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  2025-10-09
 

Terre d'herbe et d'avenir

VOL. 17 / OCTOBRE 2025 par LI YIN  ·   2025-10-09
Mots-clés: prairie de Hulun Buir ; élevage modernisé ; pratiques durables et coopératives

Des moutons broutent sur la vaste base d’élevage de moutons à tête rousse, dans la bannière du Vieux Barag, région autonome de Mongolie intérieure, le 1er août. (PHOTOS : HU FAN)

Sur l’immense prairie de Hulun Buir, dans la région autonome de Mongolie intérieure, les steppes ondulent à perte de vue. Réputée comme l’une des quatre grandes prairies du monde, cette terre que l’on surnomme le « royaume de la flore et de la faune du nord de la Chine » est depuis toujours le berceau d’une culture nomade ancestrale et un pilier de l’élevage pastoral.

Mais derrière cette image idyllique se profile une réalité plus vulnérable. Des décennies de changement climatique, de surpâturage et de pratiques traditionnelles ont fragilisé les écosystèmes. Dans certaines zones, la prairie s’étiole, la biodiversité recule, les moyens de subsistance vacillent.

Face à cette urgence écologique, les autorités locales ont fait de la lutte contre le surpâturage une priorité stratégique, notamment dans la bannière autonome d’Ewenki, où l’élevage est une activité vitale, mais aussi dans la bannière du Vieux Barag ainsi que dans les bannières gauche et droite du Nouveau Barag. Leur défi est limpide : restaurer l’équilibre écologique tout en augmentant les revenus des éleveurs.

Un équilibre entre nature et modernité

Hulun Buir mise sur une stratégie en deux temps. D’un côté, des mesures de conservation ont été renforcées : interdiction temporaire de pâturage, rotations de repos et programmes de restauration écologique. De l’autre, la modernisation de l’élevage s’est accélérée : alimentation en enclos, développement d’une filière fourragère locale, et valorisation des produits agricoles à travers des marques porteuses.

Dans la bannière autonome d’Ewenki, une usine de transformation de fourrage incarne cette nouvelle donne. Là, des machines broient, mélangent et conditionnent paille, maïs ensilé et graminées fourragères en rations totales mélangées (RTM) standardisées. Pour l’entreprise Mengyuan Agricultural and Animal Husbandry Development, cette technologie marque un tournant. « Par rapport au fourrage naturel, les RTM offrent de multiples avantages », explique Wu Yue, son responsable. « Elles réduisent les pertes d’environ 30 %, assurent une nutrition équilibrée, diminuent les risques de maladies et permettent au bétail de maintenir son poids, même en hiver. »

La mécanisation permet aussi d’abaisser les coûts de main-d’œuvre, tandis que les rations peuvent être ajustées selon les besoins nutritionnels du cheptel. Mengyuan mise sur l’économie circulaire, en recyclant les pailles agricoles et les résidus de distilleries pour fabriquer ses RTM. L’entreprise produit aujourd’hui quelque 200 000 tonnes d’aliments pour bovins et ovins chaque année, un atout pour sa rentabilité, comme pour les éleveurs.

Cette collaboration entre entreprises et communautés est au cœur de la stratégie de Hulun Buir. En assurant un approvisionnement stable en fourrage, la région soulage la pression sur les pâturages naturels. En parallèle, l’industrie fourragère devient un moteur clé de la modernisation de l’élevage.

Des bovins sont nourris dans une étable de l’entreprise Mengyuan Agricultural and Animal Husbandry Development, dans la bannière autonome d’Ewenki, région autonome de Mongolie intérieure, le 1er août.

Miser sur l’image de marque

Lutter contre le surpâturage ne suffit pas : il faut aussi augmenter les revenus. Pour mieux valoriser les produits issus de l’élevage et promouvoir une filière de qualité, Hulun Buir mise sur le développement de viandes biologiques, écologiques et haut de gamme, à l’image du mouton à tête rousse de la bannière du Vieux Barag, devenu un produit phare.

Cette race rustique, reconnaissable à sa tête et son cou brun-rouge, s’épanouit dans les conditions rigoureuses de l’ouest des monts Dahinggan. Sa viande, prisée pour sa texture ferme, sa couleur soutenue et sa richesse nutritionnelle, a obtenu en 2022 la reconnaissance du ministère de l’Agriculture et des Affaires rurales comme « nouveau produit agricole spécialisé ».

