2025-10-09 |
La promesse verte des sables |
VOL. 17 / OCTOBRE 2025 par HU FAN · 2025-10-09 |
Mots-clés: zone sableuse de Horqin ; modèle de restauration écologique et économique |
Des habitants locaux plantent des arbres dans la zone sableuse de Horqin, à Tongliao, région autonome de Mongolie intérieure. (PHOTOS : COURTOISIE)
En plein été caniculaire, un visiteur du bourg de Nugusitai, dans la ville de Tongliao, région autonome de Mongolie intérieure, aurait bien du mal à reconnaître le paysage. Jadis balayées par les vents et couvertes de sable à perte de vue, les collines arborent désormais une parure végétale luxuriante. De hautes éoliennes tournent en silence, tandis que des zones humides scintillent entre les bosquets, offrant un havre de paix aux oiseaux d’eau.
Ce qui n’était qu’un terrain inhospitalier, incapable même de nourrir le bétail, s’est mué en un espace de fraîcheur et de ressourcement, aussi bien pour les habitants que pour les visiteurs.
La métamorphose de Nugusitai incarne les efforts déployés pour restaurer la zone sableuse de Horqin. Classée parmi les quatre principales zones sableuses de Chine, celle-ci s’étend sur la région autonome de Mongolie intérieure ainsi que sur les provinces du Jilin et du Liaoning, couvrant quelque 66 000 km². Plus de la moitié de cette superficie se situe à Tongliao, ce qui fait de la ville le cœur battant de la lutte contre l’avancée du désert.
Inscrite à l’agenda du développement local depuis la fin des années 1970, la restauration de Horqin a franchi une nouvelle étape en 2023, lorsque le contrôle des zones sableuses est devenu un objectif stratégique du projet national de ceinture forestière des trois régions du Nord. Ce tournant a accéléré la transition de Horqin, d’étendues stériles vers des paysages verdoyants.
Un effort collectif
Séduit par la beauté brute des zones sableuses, le photographe Hua Weiguang immortalise cette transformation depuis plus d’une décennie. À mesure que la végétation regagnait du terrain et que la faune refaisait surface, il a tourné son objectif vers les espèces rares qui peuplent désormais sa région natale. « Témoin et bénéficiaire de cette évolution, je ressens une profonde fierté en voyant ce que nous avons accompli », confie‑t‑il à CHINAFRIQUE.
Ses clichés rendent également hommage à celles et ceux qui ont rendu cette renaissance possible. À ses yeux, paysans et éleveurs sont les véritables artisans de cette reconquête écologique. Chaque jour, avant l’aube, les ouvriers gagnent les zones sableuses et n’en reviennent qu’au crépuscule, ne s’accordant qu’un court répit à l’ombre des dunes. Dans bien des villages, les hommes partis en ville chercher du travail ont laissé place à des femmes devenues les piliers du reboisement, souvent mises en lumière dans les photographies de M. Hua.
Pause à l’ombre pour des habitants engagés dans la restauration des terres dégradées dans la zone sableuse de Horqin, à Tongliao, région autonome de Mongolie intérieure.
Face à des sols dégradés, pauvres en eau et fragiles sur le plan écologique, Tongliao a choisi une approche participative et inclusive, pilotée par les autorités locales. « Restaurer Horqin ne se limite pas à planter des arbres », souligne Li Xiangfeng, directeur adjoint du Bureau des forêts et des prairies de Tongliao. « C’est une transformation écologique à part entière, qui mobilise l’ensemble de la société. »
Pour stimuler cet engagement collectif, les autorités ont mis en place des structures économiques coopératives. Les droits d’usage sur les terres dégradées et les prairies sableuses ont été validés, puis confiés à des entités collectives ou à des entreprises publiques. Les agriculteurs et éleveurs peuvent ainsi y contribuer par leur travail, investir en tant que membres coopérants et en partager les fruits.
