
Après être resté en Chine plusieurs années, on se rend compte que la Fête du Printemps est mieux célébrée en dehors des grandes villes. Le petit village de Lufang dans l'arrondissement de Daxing, au sud de Beijing est connu pour ses pastèques. L'arrondissement est composé de plus de 550 villages, dans un mélange de briques ocre, de chemins de terre et de triporteurs.
Au moment de la Fête du Printemps le village déroule un tapis rouge délavé pour les visiteurs. Notre groupe a été accueilli avec des pétards puissants comme de la dynamite et nous avons dû les saluer plusieurs fois pour leur montrer que nous venions en paix, sous le tonnerre des explosions. Soudain, le bombardement a laissé place à des bruits de tambours et de cymbales qui accompagnent la danse traditionnelle yangge du Nouvel An. Un essaim de villageois en costumes lumineux jaune, bleu, rose et vert ont bondit en guise de salutation. Certains dansaient avec des tambours, des éventails ou déguisés en âne. Leurs visages étaient peints mais leurs sourires étaient authentiques. L'ambiance s'est animée, avec les danseurs tourbillonnants, les batteurs en transe et une foule de paysans curieux se pressant autour de nous pour essayer d'obtenir une photo.
Ce fut une fête du printemps très animée. Une femme habillée comme un homme, avec une énorme fausse moustache collée sur son nez saisit la main de mon collègue et le tira au milieu de la route pour danser. Elle devait faire de la musculation car elle lui arracha pratiquement le bras.
Les danseurs épuisés firent une pause et des événements plutôt étranges suivirent, avec un homme d'une allure distinguée, qui, après s'être concentré intensément, commença à couper des baguettes avec des billets et des briques avec des tasses en verre. Des démonstrations de kungfu conclurent, et l'appel pour le déjeuner mis un terme à toutes les autres activités. Les jiaozi sont une tradition culinaire à cette époque de l'année et avoir l'occasion de goûter à cette friandise préférée avec un groupe d'agriculteurs est une expérience unique. Les visiteurs entassés dans une ferme modeste, sirotant sans fin des tasses de thé vert amenées par des membres de la famille dans une profusion de fruits, d'arachides et de graines de tournesol était un spectacle fascinant.
Un film de kungfu épique et bruyant passait à la télé, alors que des bols géants de raviolis et des tasses de vinaigre arrivaient. Les raviolis étaient engloutis les uns après les autres et tout signe d'hésitation était balayé par la maitresse de maison. Rassasiés, certains sortaient dans l'air froid, et un artisan de village démontrait ses compétences en réalisant dans la joie des effigies funéraires en papier d'ânes, de taureaux, de téléphones cellulaires, de télévisions. Tout ce que le défunt pourrait trouver utile dans sa prochaine vie. Les villageois commencent à fabriquer des cercueils et se préparent à la mort de leurs parents très tôt dans la vie, et les effigies en papier sont brûlées lors la cérémonie de crémation, pour apporter chance dans l'au-delà.
Ce fut une journée intéressante et heureuse. Une occasion de franchir un fossé culturel dans un cadre simple. Partager avec ceux qui ont peu est la vraie nature de l'amitié. |