2025-04-03 |
L'âge des robots |
VOL. 17 / AVRIL 2025 par LIU XUEYUN · 2025-04-03 |
Mots-clés: avancées chinoises ; robots humanoïdes |
Des robots humanoïdes signés Unitree Robotics, parés de tenues traditionnelles, s’apprêtent à monter sur scène pour le Gala de la Fête du Printemps de CCTV. (XINHUA)
Seize robots humanoïdes de la start-up chinoise Unitree Robotics, habillés de vestes folkloriques, ont offert une performance remarquable lors du Gala de la Fête du Printemps sur CCTV. Au rythme de la danse yangge, ils ont exécuté des gestes fluides et des formations précises. Ce spectacle mêlant technologie et culture a captivé des millions de spectateurs, illustrant les avancées chinoises en robotique.
L’événement a suscité un large débat public sur les progrès réalisés par la Chine dans ce domaine, marquant un tournant vers une potentielle production de masse. Selon les experts, celle-ci pourrait commencer dès 2025. Mais où en est vraiment la robotique humanoïde ?
Des capacités encore limitées
« À ce stade, les robots humanoïdes n’en sont qu’à leurs balbutiements. Ils maîtrisent des fonctions de base, comme la marche, et certaines tâches spécifiques, mais leurs manipulations restent rudimentaires », explique Zhang Weimin, professeur à l’Institut de technologie de Beijing et président de Haribit, entreprise spécialisée dans l’intelligence technologique.
Aujourd’hui, les États-Unis restent en tête dans ce secteur, avec des entreprises pionnières comme Boston Dynamics et Tesla, suivies de près par la japonaise Softbank Robotics. La Chine, quant à elle, affiche un fort potentiel de rattrapage, notamment grâce à des modèles tels que le Walker d’UBTECH, le CyberOne de Xiaomi ou encore le GR-1 de Fourier. En février 2024, plus de 24 700 entreprises chinoises, dont un millier au niveau national, étaient actives dans le domaine. D’après l’Institut de recherche Gaogong, le marché pourrait dépasser le million d’unités vendues annuellement d’ici 2034.
Certaines entreprises, comme Agibot, Fourier ou Unitree Robotics, ont déjà lancé une production à petite échelle. La véritable montée en puissance est attendue pour 2025. Pourtant, l’usage à grande échelle ne sera pas immédiat. Comme le souligne Jiang Lei, scientifique en chef d’un centre national dédié aux robots humanoïdes, « production de masse ne signifie pas adoption généralisée ».
Liu Jinchang, du ministère des Sciences et Technologies, ajoute que « malgré les avancées, les coûts élevés et le faible niveau d’intelligence limitent encore les usages ». Pour M. Zhang, « il reste des défis à relever sur les plans technologique, économique et applicatif pour espérer une adoption large et durable ».
Du laboratoire à l’usine
Dans le secteur industriel, l’intégration des robots humanoïdes semble inévitable. Plusieurs entreprises accélèrent les tests grandeur nature. Le 17 janvier, la société Leju Robotics, basée à Shenzhen (Guangdong), a livré son centième robot grandeur nature au constructeur automobile BAIC Group à Beijing, une étape clé vers l’industrialisation. Aux États-Unis, Figure AI a dévoilé dès août 2024 la deuxième génération de son robot Figure 02, déjà à l’œuvre dans une usine BMW, avec une autonomie de travail de 20 heures.
Selon Ding Han, membre de l’Académie des sciences de Chine, l’industrie pourrait bien être le premier domaine d’adoption à grande échelle. Toutefois, rappelle M. Zhang, « la fiabilité et la stabilité sont essentielles », or les robots actuels restent perfectibles. Ils sont donc mieux adaptés à des environnements tolérant une certaine marge d’erreur.
M. Jiang souligne, de son côté, que les secteurs à haut risque – sécurité, gestion environnementale, contrôle des radiations – pourraient être les premiers à bénéficier concrètement de cette technologie.
Bientôt dans nos foyers ?
Au-delà de l’industrie, les applications domestiques se précisent. Xu Zhiyuan, ingénieur en chef adjoint à l’Académie chinoise des technologies de l’information et de la communication, identifie trois grands domaines d’usage : l’industrie manufacturière, les services commerciaux et les services à domicile.
Dans une Chine confrontée au vieillissement démographique, les robots humanoïdes pourraient jouer un rôle clé dans les soins aux personnes âgées. Le 30 décembre 2024, le Comité central du Parti communiste chinois et le Conseil des affaires d’État ont publié des directives visant à développer des services intelligents d’assistance à domicile, incluant la prévention des risques et l’alerte précoce.
C’est dans ce contexte que le Xiangjiang-1, développé à Changsha, dans la province du Hunan, se démarque comme le premier robot humanoïde au monde spécialisé dans les soins et la compagnie. Conçu pour accompagner au quotidien, il assure des fonctions variées : assistance médicale, aide à la mobilité, divertissement, repas et hygiène.
« Aujourd’hui, les robots sont déjà utilisés pour la rééducation ou l’assistance dans les établissements pour personnes âgées. Mais leur intégration dans les foyers reste freinée par des défis comme la sécurité des batteries, la protection de la vie privée ou encore la fiabilité », précise M. Zhang. Et de conclure : « Une fois ces verrous technologiques levés, l’essor des robots humanoïdes pourrait connaître une accélération spectaculaire. »
LIU XUEYUN, journaliste de China Report
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