Des campeuses profitent des congés de la Fête des Bateaux-Dragons aux alentours d’Urumqi, dans la région autonome ouïgoure du Xinjiang, le 31 mai. (PHOTOS : VCG)

Lorsqu’on s’interroge sur les ressorts du miracle chinois, l’attention se porte souvent sur les chiffres de la croissance ou sur l’essor fulgurant des infrastructures. Pourtant, au cœur de cette réussite se niche une philosophie de gouvernance plus profonde : le « long-termisme ». Tournée vers l’avenir, nourrie d’une patience stratégique, cette approche constitue le socle de stabilité sur lequel la Chine bâtit son progrès. Elle offre, en parallèle, de précieuses leçons à un monde en quête de repères au milieu des incertitudes.

Une boussole d’avenir

La planification quinquennale incarne une synthèse féconde entre vision stratégique et gouvernance adaptative. Érigée en pierre angulaire institutionnelle depuis plus de 70 ans, elle sert de boussole pour définir des objectifs à moyen et long terme tout en affrontant les complexités mouvantes du monde contemporain. Ce mécanisme permet à la Chine de rester fidèle à ses finalités tout en s’ajustant aux circonstances, lui conférant ainsi une résilience systémique dans un environnement global en perpétuelle mutation.

Prenons l’exemple du XIVe Plan quinquennal (2021-2025), conçu dans un contexte marqué par les séquelles de la pandémie, les tensions géopolitiques et la montée en puissance du numérique. Il maintient le cap sur des priorités clés comme l’autonomie technologique, la neutralité carbone et le marché intérieur, tout en s’adaptant à des défis émergents tels que la reconfiguration des chaînes d’approvisionnement ou l’essor de l’économie numérique.

Quant au XVe Plan quinquennal (2026-2030) en cours de préparation, il devrait accorder une attention accrue à des enjeux émergents tels que la gouvernance de l’intelligence artificielle, l’action climatique ou les incertitudes géopolitiques. C’est précisément cette capacité à conjuguer cap fixé et agilité tactique qui fonde l’avantage distinctif du modèle chinois de gouvernance : non pas un simple mécanisme de réponse aux crises, mais un système proactif, prévoyant, et fermement ancré dans la poursuite de l’intérêt national à long terme.

Le Mobile World Congress 2025 ouvre ses portes sous le thème « Rassembler, connecter, créer », portant sur la convergence 5G, l’IA+, l’interconnexion industrielle et la connectivité augmentée, à Shanghai, le 18 juin.

Un modèle constant

Nous traversons une époque de bouleversements inédits : mondialisation en recomposition, percées technologiques, urgences écologiques et nouveaux équilibres géopolitiques. Dans ce tumulte, la fidélité de la Chine à ses objectifs de long terme illustre une constance à la fois remarquable et stratégique.

Dans la vision du Parti communiste chinois, la modernisation à la chinoise repose sur une responsabilité historique assumée. Elle privilégie les aspirations durables, le bien-être, la prospérité partagée et le renouveau national, plutôt que les gains immédiats.

C’est cette vision à long terme qui permet à la Chine de relever des défis intercycliques que d’autres peinent à anticiper : réduction massive de la pauvreté, transition verte, infrastructures d’avenir. Sa capacité à planifier sur plusieurs années voire décennies est un atout majeur face aux enjeux systémiques contemporains.

Ancré dans les traditions chinoises de gouvernance, le « long-termisme » chinois propose un nouveau regard sur le développement mondial. Il se distingue notamment par :

– L’unité entre planification et exécution : les plans quinquennaux articulent la stratégie du gouvernement central avec les capacités d’innovation des gouvernements locaux, assurant cohésion nationale et souplesse territoriale.

– Un développement centré sur le peuple : les résultats ne se mesurent pas uniquement en croissance du PIB, mais aussi en progrès éducatifs, sanitaires, écologiques ou en revitalisation rurale.

– Une modernisation harmonieuse : l’équilibre entre développement matériel et enrichissement spirituel, entre économie et écologie, entre villes et campagnes, incarne une vision plus intégrée du progrès.

– Une résilience institutionnelle anti-cyclique : la stabilité et la prévisibilité offertes par la planification quinquennale amortissent les chocs liés aux alternances politiques, fréquents dans d’autres systèmes.

En somme, la Chine explore une voie originale, fusionnant les instruments modernes de la gouvernance avec une sagesse politique ancienne, et propose ainsi une expérience féconde à tous les pays en quête d’un développement durable, soucieux d’échapper au « piège des revenus intermédiaires ».

Un équilibre fécond

Certains redoutent, à tort, que la planification étouffe la vitalité du marché. Cette appréhension reflète une méconnaissance de la complémentarité qui s’est construite, avec pragmatisme, dans le contexte chinois. L’expérience du pays montre au contraire que planification stratégique et mécanismes de marché ne s’opposent nullement : ils s’enrichissent mutuellement.

En Chine, la planification n’est pas un carcan, mais un cadre stratégique où le marché gagne en efficacité, en confiance et en visibilité. L’État fixe les grandes orientations, veille à l’équité sociale et à la stabilité macroéconomique, tandis que les entreprises, guidées par la concurrence, portent l’innovation et la transformation industrielle. L’essor des géants technologiques et des leaders des énergies renouvelables en est une illustration éclatante.

Plus encore, la planification à long terme garantit un environnement stable et prévisible, propice à l’investissement et à l’innovation. En Chine, la visibilité sur les infrastructures, la transition énergétique ou les politiques clés incitent les entrepreneurs à innover et à prendre des risques. Loin d’entraver le marché, cette approche allie objectifs publics et dynamisme privé au service d’une croissance inclusive et durable.

ZAMIR AHMED AWAN ： président fondateur de la Global Silk Route Research Alliance