Une base d’élevage standardisée a été établie à Huhe Wendu’er Gacha dans le cadre d’un projet pilote visant à renforcer les économies collectives et à revaloriser les revenus des éleveurs. Bureaux de gestion, postes vétérinaires, unités de désinfection, étables lumineuses : tout y est conçu pour offrir un cadre sain aux animaux.

Chaque mouton est équipé d’une étiquette électronique, accède à des points d’eau intelligents et franchit des portiques de reconnaissance, sous l’œil de caméras qui veillent sur les pâturages. Grâce à une plateforme numérique développée par le Bureau de l’agriculture, de l’élevage et des sciences de la bannière du Vieux Barag, le cycle de vie complet de chaque animal est désormais traçable. « Ce système prévient le surpâturage tout en renforçant l’image de marque et la valeur du produit », précise Wang Jia, du Bureau.

Autour de la rivière Morigele, l’initiative mêle élevage et tourisme culturel, faisant du mouton à tête rousse un produit d’exception ancré dans le terroir. Porté par l’e‑commerce et les circuits courts, il conquiert aujourd’hui des marchés à forte valeur ajoutée.

Réinventer l’économie pastorale

La renaissance de Hulun Buir repose aussi sur une réforme en profondeur de l’économie pastorale. Les ressources deviennent des actifs, les financements se transforment en parts sociales, et les éleveurs deviennent actionnaires. Ce modèle coopératif réunit trois fonctions essentielles que sont la production, l’approvisionnement et le crédit, dans une même dynamique collective.

Dans la bannière autonome d’Ewenki, ce virage s’incarne à travers un réseau de stations de service coopératives couvrant 16 villages. Trente-sept gestionnaires assurent au quotidien un panel de services spécialisés : lavage des moutons, 
stockage du fourrage et soins vétérinaires. S’y ajoutent achats groupés, logistique connectée et réductions substantielles sur les coûts de transport.

En parallèle, ces coopératives travaillent avec des institutions financières pour garantir un soutien solide à la production et aux opérations des éleveurs. Elles offrent également des conseils juridiques gratuits, des formations et des produits financiers inclusifs, orientés par les politiques publiques, assurant ainsi un accompagnement global aux éleveurs locaux.

Les résultats sont remarquables : des économies de plusieurs dizaines de milliers de yuans sur les soins vétérinaires, plus de 45 millions de yuans (6,32 millions de dollars) de chiffre d’affaires supplémentaire, et des prêts à taux préférentiels dépassant les 760 millions de yuans (106,81 millions de dollars). Hulun Buir a mis en place 51 stations de services villageoises et déployé 160 agents de terrain pour assurer un soutien ciblé, permettant aux éleveurs d’économiser, d’alléger leurs charges et d’augmenter leurs revenus. « Ces réformes ne sont pas que financières », souligne Wang Jingshun, directeur de l’Académie des sciences agricoles et d’élevage de Hulun Buir. « Elles répondent aux difficultés bien réelles que rencontrent les éleveurs sur cette vaste prairie peu peuplée. »

Réformer des traditions séculaires n’est jamais simple. Les éleveurs suivent depuis longtemps les cycles saisonniers, et l’adaptation aux nouveaux systèmes demande du temps. « Hulun Buir a intensifié les formations et les projets de démonstration pour aider les éleveurs à saisir les avantages de ces nouvelles pratiques », confie M. Wang à CHINAFRIQUE. Peu à peu, l’idée fait son chemin : pâturage durable, alimentation modernisée et services collectifs ne sont pas des menaces à la culture, mais des conditions de survie.

Aujourd’hui, la prairie de Hulun Buir montre des signes de rétablissement. Les pâturages se régénèrent, le bétail est en meilleure santé, et les éleveurs commencent à récolter les fruits de ces réformes. Dans le cadre plus large de la stratégie nationale de revitalisation rurale, la région devient un modèle de synergie entre préservation écologique et développement économique.

L’expérience de Hulun Buir offre une leçon précieuse au monde : même sous pression écologique et économique, l’innovation, les réformes et la coopération peuvent écrire un nouveau chapitre pour l’une des prairies les plus remarquables de la planète.

 
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