Et si cet instinct pouvait être modifié ?
Des scientifiques de Shanghai ont précisément trouvé comment parvenir à ce résultat. Menant des expériences sur des souris, une équipe de recherche de l'Institut de neurosciences rattaché à l'Académie des sciences de Chine ont identifié le système de circuits neuronaux qui déterminent le statut hiérarchique social. Leurs conclusions, publiées cet automne dans le magazine Science, expliquent en détail comment les synapses de ce système peuvent être manipulées pour renverser la position sociale. Les souris et les humains ont 99 % de leurs gènes en commun, ce qui fait de ce petit rongeur la meilleure espèce pour les tests biomédicaux. Ils partagent également certaines tendances comportementales. Comme les hommes, les souris sont organisées en structures hiérarchiques.
Essayer d'interpréter la signification derrière les comportements est difficile, selon le docteur Hu Hailan, chef de l'équipe de Shanghai. « Les animaux ne peuvent pas nous parler, nous devons donc mener les expériences avec le plus grand soin pour réduire l'ambiguïté. » Une fois que les dynamiques dominant-dominé sont identifiées dans le groupe des souris, leur attention s'est tournée vers la matière grise des rongeurs.
Le comportement social et la hiérarchie sont déterminés dans le lobe frontal du cerveau, dans une petite zone appelée cortex préfrontal médial (CPM). En manipulant des virus, les scientifiques ont commencé par « tordre » les forces synaptiques entre les neurones dans le CPM du sujet, modifiant ainsi la façon dont les neurones communiquent les uns avec les autres. Les souris dominantes sont devenues plus dociles et les souris soumises dont les synapses avaient été renforcées ont commencé à agir de manière similaire à leurs congénères alphas.
« Nous avons utilisé un virus éphémère », explique Hu à propos du gène Glu R4 qui a permis aux souris subordonnées de monter l'échelle sociale. (Un autre gène était utilisé pour précipiter les souris dominantes vers le niveau dominé.) Ce caractère transitoire est important : il permet aux modifications de la synapse de s'atténuer naturellement. « Mais il en y a d'autres types qui peuvent laisser leur expression sur la synapse », poursuit Hu. « Ils pourraient produire un changement plus permanent. »
Dans les systèmes hiérarchiques stables, les conflits ont tendance à être moins importants car le statut social est relativement statique. Alors que le mécanisme synaptique découvert par l'équipe de Hu pourrait avoir de plus grandes implications sur la stabilité du groupe, c'est quelque chose qui n'a pas été examiné complètement. « C'est une idée intéressante », estime Hu. Quand il s'agit d'applications pratiques, explique-t-elle, la recherche est élémentaire. « Je ne préconiserai pas de médicaments ou de thérapies basées sur nos recherches », dit-elle. Pour l'instant, son équipe pose les bases pour une approche beaucoup plus holistique. « J'espère que notre étude permettra de comprendre comment le statut social influence différentes fonctions physiologiques comme la réaction au stress, l'addiction ou la dépression. »
Brèves scientifiques
➲ Le très respecté journal Nature est enferré dans un procès avec le scientifique égyptien Mohamed El Naschie. En novembre, El Naschie a attaqué cette revue scientifique de haut niveau pour diffamation, après la publication d'un article en 2008 où ce physicien est accusé de faire publier ses articles sans les faire contrôler par ses pairs. Le contrôle par les pairs implique une vérification indépendante des articles scientifiques par d'autres experts du même domaine. Selon El Naschie, cette allégation a ruiné sa réputation.
➲ Le système de soins médicaux du Zimbabwe a reçu 430 millions de dollars pour fournir une couverture médicale gratuite aux enfants et aux femmes enceintes venant se faire soigner dans les hôpitaux publics. Cet argent est une subvention de l'UNICEF et de l'Union européenne, et sera distribuée au cours des cinq prochaines années.
➲ Le ministère chinois de la Santé a lancé une campagne de sensibilisation à la congestion cérébrale. D'après le ministère, la congestion céré-brale est la première cause de mortalité du pays. Caractérisée par une perte rapide des fonctions cérébrales, la congestion est cinq fois plus fréquente en Chine que dans les pays développés. La campagne vise à éduquer les gens à la prévention et aux facteurs de risque, qui sont notamment la consommation d'alcool et le tabagisme. |