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  2025-10-09
 

Un autre chemin

VOL. 17 / OCTOBRE 2025 par FATMATA SALMA KARGBO  ·   2025-10-09
Mots-clés: autonomie locale ; expérience chinoise

Fatmata Salma Kargbo (PHOTOS : COURTOISIE)

L’Université d’agriculture de Chine (CAU) a récemment organisé une école d’été consacrée au développement mondial et aux études par pays et régions, réunissant chercheurs, étudiants et praticiens venus des quatre coins du monde pour explorer les multiples facettes du développement à travers une approche résolument interdisciplinaire. Alternant enseignements théoriques et activités pratiques, le programme a enrichi ma compréhension du développement global, de la coopération Sud‑Sud et du rôle croissant de la Chine dans les affaires internationales.

Chaque session m’a confortée dans l’idée que seule une approche inclusive et transversale permet d’appréhender les dynamiques actuelles du développement. Participer à ces échanges, m’immerger dans les communautés locales et réfléchir collectivement à de nouveaux modèles fut un véritable honneur. En tant qu’étudiante sierra-léonaise en Chine, j’y ai trouvé de précieuses pistes d’inspiration pour mon propre pays.

Repenser le développement

La conférence du professeur Li Xiaoyun, doyen honoraire de la faculté de développement international et d’agriculture mondiale à la CAU, m’a profondément marquée. Selon lui, le développement ne se limite ni à l’aide financière ni aux infrastructures, mais suppose de surmonter les défaillances politiques, les fragilités institutionnelles et les obstacles culturels. En évoquant Nairobi, où ONG et bidonvilles coexistent, il a dénoncé les contradictions d’une aide internationale qui, parfois, entretient la pauvreté au lieu de la combattre. Trop souvent en Afrique, les programmes imposés de l’extérieur échouent à produire un changement réel.

En replaçant l’autonomie locale au centre, l’école d’été a esquissé une autre approche du développement. Les professeures Maia Green, Nikita Sud et Laura Hammond ont souligné que le développement durable ne saurait se limiter à des modèles universels comme les Objectifs de développement durable (ODD), souvent perçus comme des cases à cocher. Il doit plutôt naître de stratégies co‑construites, ancrées dans les savoirs locaux et les réalités du terrain.

La transformation des campagnes chinoises illustre cette approche fondée sur l’autonomie. Comme l’a expliqué la professeure Tang Lixia, la Chine s’est appuyée non sur l’aide extérieure, mais sur un dispositif intégré combinant incitations économiques, infrastructures, services publics et initiative locale. Au cœur de ce modèle : la recherche-action, qui associe universitaires et villageois pour former des entrepreneurs, appuyer les entreprises communautaires et nourrir les politiques publiques depuis le terrain.

Notre visite à Xishuangbanna, au Yunnan, a offert un exemple concret de cette dynamique. Avec le soutien du programme du professeur Li et de la CAU, la communauté a développé un agrotourisme florissant, attirant plus de 6 000 visiteurs durant le Nouvel An chinois. Ce succès repose moins sur l’aide extérieure que sur les savoirs locaux, les traditions vivantes et une gouvernance communautaire ancrée dans la fierté culturelle.

Les conférences ont aussi souligné le recul de l’orthodoxie néolibérale. Le retrait de l’USAID et le désengagement américain vis‑à‑vis des ODD marquent un tournant géopolitique. Ces lectures appellent à dépasser les indicateurs classiques pour privilégier des notions comme la résilience, les capacités ou la cohésion communautaire. Le modèle chinois, fondé sur les entreprises villageoises et les décisions collectives, s’inscrit dans cette logique, proche d’une coopération Sud‑Sud fondée sur le partage et l’équilibre.

Photo de groupe des participants à l’école d’été sur le développement mondial et les études par pays et régions, à Beijing, en juillet.

Une voie d’avenir pour la Sierra Leone

La revitalisation rurale chinoise offre un modèle inspirant pour la Sierra Leone, qui gagnerait à sortir d’une logique d’assistanat au profit d’un développement communautaire. Malgré son riche patrimoine culturel, ses écosystèmes variés et son potentiel agricole, le monde rural reste dominé par des projets extérieurs. Des partenariats avec des institutions locales comme Njala ou Makeni pourraient offrir des formations concrètes aux jeunes entrepreneurs. En s’inspirant de l’expérience chinoise, la Sierra Leone pourrait développer l’agrotourisme et valoriser ses cultures locales pour diversifier ses revenus.

Le véritable enjeu est de passer d’une logique de dépendance à un développement local, inclusif et innovant. Les universités et les centres de recherche doivent en être les catalyseurs, en intégrant recherche appliquée, formation entrepreneuriale et actions de terrain. Les projets doivent adopter une approche SMART (specific, measurable, attainable, realistic, and time-bound), avec des objectifs concrets en matière de productivité, de revenus, d’accès au marché et d’inclusion des femmes et des jeunes.

Car le développement est d’abord affaire d’autonomie, d’identité et de gouvernance, bien plus que de performance économique. Pour la Sierra Leone, cela implique de reconnaître les savoirs locaux, les économies informelles, les formes traditionnelles de propriété foncière et les pratiques de santé communautaire. La coopération Sud‑Sud, notamment dans le cadre de l’initiative « la Ceinture et la Route », peut jouer un rôle d’appui en matière de compétences, d’infrastructures et d’intégration régionale, à condition qu’elle soit guidée par les priorités nationales et ancrée dans les aspirations locales.

En définitive, l’expérience chinoise montre que le développement durable se construit de l’intérieur, au croisement de la volonté des communautés, de la force des institutions et de la lucidité des politiques publiques. Pour la Sierra Leone, c’est l’opportunité d’engager une stratégie fondée sur la responsabilisation collective, l’utilisation rationnelle des ressources locales et l’encouragement à l’innovation. Le développement n’est plus affaire d’importation de solutions toutes faites, mais de dignité, de coopération et d’appropriation du changement.

Je remercie chaleureusement la CAU pour m’avoir offert ces multiples opportunités d’apprentissage. À l’heure où elle célèbre son 120e anniversaire, elle demeure un phare d’excellence, de rigueur et d’engagement, formant certaines des intelligences les plus brillantes de notre époque. Son héritage, fruit d’un long dialogue entre exigence académique et ouverture au monde, m’inspire et me pousse, comme tant d’autres, à adopter des approches transformatrices pour bâtir un avenir plus durable, plus juste et plus équitable.

FATMATA SALMA KARGBO : étudiante sierra-léonaise à l’Université d’agriculture de Chine

 
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