Dans la bannière de Jarud, par exemple, les projets de lutte contre la désertification sont associés à des initiatives solaires et éoliennes, portées par des coopératives, des entreprises et des foyers. Les habitants perçoivent une rémunération pour leur travail, assurent la maintenance des installations et reçoivent du fourrage cultivé sur les terres réhabilitées. Une synergie gagnante, à la fois pour les entreprises, les communautés et les familles.
Pour diversifier les financements, Tongliao mise résolument sur les énergies renouvelables. Ces projets, en plus d’exploiter le potentiel solaire et éolien local, apportent des bénéfices écologiques : les panneaux solaires protègent les sols du rayonnement direct, réduisent l’évaporation et créent des microclimats favorables à la croissance de plantes fourragères ou médicinales. Installés en hauteur, ils permettent également de cultiver à l’ombre ou d’élever du bétail en contrebas, générant des revenus complémentaires.
Sur le terrain, les innovations foisonnent. Pour Chaoketu, chef du Poste forestier de la bannière arrière gauche de Horqin, l’enjeu majeur est d’améliorer la survie des arbres. Son équipe a mis au point une méthode ingénieuse : planter les jeunes pousses dans des fosses profondes, recouvertes d’une fine couche de terre. Cette technique, aussi simple qu’efficace, réduit les coûts, accélère la croissance et renforce la résilience forestière.
Les résultats parlent d’eux-mêmes. Avant son adoption, le taux de survie des plantations de printemps ne dépassait pas les 50 %. Il excède désormais les 90 %, tandis que la consommation d’eau a été divisée par deux. Cette méthode permet aussi de planter toute l’année et d’accueillir une grande diversité de variétés. Depuis 2013, plus de 40 000 hectares ont ainsi été restaurés.
Des agriculteurs trient des pommes à Tongliao, région autonome de Mongolie intérieure.
Une renaissance écologique et économique
Grâce à cet élan collectif, Tongliao a déjà régénéré plus de 1,33 million d’hectares de terres sableuses gravement dégradées. La couverture forestière est passée de 8,9 % en 1978 à près de 20 %, et la végétation des prairies couvre désormais environ 65 % du territoire.
Mais restaurer les terres ne suffit pas. Encore faut‑il améliorer les conditions de vie. C’est pourquoi la ville associe ses objectifs écologiques à des perspectives économiques concrètes.
L’un des exemples les plus probants est la culture de la pomme « Saiwaihong », une variété locale sucrée et de petit calibre, particulièrement adaptée aux sols sableux. Sa production devrait dépasser le milliard de yuans (140,2 millions de dollars) d’ici fin 2025. Sous les pommiers, on cultive également des plantes médicinales traditionnelles chinoises et mongoles, multipliant les sources de revenus. Les producteurs ont vu leurs revenus annuels augmenter de plus de 8 000 yuans (1 121,3 dollars) par habitant.
L’agroforesterie constitue un autre levier majeur, mêlant plantes médicinales et champignons comestibles. Douze bases de culture ont été établies, avec près de 30 variétés végétales et une production annuelle estimée à plus de 700 millions de yuans (98,1 millions de dollars). Environ 80 000 agriculteurs participent à ces activités économiques forestières non ligneuses, avec un revenu moyen de 2 700 yuans (378,4 dollars) chacun par an.
L’écotourisme n’est pas en reste. Parcs désertiques, zones humides, forêts et prairies bordent un corridor touristique de 500 km, attirant chaque année plus de 2 millions de visiteurs et générant 1,6 milliard de yuans (224,3 millions de dollars) de recettes.
À l’horizon 2030, Tongliao s’est fixé des objectifs ambitieux pour la zone sableuse de Horqin : restaurer plus de 90 % des terres dégradées, garantir une bonne qualité de l’air au moins 90 % du temps, et augmenter le revenu disponible par habitant de 8 % par an en moyenne dans les zones concernées.
Pour M. Hua, l’avenir s’écrit déjà. Ses photos montrent le recul des dunes, remplacées par des forêts, des prairies et des zones humides. « Je suis convaincu que d’ici trois à cinq ans, ces terres auront encore changé de visage », affirme‑t‑il avec confiance.
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