Une annonce récemment publiée par l'Administration municipale de l'industrie et du commerce de Beijing visant à lever l'interdiction sur l'introduction de boissons extérieures dans les restaurants a suscité un grand débat public.
Cette annonce a immédiatement rencontré une résistance féroce. Trois jours après sa publication, l'Association de la cuisine chinoise a exigé que l'Administration s'excuse pour ce règlement. Selon l'Association, dans les conditions d'une économie de marché, les consommateurs ont le droit d'acheter ce qu'ils veulent et les entreprises peuvent aussi stipuler les termes selon lesquels elles proposent leur service.
L'affaire ne s'est pas arrêtée à la dénonciation faite par l'Association. Le 14 décembre 2013, la Cour populaire suprême chinoise a statué sur le dossier, donnant raison à l'Administration municipale de Beijing.
L'incident a relancé un grand débat public à propos des interdictions dans les restaurants. Tandis que certains reconnaissent le droit des entreprises à gérer leurs affaires comme elles l'entendent, d'autres trouvent l'interdiction injuste car l'apport de boissons extérieures n'engendrerait pas de frais supplémentaires pour les restaurateurs.
Pour
Hu Shizhi
Économiste
Je ne crois pas que la clause interdisant l'introduction de boissons extérieures dans un restaurant soit déraisonnable. En ce qui concerne les boissons, le restaurant laisse le choix aux clients de consommer ou non. Les exploitants ne sont pas des bandits. Leur soi-disant position de force vient de leur capacité à produire de la valeur. Par contre, les bandits vous poussent à choisir entre la vie et l'argent. Leur position de force provient de leur tendance à détruire la valeur. Si ces deux concepts sont confondus et que les restaurants sont punis par le gouvernement seulement pour cette raison, il s'agit là d'une action autoritaire.
Nous n'avons pas le droit de forcer les autres à nous servir. Si vous croyez que les autres sont obligés de vous servir inconditionnellement, vous enfreignez en fait leurs droits. Je voudrais apporter non seulement mes propres boissons mais aussi mes plats. Est-ce possible ? Si le restaurant n'est pas d'accord, est-ce qu'il viole vos intérêts ? Je ne veux pas que le restaurant me facture le service. Est-ce possible ? Si le restaurant refuse, est-ce qu'il transgresse vos intérêts ? C'est typiquement la logique des bandits. Si la loi est adoptée pour garantir ces « intérêts », la justice est biaisée.
Un restaurant a le droit de refuser de servir un client. En effet, permettre d'entrer dans un restaurant dépend du consentement du restaurateur. Bien que cet accord soit sous-entendu dans la plupart des cas, on ne doit pas le considérer comme une obligation, ni imaginer que le restaurant soit obligé de fournir un service illimité.
Pour
Wang Lei
163.com
Il est légitime et raisonnable que les restaurants interdisent aux clients d'apporter leurs propres boissons avec une notification explicite. Les frais de bouche englobent non seulement les plats, mais aussi le confort, l'environnement et le service proposés par le restaurant. En termes de coût, il est compréhensible d'interdire les boissons achetées à l'extérieur et d'imposer les frais de débouchage d'une bouteille.
Avec un taux de profitabilité beaucoup plus élevé que les mets, la vente des boissons fait partie intégrante des revenus d'un restaurateur. Pour compenser les très faibles marges bénéficiaires relatives à la nourriture, il est nécessaire de facturer davantage les boissons.
Les exploitants peuvent gérer leurs activités comme ils le souhaitent. Ils ne sont pas obligés de déboucher gratuitement les bouteilles pour les clients. Du moment que le tarif des boissons est expressément indiqué, le restaurant ne viole pas la loi sur les prix.
La clause interdisant l'introduction de boissons extérieures dans un restaurant ne prive pas les consommateurs de leur droit d'être traités loyalement. Les plats et les boissons appartiennent à deux catégories de consommation différentes. Bien entendu, les clients peuvent choisir de ne pas commander de boissons. Mais cela ne signifie pas qu'ils sont autorisés à apporter les leurs. Du moment que les restaurants le notifient à l'avance, ils respectent le droit des consommateurs à l'information. Ces derniers choisiront ensuite de rester ou non.
Pour
Fu Weigang
Chercheur en finances et droit
Imaginons ce qui arriverait à la restauration si l'introduction de boissons extérieures était permise. Il est certain que de plus de plus de clients apporteraient leurs propres boissons. Dans un extrême scénario, certains consommateurs ne commanderaient qu'un plat de cacahouètes et de concombres avec une sauce à l'ail, tout en buvant l'alcool apporté par leurs soins. Bien que cette situation soit un peu inimaginable, elle s'est réellement produite. En 2011, plusieurs personnes d'âge mur se sont regroupées dans une branche d'IKEA à Shanghai pour une séance de jumelage, seulement parce que le magasin proposait gratuitement du café à ses adhérents en semaine.
Les restaurants pourraient connaître la même chose si les boissons extérieures étaient admises. Les établissements dotés d'un environnement agréable attireraient de plus en plus de gens apportant leurs propres boissons mais ne commandant qu'un seul plat pour occuper une place pendant une longue durée. Comme le restaurant ne pourrait pas refuser ce genre de clients, l'augmentation des prix des plats serait un choix inévitable. Finalement, ce seraient les clients qui paieraient la facture dans ce cercle vicieux.
En outre, comme les restaurants fourniraient des verres pour contenir les boissons extérieures, ils auraient à faire la vaisselle. Et ce service serait également à la charge des consommateurs.
Contre
Shi Junying
Blog.jxcn.cn
À mon avis, les arguments de M. Hu sont contestables.
En premier lieu, les arguments qu'il a invoqués pour expliquer pourquoi la clause interdisant l'introduction de boissons extérieures dans un restaurant n'est pas déraisonnable ne sont pas fondés. La Loi chinoise sur la protection des droits et des intérêts des consommateurs permet à tout consommateur de choisir les biens et services qu'il préfère. Il est interdit aux commerçants de formuler des stipulations défavorables aux consommateurs. Même s'ils le font, ces stipulations seront invalides. Par ailleurs, les soi-disant options ne laissent aux clients aucune marge de manœuvre. Comme tout le monde le sait, une fois que nous entrons dans un restaurant et acceptons son service, nous perdons le contrôle dans la plupart des cas. Quoique les restaurateurs n'osent pas nous forcer, ils pourront nous traiter de manière inamicale si nous n'achetons pas leurs boissons. En tant que consommateurs ordinaires, nous payons nos boissons quel que soit le lieu de vente. Si nous préférons ne pas les acheter dans un restaurant, c'est que les boissons y sont trop chères.
La théorie selon laquelle un restaurant a le droit de refuser de servir un client suit elle-même la logique des bandits. À quoi sert un restaurant ? En tant que fournisseur de biens et services dans les conditions d'une économie de marché, le restaurant ne doit refuser aucun client pourvu que celui-ci veuille vraiment jouir du service. Si un client est refusé car il a introduit des boissons venant de l'extérieur, le restaurant établit en réalité une discrimination contre lui. Vous imaginez si vous étiez refusé par un chauffeur de taxi ou de bus ? Vous vous mettriez en colère.
|