa stratégie de développement économique et de réduction de la pauvreté, le tout formant une feuille de route claire pour le développement des années à venir. Selon le plan de long terme, à l’horizon 2020, la population sera de 16 millions de personnes et le revenu par habitant sera passé de 290 dollars à 900 dollars. Cela contribuera grandement à réduire le nombre de pauvres et à faire du Rwanda un pays à revenu intermédiaire.
Au cours des 20 dernières années, le gouvernement rwandais a pris une série de mesures, dont l’émission d’une nouvelle monnaie, la réforme du système d’imposition, et la promotion de la privatisation des entreprises, en donnant la priorité à des projets de lutte contre la pauvreté et de réduction de l’écart entre les riches et les pauvres. Il a également demandé l’aide de la société internationale, cherche à attirer les investissements étrangers et vise la réduction ou l’annulation de sa dette. Depuis 2001, la croissance annuelle du PIB a été d’environ 8 % et plus de 1 million de personnes sont sorties de la pauvreté. Selon les statistiques de la Banque mondiale, le Rwanda est le deuxième pays le plus économiquement accueillant en Afrique, le premier du continent en termes de réalisation des Objectifs du Millénaire pour le développement des Nations unies.
Le Rwanda a connu un passé tragique, mais il n’est pas tombé dans la guerre civile ou l’abîme de l’échec comme d’autres pays africains tels la Somalie et la République centrafricaine. À l’inverse, sous la direction de dirigeants volontaires et clairvoyants, le pays s’est engagé sur la voie de la prospérité, du développement, de la discipline et de l’amélioration. Ses leçons peuvent être utiles à d’autres pays africains confrontés à des défis similaires. |