2025-08-01 |
Faire pousser des solutions |
VOL. 17 / AOÛT 2025 par LI XIAOYU · 2025-08-01 |
Mots-clés: jeune entrepreneur tanzanien ; agriculture durable |
Amos Benjamin Wandella présente son produit, Biogenic Fertilizer, lors de l’Exposition nationale de l’agriculture dans la région de Dodoma, en Tanzanie, en août 2024. (PHOTOS : COURTOISIE)
Lors de l’Exposition nationale de l’agriculture, organisée en août 2024 dans la région de Dodoma, en Tanzanie, un produit s’est distingué parmi des centaines de présentations : Bio-genic Fertilizer. Agriculteurs, chercheurs et représentants officiels se sont pressés autour du stand, curieux de découvrir ce fertilisant organique à base de bactéries, conçu à partir de déchets agricoles et d’algues. Les résultats parlaient d’eux-mêmes : baisse des coûts de production, amélioration des rendements, moindre dépendance aux intrants chimiques, régénération progressive des sols.
Ce que peu de visiteurs savaient, c’est qu’à l’origine de cette innovation se trouve Amos Benjamin Wandella, un entrepreneur tanzanien formé à l’Université d’agriculture de Chine (CAU). Fort d’un savoir-faire acquis à des milliers de kilomètres, il est revenu au pays pour développer une solution profondément ancrée dans le contexte africain, mais inspirée de l’expertise chinoise.
Une idée semée en Chine
Entre 2015 et 2017, Amos Wandella suit un master à la CAU grâce à une bourse du ministère chinois du Commerce. Une période décisive dans son parcours.
« Mon passage en Chine a nourri mon envie de transformer mes idées en entreprise concrète », explique-t-il à CHINAFRIQUE. « Voir comment la Chine utilise l’agriculture pour lutter contre la pauvreté et créer de l’emploi m’a ouvert les yeux sur les possibilités pour la Tanzanie. »
Il constate que nombre de petits exploitants tanzaniens ne peuvent se permettre l’achat d’engrais chimiques, bien trop coûteux. Inspiré par les modèles agricoles efficaces et accessibles observés en Chine, et guidé par sa mentore, la professeure Zhang Chuanhong, il commence à concevoir une solution alternative. Bio-genic Fertilizer voit ainsi le jour.
Selon M. Wandella, ce produit vise trois objectifs majeurs : réduire de plus de 50 % les coûts de production pour les petits exploitants, créer des emplois pour les jeunes en les impliquant dans la fabrication et la commercialisation du fertilisant, et protéger l’environnement en restaurant la santé des sols.
Une délégation de mentors de l’Université d’agriculture de Chine visite l’usine d’engrais organique d’Amos Benjamin Wandella (quatrième à droite) à Dar es Salaam, en Tanzanie, en janvier.
Un démarrage modeste, une vision claire
En 2018, il fonde son entreprise à Dar es Salaam, en investissant une partie de ses économies de bourse. Mais les débuts sont lents. En Tanzanie, la réglementation impose plusieurs années d’essais et de certifications. Ce n’est qu’en 2023, après quatre ans de tests en laboratoire et sur le terrain, que l’engrais obtient son autorisation de mise sur le marché.
Un tournant survient en novembre 2024, lorsqu’il est sélectionné pour la première session de l’initiative CAU-Tencent pour les jeunes entrepreneurs ruraux africains. Ce programme mêlant formation intensive, visites de terrain et mentorat l’emmène dans plusieurs provinces chinoises, à la découverte de solutions agri-tech innovantes, de modèles économiques performants et d’outils numériques adaptés.
Il y acquiert également des compétences clés en gestion financière : budgétisation, maîtrise des coûts, planification des investissements… autant de leviers qui renforcent la viabilité économique de son projet. Grâce à cette expérience, il optimise ses opérations, de l’approvisionnement à la distribution.
Le mentorat joue un rôle déterminant. Avec le soutien constant de Mme Zhang, il peaufine un business plan rigoureux, capable de convaincre investisseurs et partenaires stratégiques. « Sa guidance m’a permis d’affiner ma vision : proposer un engrais organique abordable et de qualité, mais surtout développer un modèle évolutif qui soutienne l’agriculture durable et autonomise les communautés rurales », souligne-t-il.
Une croissance organique
Entre novembre 2024 et juin 2025, l’entreprise enregistre une croissance fulgurante. Le produit est désormais distribué dans dix nouvelles régions du pays ; la clientèle passe de 500 à 750 agriculteurs ; la capacité de production augmente de 40 %, atteignant 14 000 litres par an, tandis que le temps de traitement est réduit de moitié.
Un réseau de distribution rural a été mis en place, réunissant 50 revendeurs agricoles, dix coopératives et plus de 100 partenaires formés. Plus de 2 000 agriculteurs ont déjà bénéficié d’une formation sur les bienfaits de l’engrais bactérien pour la fertilité des sols et la productivité des cultures.
L’entreprise a aussi noué des partenariats avec des institutions locales, des ONG et des centres de recherche, parmi lesquels l’Association horticole de Tanzanie, le Mouvement de l’agriculture biologique de Tanzanie, l’Université d’agriculture Sokoine ou encore l’Institut de recherche agricole de Tanzanie.
Malgré des équipements encore rudimentaires, M. Wandella reste confiant. « En Afrique, il faut commencer avec ce qu’on a, plutôt que de viser immédiatement des technologies de pointe », souligne-t-il.
Pour la suite, il prévoit d’augmenter les capacités de production, de stabiliser la qualité du produit et de continuer à promouvoir l’agriculture biologique.
De Beijing à Dar es Salaam, le parcours d’Amos Wandella montre comment l’éducation internationale peut susciter des changements concrets. Avec détermination et clairvoyance, il prouve que de grandes idées peuvent naître de moyens modestes.
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