Des amis canadiens m'ont demandé comment les Chinois pouvaient communiquer si Facebook n'était pas accessible en Chine. C'est dire combien les réseaux sociaux ont pris d'importance dans la vie des gens. Comme si on ne pouvait plus vivre sans Facebook, WeChat, Twitter ou Sina Weibo. Ce dernier est considéré comme la plus grande plateforme de blogues en Chine.
Pour ma part, je ne veux rien savoir de Facebook –qui, à mon avis, empiète trop sur la vie privée des utilisateurs par ses larges voies de retransmission. Vous avez vingt amis Facebook, et chacun d'eux en a vingt, et ainsi de suite. Votre vie privée n'existe plus; vos pensées, paroles et gestes sont connus de tous. Oui, vous pouvez bloquer l'accès au grand public et le limiter à une poignée de personnes, mais vous ne pouvez pas empêcher ces proches de laisser filtrer vos rêves, vos aventures et vos désespoirs, et alors, voilà toute votre intimité livrée au grand jour. Serais-je un dinosaure ? Peut-être, mais je m'en accommode fort bien.
Lors de mon long séjour au Canada au début de cette année, je n'avais pas la télé mais écoutais la radio : du matin au soir, Radio-Canada Premières m'informait. Et j'ai alors constaté deux choses importantes. Premièrement, la radio est aujourd'hui étroitement liée aux réseaux sociaux. Les animateurs vous demandent, par exemple, de « réagir » sur leur Facebook. Si l'on interviewe quelqu'un, on suggère ensuite aux auditeurs d'aller sur le blogue de cet invité afin d'en connaître davantage sur sa carrière ou sa vie. Avez-vous des sujets à proposer, ou des questions à poser ? Passez par le site de Radio-Canada Premières.
De retour en Chine quelques mois plus tard, j'ai remarqué que ce phénomène de lien entre les réseaux d'information officielle et les réseaux sociaux s'était développé ici également. CCTV News peut être vu sur divers réseaux sociaux chinois et étrangers.
Ma seconde constatation concerne l'étroitesse de l'information dans ce grand pays – le Canada –qu'on dit libre. L'information est d'abord locale, ensuite provinciale ; bien après, nationale, et presque jamais internationale. Pendant les quatre mois que j'ai passés à Montréal, je n'ai entendu parler de la Chine à la radio qu'à deux occasions. D'abord, en février, pour faire croire au public que la population était en train de mourir asphyxiée dans un nuage de pollution. Vers la fin d'avril, on a repris le sujet, presque dans les mêmes termes. J'ai écouté jusqu'au bout, pour entendre l'animateur souligner : « Notre correspondant était sur place en février » ! Ainsi, l'incident qui s'était produit deux mois auparavant devenait-il un état permanent ; les auditeurs sont faciles à convaincre qu'il ne faut pas aller en Chine si l'on veut survivre.
L'autre évènement – incontournable – qui rapprochait les auditeurs de la Chine fut l'incident du vol MH 370 de Malaysia Airlines, à cause du nombre de voyageurs chinois qui étaient à bord.
Jamais de ma vie je n'ai jamais été plus largement informée que depuis que la Télévision nationale de Chine a ouvert sa chaine CCTV News. Tous les continents y passent : l'Europe, les Amériques, l'Afrique, l'Asie. Des reportages frais et sans interprétation laissent aux auditeurs le soin de porter leurs propres jugements.
Rappelons-nous qu'à la demande du gouvernement chinois, il y a environ trois ans, l'information est devenue de plus en plus publique, c'est-à-dire véhiculée par les blogues personnels parallèlement aux journalistes plutôt qu'exclusivement par eux. Au nombre de Chinois qui existent, l'info se répand très vite ! Souvent on va au secours de personnes accidentées suivant un message lancé par cellulaire, et toute la population, rapidement alertée, véhicule l'info aux services d'aide d'urgence.
Les journaux citent de plus en plus souvent des commentaires pris sur les blogues. Il y a des sites où l'on peut communiquer avec le gouvernement, et qui sont effectivement lus, et le gouvernement tient compte des observations et critiques.
Va sans dire que des punitions importantes sont imposées aux crieurs de bobards, de fausses rumeurs, d'info créée de toute pièce pour le plaisir, et de vérités qui ne respectent pas le droit à la vie privée de la personne. Tous les jours des sites sont saisis et bloqués pour avoir manqué à l'éthique.
Dire que certains Occidentaux croient qu'en Chine, les citoyens sont privés d'information. Combien de fois ne m'a-t-on fait des copier-coller de nouvelles sur la Chine prises dans des journaux étrangers, ou posté des coupures de journaux sur des évènements qui se passaient en Chine, croyant que nous étions à l'écart de l'information ! |