2025-07-02 |
Solidarité en silos |
VOL. 17 / JUILLET 2025 par HU FAN · 2025-07-02 |
Mots-clés: PAM |
Le Programme alimentaire mondial dynamise la filière rizicole en Afrique de l’Ouest grâce à l’expertise chinoise.
Des participants du 5e séminaire sur la coopération sino-africaine dans la chaîne de valeur rizicole visitent une exploitation rizicole sans personnel à Guangzhou, dans la province du Guangdong, le 20 juin. (COURTOISIE)
À Bananko, un village de Guinée, Lanciné Camara s’inquiétait autrefois de la conservation des récoltes. Les villageois les stockaient dans des sacs ou des greniers recouverts de paille, des solutions rudimentaires qui laissaient les denrées à la merci des termites, des rongeurs et des charançons. Même les semences n’étaient pas épargnées.
L’arrivée du Programme alimentaire mondial (PAM) a marqué un tournant. Outre les équipements et outils qui ont considérablement amélioré les rendements, les mini-silos fournis par le PAM ont permis de protéger les récoltes et de les stocker en toute sécurité, offrant aux agriculteurs la liberté de choisir le moment de la vente. « Nous ne sommes plus contraints de vendre à bas prix par crainte de tout perdre, comme c’était le cas autrefois », confie-t-il.
Ce témoignage a été partagé le 17 juin à Guangzhou, dans la province du Guangdong, à l’occasion d’une réunion consacrée à l’évaluation des résultats du Projet de chaîne de valeur rizicole de l’Afrique de l’Ouest, lancé par le Centre d’excellence du PAM en Chine en partenariat avec des acteurs comme la Fondation Gates.
Mis en œuvre en 2022 en Côte d’Ivoire et en Guinée, le projet vise à renforcer les capacités des petits exploitants à chaque maillon de la chaîne de valeur du riz, en particulier en matière de gestion des pertes post-récolte et d’accès au marché. Porté par le savoir-faire et les équipements en grande partie issus de Chine, il a profondément changé le quotidien des agriculteurs locaux.
Participants du 5e séminaire sur la coopération sino-africaine dans la chaîne de valeur rizicole lors d’une visite d’une ligne de transformation alimentaire à Dongguan, province du Guangdong, le 18 juin. (COURTOISIE)
Une approche efficace
Lancé également en 2022, ce projet vise à répondre à l’insécurité alimentaire en Côte d’Ivoire et en Guinée en fournissant du matériel, en organisant des visites d’étude, des formations techniques, ainsi qu’un transfert de technologies et de savoir-faire. Bien que le riz soit un aliment de base dans ces pays, son approvisionnement repose encore largement sur les importations, en raison d’infrastructures défaillantes, d’un accès limité aux semences et aux engrais, et de pertes post-récolte considérables. À cela s’ajoutent des vulnérabilités climatiques qui accentuent les difficultés.
À ce jour, le projet a permis la distribution de 1 675 kg de semences, 13 350 kg d’engrais, et plus d’une dizaine de machines agricoles, dont des tracteurs, des batteuses et des motos pour le transport. Des formations sur site et des conseils en bonnes pratiques agricoles ont également été dispensés. Résultat : dans les zones ciblées en Côte d’Ivoire, le rendement moyen du riz est passé de 0,8 tonne à 2,2 tonnes par hectare. Là où certains habitants ne prenaient qu’un seul repas par jour, ils peuvent désormais en prendre trois.
Pour le stockage, le projet a mis en place des entrepôts et des ateliers, distribué des sacs hermétiques et des bâches. Mais c’est surtout l’introduction des mini-silos métalliques qui a marqué un tournant. Six cents unités ont été distribuées aux petits exploitants. Afin d’assurer un approvisionnement durable de cet outil simple et efficace, une ligne de production a été installée en Côte d’Ivoire. Par ailleurs, des lignes de transformation du riz ont été installées et sont désormais opérationnelles dans les deux pays.
Le projet s’appuie sur les dispositifs existants pour maximiser les retombées pour les petits exploitants. En Guinée, il est coordonné avec les programmes Villages zéro faim et d’alimentation scolaire du PAM. L’assistance technique et les équipements soutiennent l’objectif Zéro faim, tandis que les excédents permettent au PAM d’acheter du riz pour les cantines scolaires.
