2025-01-21 |
L'altitude éco-responsable |
VOL. 17 / JANVIER 2025 par GE LIJUN · 2025-01-21 |
Mots-clés: carburant d'aviation durable |
La Chine développe des carburants d’aviation durables pour un transport aérien écologique.
Des carburants d’aviation durables (à gauche) rafffnés à partir d’huiles de cuisson usagées (à droite) par la rafffnerie de Zhenhai de Sinopec, à Ningbo, dans la province du Zhejiang. (LI XINYI)
Lors du 15e Airshow China, organisé à Zhuhai (Guangdong) du 12 au 17 novembre 2024, China Southern Airlines, en partenariat avec le Centre chinois pour l’innovation et les connaissances en matière de transport durable ainsi qu’Airbus, a présenté un rapport dédié au développement des carburants d’aviation durables (SAF). Ce document souligne le potentiel considérable du marché chinois dans ce domaine, grâce aux avantages spécifiques du pays en matière de ressources et de capacités industrielles. Selon le rapport, la Chine se positionne comme un acteur clé dans la mise en place d’une chaîne d’approvisionnement mondiale pour les SAF.
Les SAF, fabriqués à partir de ressources renouvelables ou de déchets biologiques, permettent une réduction pouvant atteindre 80 % des émissions de CO2 sur leur cycle de vie par rapport aux carburants fossiles. Ce chiffre pourrait même atteindre 100 % grâce aux avancées technologiques attendues. Face aux défis posés par le changement climatique, l’industrie aéronautique s’engage dans une transition écologique ambitieuse. L’Association du transport aérien international (IATA) a fixé un objectif majeur : atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, un défi auquel les SAF apparaissent comme l’une des solutions les plus prometteuses.
De nombreux pays se mobilisent pour intégrer ces carburants durables dans leurs stratégies. Dans le cadre du mécanisme CORSIA (Régime de compensation et de réduction du carbone pour l’aviation internationale), le Parlement européen a fixé des objectifs progressifs : à partir du 1er janvier 2025, les SAF seront inclus dans les carburants disponibles dans les aéroports de l’Union européenne à hauteur d’au moins 2 %, un taux qui passera à 6 % en 2030 avant d’atteindre progressivement 70 % d’ici 2050. De leur côté, les États-Unis et le Canada soutiennent activement la recherche, le développement et la production des SAF grâce à des financements dédiés. Quant à la Chine et à d’autres pays en développement, ils adoptent des politiques incitatives et des mesures de soutien pour encourager l’utilisation de ces carburants, contribuant ainsi à une aviation plus respectueuse de l’environnement.
Un avion de ligne C919 de China Southern Airlines lors d’un vol d’entraînement à Dongying, dans la province du Shandong, le 12 septembre 2024. (CNSPHOTO)
Transformer les déchets en trésors
En 2022, l’Administration de l’aviation civile de Chine (AACC) s’est fixé un objectif : atteindre une consommation de 50 000 tonnes de SAF durant le XIVe Plan quinquennal (2021-2025). À titre de comparaison, la consommation annuelle actuelle de carburants d’aviation en Chine dépasse les 30 millions de tonnes, selon la China Petroleum & Chemical Corporation (Sinopec). Un remplacement total par les SAF permettrait de réduire les émissions de CO2 de près de 55 millions de tonnes par an, soit l’équivalent de la plantation de 500 millions d’arbres ou de l’immobilisation de plus de 30 millions de voitures pendant une année.
Pour accélérer cette transition, la Commission nationale du développement et de la réforme, en collaboration avec l’AACC, a lancé un projet pilote en septembre 2024. Douze vols opérés par Air China, China Eastern Airlines et China Southern Airlines utilisent désormais ces carburants verts. Ce projet se déroulera en deux phases : la première de septembre à décembre 2024, suivie d’une seconde phase tout au long de 2025, avec une implication croissante des acteurs du secteur.
Un événement marquant de ce projet a eu lieu le 19 septembre 2024, lorsqu’un avion C919, gros porteur développé par Commercial Aircraft Corporation of China (COMAC) et exploité par China Eastern Airlines, a effectué son premier vol commercial avec des SAF. L’appareil a relié Beijing Daxing à Shanghai Hongqiao avec 129 passagers à bord. Cette avancée a été précédée de vols d’essai concluants réalisés trois mois plus tôt. Le 5 juin 2024, un avion régional ARJ21 (renommé C909 par la COMAC) et un C919 ont utilisé des SAF produits en Chine, marquant une avancée significative.
