
L'art est aujourd'hui une nouvelle forme de placement populaire auprès des Chinois fortunés. Dans la course aux plus-values, le marché de l'art se place désormais au troisième rang en Chine, derrière l'immobilier et la bourse. Cette frénésie s'accompagne néanmoins d'une multiplication des litiges provoqués par l'achat et la vente aux enchères de fausses œuvres d'art, en raison notamment de l'existence d'une clause de non-responsabilité prévue par la Loi chinoise sur les enchères.
Selon l'article 61 de cette loi, si le commissaire-priseur et le vendeur déclarent ne pas garantir l'authenticité de l'objet mis aux enchères, ils ne pourront être tenus responsables si, après la vente, l'objet se révèle être faux.
Cette clause est-elle acceptable ou faut-il la modifier ? Cette question a donné lieu à un vif débat suite au deuxième Forum sur la collection et l'estimation des œuvres d'art de Chine, qui s'est déroulé le 18 novembre 2010 à Hangzhou, la capitale de la province du Zhejiang (sud-est). Un célèbre peintre ayant requis l'anonymat a ainsi déclaré que la clause d'exonération de responsabilité protégeait les intérêts des salles des ventes.
Dans ce débat, ceux qui réclament la modification de la loi estiment que l'article 61 viole le principe de bonne foi commerciale et nuit aux intérêts des consommateurs. Les défenseurs de la clause déclarent que la vente aux enchères est différente des autres formes d'actes commerciaux et doit donc suivre des règles spéciales. Selon eux, acheter une fausse œuvre d'art est un risque inhérent à un placement sur ce marché, que les investisseurs doivent accepter.
POUR
Wang Zhijun
Cultural Relics World Magazine
Selon certains, l'adoption de la clause de non-responsabilité est en accord avec la pratique internationale. C'est une affirmation erronée. Prenons Sotheby's par exemple, l'une des plus anciennes salles des ventes du monde : celle-ci promet d'annuler la vente et de rembourser intégralement l'acheteur si, après la transaction, l'objet acquis se révèle être un faux. Leurs conditions de vente sont donc indéniablement différentes de celles observées en Chine.
Les professionnels du secteur pourraient se justifier en prétextant qu'il est difficile de déterminer l'authenticité d'une œuvre d'art, du fait de l'absence de critères unifiés et du manque de techniques de pointe. Je pense que c'est un argument peu convaincant. Dans notre société moderne, la technologie a enregistré de grands progrès. Pourquoi ne pas la mettre au service de l'expertise des œuvres d'art ? Dans la Chine ancienne, des savants parvenaient déjà à discerner le vrai du faux. Si nous ne parvenons pas à trouver de telles personnes aujourd'hui, à quoi sert donc l'argent investi dans la formation des experts en objets d'art ?
Zhu Yongping
Avocat
L'actuelle Loi sur les enchères doit être modifiée. Elle transgresse le principe de bonne foi commerciale et viole certaines dispositions de la Loi sur les contrats et de la Loi sur la protection des droits et intérêts des consommateurs. Dans ces conditions, elle ne permet pas une protection efficace des consommateurs.
En tant qu'intermédiaires, les salles des ventes touchent des commissions. L'appât du gain et l'absence d'obligations légales due à l'existence de la clause de non-responsabilité font qu'elles n'hésitent pas à vendre des objets dont elles ne peuvent garantir l'authenticité. Un nombre croissant de fausses œuvres d'art font donc leur apparition sur le marché des enchères, semant un désordre certain.
La fabrication et la vente aux enchères d'œuvres contrefaites nuisent aux intérêts des consommateurs. Si la loi ne sanctionne pas de telles pratiques, le marché de l'art ne pourra pas se développer.
Du Zhaoyong
Chercheur
La Loi sur les enchères ayant été rédigée par des professionnels du secteur, ces derniers ont bien évidemment cherché à protéger leurs propres intérêts. Les dispositions relatives aux obligations des salles des ventes sont bien moins nombreuses que celles concernant les artistes et vendeurs dans la Loi sur la protection des droits et intérêts des consommateurs et la Loi sur la qualité des produits. Par ailleurs, aucune mention n'est faite de l'obligation généralement admise de verser une indemnité égale à deux fois le montant payé en cas de suspection de fraude. La loi actuelle n'encadre donc que très peu l'activité des salles des ventes. Si cette loi venait à être révisée, les représentants des acheteurs devraient être invités à contribuer au processus législatif.
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