2025-04-03 |
L'autre visage de la modernisation |
par EHIZUELEN MICHAEL MITCHELL OMORUYI · 2025-04-03 |
Mots-clés: pays africains ; modernisation ; expérience chinoise |
Arrivée d’un navire chargé de grues en provenance de Chine au port en eau profonde de Kribi, au Cameroun, le 12 septembre 2024. (XINHUA)
Pour la Chine, la modernisation a été un long chemin, jalonné d’épreuves et d’une persévérance remarquable. À l’époque moderne, le peuple chinois s’est d’abord tourné vers les recettes occidentales, sans parvenir à s’en approprier les bénéfices. C’est en s’appuyant sur ses propres forces, sous la houlette du Parti communiste chinois, que le pays a su prendre son destin en main. Il est ainsi passé du statut de nation pauvre et en retard à celui de deuxième puissance économique mondiale, premier exportateur et premier commerçant de biens. Parallèlement, la Chine a mis sur pied les plus vastes structures d’enseignement obligatoire, de sécurité sociale, ainsi que de soins médicaux et de santé publique au monde. En l’espace de quelques décennies, elle a réalisé un processus d’industrialisation qui avait pris plusieurs siècles aux pays développés.
Cette réussite éclatante prouve qu’il n’existe pas de modèle unique de modernisation. Longtemps, la pensée occidentalo-centrée a façonné les récits en la matière, propageant l’idée d’un supposé « Consensus de Washington » et entretenant l’illusion selon laquelle modernisation rimerait nécessairement avec occidentalisation, et civilisation moderne avec civilisation occidentale. Pourtant, les grandes puissances occidentales, qui se réclament des économies et des technologies les plus avancées, font face à une polarisation sociale croissante, marquée par l’écart toujours plus grand entre riches et pauvres. Elles se veulent les parangons de la liberté et de la démocratie, alors même que les discriminations envers les femmes et les minorités ethniques y persistent. Les fractures sociales y sont plus béantes que jamais.
À l’inverse, la vision du monde, les valeurs, l’histoire, la civilisation et l’expérience de la modernisation de la Chine remettent profondément en question cette équation entre modernisation et occidentalisation. Elles offrent une alternative crédible au modèle capitaliste centré sur l’Occident. En choisissant une voie propre – celle de la modernisation à la chinoise – la Chine propose une réponse concrète aux aspirations de l’humanité à une paix durable, à la stabilité, à l’éradication de la pauvreté extrême, à un développement partagé et à une coopération mondiale renforcée face aux défis planétaires, notamment le changement climatique. Elle trace ainsi une trajectoire nouvelle, rompant avec les impasses et les déséquilibres du modèle occidental.
Un autre modèle
Deuxième économie mondiale et acteur responsable, la Chine place la paix et le développement au cœur de sa modernisation, convaincue que son essor est indissociable de celui du reste du monde. Son expérience montre que la modernisation des pays en développement est essentielle à la stabilité et à la durabilité mondiales. Loin de se limiter à la lutte contre la pauvreté, elle défend une prospérité partagée, rompant avec les inégalités du modèle occidental. Que peut donc offrir la modernisation à la chinoise au Sud global ?
À travers l’Initiative pour le développement mondial, l’Initiative pour la sécurité mondiale, l’Initiative pour la civilisation mondiale et l’Initiative « la Ceinture et la Route » (ICR), la Chine propose des solutions conçues comme des biens publics mondiaux. Loin d’être une aide unilatérale, l’ICR se veut une plateforme ouverte de coopération.
Son approche repose sur plusieurs axes – communication politique, connectivité, commerce, flux financiers, échanges humains – et s’incarne dans des projets comme la Route de la soie innovante, verte ou numérique. Selon la Banque mondiale, si tous les projets de transport de l’ICR se concrétisent, ils pourraient générer d’ici 2030 jusqu’à 1 600 milliards de dollars de revenus annuels supplémentaires, dont 90 % au bénéfice des pays partenaires du Sud global.
Alors que la Chine œuvre à rééquilibrer un ordre mondial hérité de l’après-guerre, son rôle croissant ouvre de nouvelles perspectives de développement aux pays du Sud.
Un partenaire privilégié
Acteur clé de l’industrialisation mondiale, la Chine entretient depuis deux décennies des liens solides avec l’Afrique – notamment à travers le FCSA – pour accompagner ses ambitions de développement. Ses investissements, notamment dans les infrastructures, en font un partenaire de choix pour de nombreux pays, dont le Nigeria. L’élargissement progressif de cet engagement reflète sa volonté d’un monde multipolaire et d’une mondialisation inclusive.
Lors du Sommet 2024 du FCSA à Beijing, le Président Xi Jinping a annoncé un soutien financier de 51 milliards de dollars et 30 projets d’infrastructures en Afrique, visant à renforcer les « complémentarités économiques » entre pays africains partenaires de l’ICR. L’objectif est d’accélérer l’intégration économique transafricaine à travers des chaînes d’approvisionnement, industrielles et de valeur.
Qu’il s’agisse des grandes initiatives chinoises ou du FCSA, ces engagements se fondent sur des principes de clarté, de constance et de prévisibilité, indispensables à la modernisation du Sud global, notamment en Afrique, dans un monde instable.
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