2025-05-06 |
Petits objets, grandes histoires |
VOL. 17 / MAI 2025 par GE LIJUN · 2025-05-06 |
Mots-clés: produit culturel |
L’essor des produits culturels créatifs dynamise les musées chinois.
Des visiteurs photographient des produits culturels inspirés de la couronne phénix au Musée national de Chine, à Beijing, le 25 mars. (CNSPHOTO)
Le 25 mars, les ventes du magnet « couronne phénix » du Musée national de Chine, considéré comme le summum des magnets culturels du pays, ont franchi le cap du million d’exemplaires en à peine huit mois et six jours. Depuis l’automne dernier, les jours d’ouverture du musée, des visiteurs patientent dès l’aube pour acquérir ce produit vedette. Liao Fei, directeur général de la société de développement culturel du musée, révèle qu’une vingtaine de séries inspirées de la couronne phénix ont été lancées, générant un chiffre d’affaires dépassant les 100 millions de yuans (13,68 millions de dollars).
Du plafond à caissons « palais céleste » du Musée de l’architecture ancienne de Beijing à la coupe en porcelaine émaillée céladon et rouge de cuivre du Musée de Hangzhou, en passant par la lanterne en bronze en forme d’une oie tenant un poisson du Musée d’histoire du Shaanxi… Ces reproductions fidèles de trésors patrimoniaux deviennent autant de « micro-musées » exaltant la splendeur de la civilisation chinoise. Miniaturés en magnets, ces chefs-d’œuvre muséaux conservent leurs détails tout en gagnant une nouvelle vie grâce à l’ingéniosité du design contemporain.
Cette métamorphose créative insuffle un vent de renouveau à la culture traditionnelle, permettant aux jeunes générations de la redécouvrir dans leur quotidien et d’en ressentir la fierté.
L’alchimie entre création et marché
Le succès du magnet « couronne phénix » réside dans sa capacité à toucher le cœur du public. Esthétique soignée, expérience immersive, minutie du travail artisanal jusque dans chaque perle collée à la main… autant d’éléments qui en font un objet de désir et un symbole culturel, particulièrement prisé des jeunes. En quête d’émotions esthétiques et spirituelles, les consommateurs privilégient aujourd’hui les objets porteurs de sens, façonnés avec soin.
Qin Fei, directrice générale de l’entreprise Hangzhou Gongbo Cultural Creativity, explique : « Les magnets sont pratiques, abordables et chargés de sens. Ce ne sont pas de simples objets, mais de véritables œuvres d’art miniatures, satisfaisant le désir d’admirer et de collectionner des détails culturels. »
Tenir dans la main une peluche « Cheval au galop volant », porter un sac orné de motifs inspirés des bronzes antiques ou arborer une robe évoquant des peintures classiques… Les reliques ne sont plus de lointains souvenirs, mais des présences sensibles au cœur du quotidien. Sur les réseaux sociaux, les passionnés exposent fièrement leurs collections de magnets classés par époque, suscitant admiration et émulation. « Les posséder, c’est comme ramener le musée chez soi », s’émerveille un internaute.
Les produits culturels captivent les jeunes en parlant leur langage. Il suffit de scanner le magnet « couronne phénix » pour coiffer virtuellement la tiare et se prendre en selfie royal ; plonger dans des livres-jeux coédités avec les Éditions du Musée du Palais pour résoudre des énigmes historiques ; ou encore, creuser un « coffret archéologique » pour vivre une fouille miniature…
Grâce à la réalité virtuelle et à l’impression 3D, ces objets offrent des expériences immersives qui enrichissent l’accès au patrimoine sous toutes ses facettes.
Un bel exemple : les magnets des quatre saisons du Temple du Ciel. « En scannant le code QR, la Salle des prières pour de bonnes moissons prend vie en 3D. C’est comme si je pouvais toucher du doigt cette partie de notre histoire et de notre culture ! », s’enthousiasme Li Lin, un étudiant. Le dernier modèle, baptisé « Écho hivernal », fait apparaître d’un simple scan via WeChat une scène poétique du monument enneigé.
