Une célèbre vlogueuse chinoise fait son retour sur le devant de la scène, déterminée à promouvoir le patrimoine culturel immatériel grâce aux nouveaux médias. 

Li Ziqi dans l’une de ses nouvelles vidéos. (CAPTURE D’ÉCRAN) 

À l’ère numérique, où la culture traditionnelle risque de s’effacer progressivement, une figure emblématique a su inverser cette tendance en redonnant vie à des savoir-faire artisanaux. Li Ziqi, vlogueuse chinoise de renom, a conquis des millions d’internautes en sublimant des traditions qui remontent parfois à des millénaires. Après trois ans de silence, elle a fait un retour très attendu en publiant trois nouvelles vidéos à la mi-novembre 2024, fruits de plusieurs mois de travail minutieux en coulisses. Ce come-back enchanteur a transporté ses admirateurs dans un univers empreint de poésie et de magie. Plus qu’une simple réponse à l’attente de ses fans, ce retour symbolise un nouvel élan dans son engagement pour préserver et valoriser la culture traditionnelle dans le monde contemporain. 

Reine chinoise du vlog 

Née en 1990 sous le nom de Li Jiajia, Mme Li a grandi auprès de sa grand-mère dans une ville montagneuse de la province du Sichuan. En 2016, elle a commencé à publier des vidéos qui mettent en avant son quotidien familial sous le pseudonyme de Li Ziqi. Les internautes ont rapidement été séduits par la paix et la sérénité qui émanent des scènes de ses productions. On la découvre suspendant des kakis pour les sécher au soleil, créant des compositions florales avec minutie ou traversant à cheval une forêt embrumée, le tout sans la présence de téléphones portables ni d’autres technologies modernes. 

Son contenu non verbal, d’une grande richesse visuelle, a su franchir les frontières linguistiques et gagner en popularité à l’international. Un internaute britannique s’émerveille : « Dans un monde saturé de bruit, les vidéos de Li Ziqi sont comme une bouffée d’air frais. Je ressens une profonde sérénité en la voyant créer de si magnifiques objets à partir de la terre. » Une spectatrice américaine ajoute : « Votre contenu évoque la beauté de la simplicité. C’est tellement revigorant d’observer quelque chose d’aussi pur, loin du tumulte du monde actuel. » 

Son récent retour a renforcé son statut d’icône culturelle. Parmi ses nouvelles vidéos, l’une dédiée à l’art de la laque chinoise, inscrit au patrimoine culturel immatériel national, a franchi le cap des 100 millions de vues sur Weibo en seulement cinq heures. Les sections de commentaires ont été submergées de messages empreints de surprise, d’émotion et de soutien, témoignant de l’attente suscitée par sa réapparition. Avec plus de 20 millions d’abonnés sur YouTube et plus de 60 millions sur Douyin, la version chinoise de TikTok, Mme Li s’impose comme l’une des rares créatrices de contenu chinoises ayant un impact considérable tant en Chine qu’à l’étranger. 

Li Ziqi et sa grand-mère mènent une vie pastorale et bas-carbone. (CAPTURE D’ÉCRAN) 

Un voyage d’inspiration 

Lors d’une interview accordée à l’agence de presse Xinhua, Mme Li a expliqué que son retour sur les écrans visait à mettre fin aux nombreuses spéculations entourant son absence. Elle souhaitait également partager avec son public le fruit de son travail des trois dernières années ainsi que ses projets à venir. 

À la fin de l’année 2022, suite à un différend juridique avec son ancien partenaire commercial, Mme Li avait envisagé de reprendre ses activités médiatiques. Cependant, une marchande ambulante âgée a réussi à la dissuader de cette idée. En effet, cette dernière avait su séduire sa clientèle grâce à des vlogs. Mme Li a alors pris conscience que nous évoluons dans une époque particulièrement favorable à la communication culturelle, où il est possible de partager rapidement sa vie et ses us et coutumes avec le monde entier d’un simple geste. Elle a donc décidé de délaisser les mises à jour vidéo pour se consacrer pleinement à la transmission et à l’innovation de la culture traditionnelle, se positionnant ainsi comme un pont culturel. 

Il y a quelques années, Mme Li se rendait déjà auprès d’artisans pour enrichir ses vidéos de leurs savoir-faire. Cette fois-ci, elle a souhaité s’investir pleinement dans l’étude de ses métiers d’art auprès d’artisans souvent très âgés. Ainsi, elle a voyagé dans plus de 20 provinces et rendu visite à plus de 100 héritiers du patrimoine culturel immatériel, acquérant des compétences telles que la confection de hanfu, la broderie Su et l’art de la laque. 

Néanmoins, son parcours n’a pas été sans difficultés. Mme Li a rendu visite à Yin Liping, une héritière de l’art de la laque, dans le but d’apprendre les techniques élaborées de cet artisanat. La première étape, consistant à récolter la laque, a entraîné de graves allergies au sein de l’équipe, nécessitant même des soins médicaux. Après plusieurs mois d’efforts, leur travail n’a toutefois pas donné les résultats escomptés. Très déçue, Mme Li a exprimé sa frustration à Mme Yin, qui, avec sagesse, a souligné l’importance d’accepter l’échec. Cette expérience lui a permis de prendre conscience de l’extraordinaire persévérance de Mme Yin, qui a dû faire face à des allergies pendant un demi-siècle, lui offrant ainsi une nouvelle perspective sur sa propre détermination. 

Li Ziqi lors de la cérémonie d’ouverture d’une exposition sur la culture et le tourisme à Wuhan, dans la province du Hubei, le 26 novembre 2021. (XINHUA) 

Un engagement sincère 

En 2018, Mme Li a eu l’opportunité d’apprendre l’art de l’impression sur tissu bleu auprès du maître Wang Zhenxing à Nantong, au Jiangsu. Elle a rapidement constaté que cette technique ancestrale était menacée d’extinction, les jeunes générations lui préférant des activités plus lucratives. Cependant, lors d’une visite récente, elle a été agréablement surprise de découvrir que la petite-fille de M. Wang avait su raviver l’intérêt pour cet art en créant de nouveaux motifs qui séduisent les jeunes internautes. 

Cette expérience a inspiré Mme Li à promouvoir une collaboration entre les jeunes professionnels des médias et les artisans chevronnés. Elle espère que cette synergie intergénérationnelle permettra non seulement aux jeunes d’acquérir des savoir-faire authentiques auprès des maîtres, mais aussi aux artisans de tirer parti des réseaux sociaux pour valoriser leurs créations. L’objectif est double : accroître les revenus et la visibilité des artisans tout en stimulant la transmission et l’innovation de la culture traditionnelle. 

Mme Li ne craint pas que son modèle soit imité ou remplacé. Au contraire, elle voit cette tendance comme une avancée cruciale pour préserver le patrimoine culturel immatériel. Elle se réjouit d’ailleurs de l’émergence de nombreux vlogueurs talentueux qui, à l’instar de son parcours, s’engagent à promouvoir l’artisanat traditionnel chinois. « Ce n’est que lorsque l’ensemble de la société participera activement à la protection et à la transmission du patrimoine culturel immatériel que ces trésors pourront réellement connaître un nouvel essor », souligne-t-elle. 

Ainsi, le retour de Mme Li devant la caméra va bien au-delà d’une simple réponse à l’attente de ses admirateurs ou d’une parenthèse dédiée à sa famille. Il reflète également un cheminement intellectuel axé sur son épanouissement personnel et un engagement sincère envers son amour profond pour la culture traditionnelle.