Dans le contexte d'une conjoncture économique et financière mondiale en perpétuelle mutation, l'émergence de la Chine sur la scène commerciale internationale n'est pas passée inaperçue. Avec l'utilisation plus répandue du yuan dans les transactions sur le marché du commerce et des capitaux, Hannah Edinger, directrice chez Frontier Advisory, réfléchit sur l'évaluation de la monnaie chinoise par le FMI ainsi que son inclusion en tant que monnaie de réserve. Voici son point de vue.
En octobre 2013, le yuan aurait remplacé l'euro en tant que monnaie la plus utilisée dans les financements commerciaux mondiaux. Il s'agit aussi de la cinquième monnaie la plus utilisée dans les transactions internationales. La Banque populaire de Chine (BPC), banque centrale du pays, maintient des accords swap de devises avec environ 30 pays ou régions. Plus de 60 banques centrales détiennent des actifs en yuan dans leurs réserves communes. Cela permet notamment à d'autres pays d'attirer les investissements d'infrastructures à travers la délocalisation et la relocalisation, et a des implications d'une portée considérable sur la région africaine.
Pourtant, ce phénomène n'est pas encore perçu dans les principales institutions gouvernant les financements internationaux, qui restent largement « occidentales ». Dès lors, il n'est guère étonnant de constater que le Premier ministre chinois Li Keqiang et la BPC ont demandé au FMI de recommander le yuan comme monnaie de réserve.
En 2010, lors de la révision du panier de devises composant le droit de tirage spécial (DTS) du FMI, qui se tient tous les cinq ans, l'inclusion du yuan dans cet instrument de réserve international composé du dollar, de l'euro, de la livre et du yen, n'a pas été adoptée car le yuan n'était pas « librement utilisable » comme exigé. Par conséquent, malgré les profonds changements de la conjoncture économique mondiale, le panier du DTS est demeuré inchangé.
En avril, dans le cadre de la révision du DTS, le FMI a fait savoir qu'il conduisait une évaluation intégrée de la monnaie chinoise et de son inclusion comme monnaie de réserve. Preuves à l'appui : l'appréciation stable de sa monnaie, l'adoption des standards de compte imposés par le FMI, la libéralisation progressive de son compte des capitaux et ses taux d'intérêts, ainsi que des régulations et des supervisions plus strictes. Il existe également des mesures prises par le gouvernement pour promouvoir l'emploi du yuan dans les transactions internationales.
Avec la création de deux banques orientées vers le développement, à savoir la Banque asiatique d'Investissement pour les infrastructures et la Nouvelle Banque de Développement, la Chine a montré qu'elle constituait une force à ne pas négliger. Cette puissance asiatique, étant la plus grande économie au sein des BRICS, domine le fonds de réserve monétaire (Contingent Reserve Arrangement, ou CRA) du groupe avec 41 % des actifs – une étape clé dans l'internationalisation du yuan.
Divers bénéfices peuvent être tirés de la dénomination éventuelle du Renminbi comme monnaie de réserve. Pour le FMI et la communauté internationale, cela aura pour conséquence une grande stabilité monétaire. Le panier du DTS pourrait mieux représenter la structure du commerce mondial. Une utilisation plus répandue du yuan à titre de monnaie pour le commerce réduira les pertes des échanges extérieurs lors du commerce avec la Chine. Enfin, les États-Unis devraient se rendre compte que l'intérêt chinois à influencer et à rééquilibrer le système mondial pourrait finalement servir la première économie du monde, et contribuer à promouvoir ce qui reste un système conduit par les États-Unis.
Pour la Chine, cela accélèrerait l'ouverture de ses marchés financiers et contribuerait à un accès plus aisé à des capitaux moins chers. Or, avec une grande demande de monnaie chinoise et un régime de taux de change plus flexible, la compétitivité des prix du yuan diminuerait, et les exportations chinoises deviendraient moins compétitives.
Mais en réalité, il ne s'agit pas d'un désavantage, étant donné le rééquilibrage de l'économie chinoise et la transformation de son modèle de croissance. Ce résultat poussera la Chine à passer d'un modèle économique de manufacture et d'exportations à bas coûts à celui d'investisseur qui développe ses entreprises à l'étranger, puis finalement à un grand consommateur international.
La Chine est le plus grand partenaire de commerce, d'investissement et de financement de l'Afrique, et a contribué à promouvoir l'importance sur la scène mondiale de cette région, qui est encore la moins développée du monde en termes de commerce international. Outre la réduction des coûts de transaction et l'amélioration de l'efficacité du business entre la Chine et l'Afrique, cela contribuerait à dynamiser davantage la diversification économique et la transformation structurelle de l'Afrique. |