Des entreprises chinoises ont joué un rôle clé en apportant un appui technique et du matériel. Le China Liaoning International Cooperation Group, partenaire du projet, pilote une zone de démonstration à Guiguidou, site d’un des premiers projets de coopération sino-ivoirienne lancé dans les années 1980. Il soutient aujourd’hui le développement agricole local par la construction d’infrastructures, l’introduction de nouvelles variétés de riz et la formation des agriculteurs.
C’est également lui qui a contribué à distribuer des mini-silos aux communautés de Guiguidou. Qu Yunsheng, son directeur général adjoint, en souligne les avantages : ces conteneurs métalliques, abordables et faciles à produire localement, protègent les récoltes de l’humidité, des insectes et des rongeurs. Grâce à ce stockage simple mais efficace, les petits producteurs peuvent conserver leur riz plus longtemps au lieu de le vendre à bas prix juste après la récolte.
Zhao Bing, représentant et directeur du PAM en Chine, a confié à CHINAFRIQUE que l’expertise, l’expérience et les solutions développées par la Chine pour nourrir ses 1,4 milliard d’habitants offrent une source d’inspiration pour les pays engagés dans la lutte contre la faim et la pauvreté. « Dans le domaine de la riziculture, les méthodes chinoises, issues d’une longue tradition et enrichies par les avancées technologiques, peuvent aider les petits exploitants africains à mieux tirer parti de la chaîne de valeur », a-t-il indiqué.
Zhao Bing, représentant et directeur du PAM en Chine, prend la parole lors du 5e séminaire sur la coopération sino-africaine dans la chaîne de valeur rizicole, à Guangzhou, province du Guangdong, le 18 juin. (COURTOISIE)
Un appel à poursuivre les efforts
Dans le prolongement de la réunion d’évaluation, un séminaire consacré à la chaîne de valeur rizicole a rassemblé des représentants venus de toute l’Afrique de l’Ouest, des agences gouvernementales chinoises ainsi que des acteurs du secteur rizicole. Objectif : échanger sur les leviers à mobiliser pour renforcer durablement cette filière en Afrique.
Tous ont reconnu que, malgré le rôle central du riz en tant que source d’alimentation et de revenus, les défis à relever restent considérables. Parmi les plus cités figuraient le déficit d’infrastructures, le manque de mécanisation, l’accès insuffisant aux semences et aux engrais, ainsi que la gestion des pertes post-récolte et la transformation locale du riz.
Selon M. Qu, l’un des freins majeurs à la progression de la production rizicole en Afrique tient à la forte dépendance à la pluie, liée au manque d’infrastructures d’irrigation. « Les 900 000 hectares de rizières en Côte d’Ivoire produisent à peine 1,6 million de tonnes de riz, contre 4 millions pour les 500 000 hectares de la province du Liaoning, en Chine », a-t-il souligné, mettant en lumière un potentiel de croissance encore largement inexploité.
Il a plaidé en faveur d’un accroissement des investissements agricoles pour inverser cette tendance. Tout en reconnaissant que le secteur peine à séduire les investisseurs privés, il a suggéré un engagement renforcé d’acteurs majeurs comme la Fondation Gates, afin de créer un effet d’entraînement et de mobiliser davantage de capitaux.
Parmi les pistes prometteuses abordées lors du séminaire figure le riz repousse, une technique agricole chinoise qui a retenu l’attention. Elle permet d’obtenir une seconde récolte à partir des chaumes de la première, sans replantation, dans les zones où les conditions naturelles autorisent plus d’un cycle annuel sans atteindre deux récoltes complètes.
Tahe Sie Pierre, responsable de programme et coordinateur du projet rizicole au Centre d’excellence régional contre la faim et la malnutrition en Côte d’Ivoire, a souligné l’importance de poursuivre les efforts de coopération avec la Chine et d’élargir l’adoption des meilleures pratiques chinoises dans les pays africains. « Ce n’est pas une option, mais une nécessité si nous voulons atteindre l’objectif Zéro faim et les autres Objectifs de développement durable de l’ONU », a-t-il affirmé.
Reportage de Guangzhou, province du Guangdong
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