2025-07-15 |
Poids des corps, poids des normes |
VOL. 17 / JUILLET 2025 · 2025-07-15 |
Mots-clés: Regards croisés |
Cette rubrique aborde un sujet à travers des perspectives chinoise et africaine. Ce mois-ci, nous nous intéresserons à la manière dont les jeunes réagissent à l’attention croissante portée à la gestion du poids corporel.
Alors que les taux d’obésité grimpent, la question du poids s’impose comme une priorité en Chine. Le gouvernement déploie des politiques ciblées, les hôpitaux ouvrent des cliniques spécialisées, et les experts de santé multiplient les mises en garde. Pourtant, le poids corporel n’est plus seulement un enjeu médical : il touche désormais à l’identité, à l’estime de soi, à l’image que l’on projette. Examinons les forces culturelles à l’œuvre dans les perceptions du poids chez les jeunes Chinois et Africains : ce qui façonne leurs choix, nourrit leurs idéaux et place la santé au croisement de l’apparence, dans des sociétés en pleine mutation.
L’équilibre avant tout
PAN ZIYI
Étudiante chinoise à Beijing
Nous vivons une époque paradoxale, où il est plus facile que jamais de prendre du poids, comme en témoignent les taux croissants d’obésité, alors même que la pression pour rester mince n’a jamais été aussi forte. En Chine, si une silhouette généreuse reste, dans certaines communautés rurales, un signe de prospérité et de bonne santé, la culture urbaine tend à ériger la minceur en emblème de modernité et de réussite. Résultat : la gestion du poids corporel s’impose désormais comme un sujet brûlant, touchant toutes les générations.
Cette prise de conscience n’est pas dénuée de vertus. Face à l’augmentation de l’obésité, il est essentiel de reconnaître les risques sanitaires liés à un excès de poids, tels que la stéatose hépatique ou les troubles métaboliques. Pour ceux qui aspirent à la beauté ou à une meilleure acceptation sociale, le maintien d’une silhouette saine peut aussi renforcer la confiance en soi et nourrir l’estime personnelle.
Mais la quête de minceur dérive parfois vers des excès. Médias et réseaux sociaux imposent des idéaux inaccessibles, poussant certains à négliger leur bien-être pour suivre des normes changeantes. Cette pression constante alimente souvent une insatisfaction de soi et une anxiété diffuse.
Certaines personnes, je l’ai observé, adoptent des méthodes extrêmes qui, malgré une perte de poids rapide, causent souvent fatigue, troubles hormonaux, acné ou dépression. Inefficaces à long terme, ces pratiques nuisent durablement à la santé.
À mes yeux, une approche saine du poids repose sur l’équilibre et le bien-être durable. Plutôt que des régimes stricts, il s’agit d’adopter des habitudes réalistes : activité physique régulière, et vigilance face aux excès sucrés. Ce mode de vie favorise une relation plus apaisée avec son corps.
En définitive, la gestion du poids oscille entre émancipation et pression. Elle peut nourrir la vitalité, mais devient souffrance quand elle répond à des injonctions irréalistes. Cultivons l’équilibre, dans nos corps comme dans notre regard.
Ne pas suivre aveuglément la tendance
ADIBASE RAPHAEL
Étudiant ghanéen à l’Université agricole de Chine
Dans un monde en mutation, la gestion du poids dépasse désormais le champ médical pour toucher à l’identité et à la reconnaissance sociale. De Beijing à Accra, les jeunes font face à de nouvelles pressions.
En Chine, la hausse rapide de l’obésité infantile a entraîné une réponse étatique : programmes de remise en forme, suivi de l’IMC et campagnes de sensibilisation dans le cadre du plan Chine en bonne santé 2030. Mais au-delà des chiffres, le corps devient un symbole social. Sur Douyin ou RedNote, la minceur s’impose comme norme. Nombre de jeunes suivent alors régimes et entraînements stricts, non par santé, mais pour répondre à des standards souvent inaccessibles. Si certains y gagnent en assurance, d’autres voient leur estime de soi chuter.
Au Ghana, la perception du corps reste contrastée. Dans les zones rurales, les formes généreuses symbolisent encore richesse et beauté, mais à Accra ou Kumasi, les normes évoluent sous l’influence des médias et de la culture fitness. Faute de politiques claires, les jeunes naviguent entre exigences de santé et pressions esthétiques.
Étudiant ghanéen en Chine, je ressens ce tiraillement. Chez moi, les formes sont valorisées ; ici, la minceur domine. Les réseaux sociaux, entre conseils santé et comparaisons anxiogènes, modèlent nos corps et nos esprits. Pour les jeunes, gérer son poids peut être source de fierté… ou de souffrance, quand les normes deviennent oppressantes.
Dans les deux sociétés, la quête du « poids idéal » oscille entre bien-être et mal-être, surtout chez les jeunes femmes, prises entre santé et normes esthétiques. Urbanisation, mondialisation et réseaux sociaux bousculent les repères, sans réduire les inégalités.
Il est temps de changer de regard : valoriser le bien-être plutôt que l’apparence, célébrer la diversité des corps et promouvoir un équilibre physique et mental. Les jeunes doivent s’accepter au-delà des chiffres, pour ce qu’ils sont réellement.
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