Selon Cao Dongxue, expert en chef chez Sinopec, les carburants utilisés lors de ces essais étaient composés à 40 % d’huiles de cuisson usagées (UCO), mélangées à des carburants classiques. « Ces vols d’essai ont non seulement démontré la compatibilité des SAF avec les avions commerciaux chinois et leur sécurité, mais aussi jeté les bases de leur déploiement à grande échelle dans le pays », a-t-il déclaré à la Télévision centrale de Chine.
L’engagement de Sinopec envers les SAF remonte à 2009, avec un premier succès en 2013 lorsqu’un Airbus A320 de China Eastern Airlines a effectué un vol d’essai, faisant de la Chine le quatrième pays à disposer d’une technologie de R&D autonome dans ce domaine. Pour transformer de manière stable les UCO, Sinopec a développé des catalyseurs et procédés innovants. La raffinerie de Zhenhai de Sinopec, première unité industrielle en Asie capable de produire des SAF à grande échelle, peut transformer jusqu’à 100 000 tonnes d’UCO par an, soit l’équivalent de la quantité générée par une ville de 10 millions d’habitants.
Pourquoi utiliser les UCO ? Shi Wencai, vice-président d’UOP Honeywell et directeur général pour la Chine, explique que l’utilisation d’huiles comestibles (comme l’huile de soja, de maïs ou de colza), courante dans certains pays, soulève des problématiques écologiques, économiques et alimentaires. En revanche, recycler les UCO pour produire des SAF offre des avantages environnementaux et sociaux significatifs, faisant de cette approche la solution optimale pour l’industrie.
Un C919 de China Eastern Airlines effectue pour la première fois un vol commercial avec des carburants d’aviation durables, le 19 septembre 2024. (LE QUOTIDIEN DU PEUPLE)
Forte demande, grand potentiel
Selon les prévisions de l’IATA, d’ici 2050, les SAF pourraient contribuer à hauteur de 65 % aux réductions d’émissions nécessaires pour atteindre la neutralité carbone dans le secteur aérien. Cependant, ce scénario ne pourra être réalisé qu’avec une augmentation significative de la production des SAF pour répondre à la demande croissante.
L’histoire des SAF remonte à 2008, mais c’est à partir de 2016 que des technologies et des politiques industrielles plus matures ont commencé à transformer la chaîne de production aéronautique. Ces dernières années, grâce à des politiques de soutien et à la collaboration des industries concernées, la recherche, le développement et la promotion des SAF se sont étendus au-delà de l’Europe et de l’Amérique du Nord pour gagner l’Asie-Pacifique et d’autres régions du monde. Cette évolution marque l’entrée des SAF dans une utilisation à l’échelle mondiale.
Depuis 2008, plus de 45 compagnies aériennes ont effectué 400 000 vols avec des SAF. Selon les estimations de l’IATA, l’utilisation mondiale des SAF pourrait atteindre 7 millions de tonnes d’ici fin 2025 et 20 millions de tonnes d’ici 2030.
En Chine, environ 10 millions d’UCO sont générées chaque année, soit une quantité bien supérieure à celle des États-Unis, de l’Union européenne et du Canada réunis. Transformées en SAF, ces UCO gagnent une valeur considérable. Cependant, comme l’explique M. Shi, plusieurs défis subsistent, notamment des coûts élevés. Le processus complet, de la collecte à la transformation, est environ trois fois plus coûteux que la production de carburants d’aviation traditionnels. Par ailleurs, la capacité actuelle de production de SAF en Chine, limitée à 200 000 tonnes par an, reste faible par rapport à la consommation annuelle de 30 millions de tonnes de carburants d’aviation. Même avec des projets d’expansion visant à dépasser les 3 millions de tonnes, l’écart reste significatif.
Pour surmonter ces défis, les experts préconisent deux axes prioritaires. D’une part, renforcer la recherche technologique en encourageant les partenariats entre entreprises, universités et instituts de recherche afin d’accélérer les innovations et réduire les coûts de production. D’autre part, intensifier le soutien politique pour améliorer les systèmes de récupération des UCO et promouvoir leur utilisation à grande échelle.
À présent, la Chine accélère la mise en place d’un système de certification autonome pour les SAF, visant à combler les lacunes actuelles en termes de matières premières, de production et de certification de durabilité. L’objectif est d’adopter une approche proactive dans la transformation énergétique de l’aviation tout en contribuant aux objectifs mondiaux de développement durable pour le secteur.
« Actuellement, plusieurs compagnies aériennes chinoises testent activement l’utilisation des SAF pour des vols commerciaux de passagers. Bien qu’encore à ses débuts, cette initiative indique clairement que l’industrie aérienne chinoise se dirige vers un avenir plus respectueux de l’environnement », a affirmé M. Cao.
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