Des jeunes étrangers présentent une glace culturelle inspirée de la collection du Musée de Sanxingdui, à Guanghan, dans la province du Sichuan, le 22 août 2023. (CNSPHOTO)
Du produit culturel au retour au musée
« Nombre de visiteurs reviennent admirer l’original après avoir acheté le magnet : c’est exactement l’effet recherché, du produit vers la culture », explique M. Liao. Le Musée de l’architecture ancienne de Beijing, longtemps peu fréquenté, a vu sa fréquentation exploser grâce au magnet « palais céleste », attirant jusqu’à 45 000 personnes durant les congés de la Fête nationale en 2024. Séduits par cet objet, les visiteurs découvrent l’art des plafonds à caissons. Jadis reléguée en fin de parcours, la boutique devient désormais un point d’attraction central, « la dernière salle d’exposition ».
Pour Zhou Hairong, responsable des produits culturels du Musée de l’architecture ancienne de Beijing, ces créations « réveillent » les objets anciens. « Des années plus tard, un produit acheté peut raviver le souvenir d’une œuvre. C’est une façon de graver la culture dans les mémoires. »
Ces produits rapportent beaucoup aux musées et dynamisent un écosystème allant du design à l’artisanat. En 2024, les ventes du Musée national de Chine ont augmenté de 60 %, générant un millier d’emplois. « La demande pour le magnet “couronne phénix” a poussé nos fournisseurs à produire et embaucher davantage », indique M. Liao.
Le Musée du Henan innove en implantant sa production de « coffrets archéologiques » en milieu rural, dans le village de Xialong, à Luoyang. L’augmentation des ventes a entraîné l’extension des chaînes de production et offert de nouveaux débouchés professionnels aux habitants.
Créer des objets attrayants à partir de symboles culturels exige une grande créativité, désormais reconnue en Chine avec la reconnaissance officielle du métier de « concepteur de produits culturels ». Liu Nian, du Musée des Trois Gorges de Chongqing, incarne cette nouvelle génération. Son jouet inspiré d’un bronze en forme d’oiseau, trésor de l’ancien État de Ba, est devenu la vedette de la boutique du musée.
Chi Lin, directrice du département des produits culturels du musée, souligne que la richesse de ce métier tient à sa profonde connexion avec le patrimoine. « C’est une profession durable, capable de créer des synergies avec de nombreux autres secteurs. À travers leur travail, ces professionnels révèlent au public la beauté intemporelle, l’histoire et les récits cachés derrière chaque objet ancien. »
Des visiteurs font leurs achats dans la boutique de produits culturels créatifs du Musée national de Chine, à Beijing, 1er novembre 2024. (CNSPHOTO)
Les musées réinventent leurs frontières
Les produits culturels prolongent les missions traditionnelles des musées – conservation, recherche, éducation – en les rendant plus accessibles, plus vivants. Ces dernières années, les musées chinois multiplient les alliances transsectorielles pour diversifier leur offre, donnant naissance à de véritables espaces culturels hybrides.
En juin 2024, le Musée du Gansu a lancé un Salon artistique et lifestyle alliant café, pâtisserie, librairie, expositions et boutique, pour une expérience culturelle sensorielle. Contrairement aux musées traditionnels, cet espace met en valeur la créativité de jeunes concepteurs. Dans les zones café et pâtisserie, les visiteurs dégustent un latte ou une tarte tout en admirant des œuvres d’art, renouant ainsi avec l’histoire et la culture sous une forme raffinée et originale.
Grâce à ses animations interactives, le lieu séduit une clientèle jeune. Xu Dan, responsable du salon, précise qu’il accueille entre 3 000 et 5 000 visiteurs par jour, certains produits dérivés s’écoulant dès leur mise en rayon.
Au Musée national de Chine, les cafés inspirés des classiques chinois font le buzz sur les réseaux sociaux. « Nous associons littérature et gastronomie pour faire mieux connaître les textes classiques et la culture traditionnelle chinoise », indique Zhang Lichao, directeur général de la société de services culturels créatifs du musée.
En intégrant avec audace la culture traditionnelle dans la vie moderne, ces initiatives ravivent la fierté des jeunes générations et insufflent une nouvelle dynamique culturelle et économique aux musées.
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