Visite d’une base agricole moderne à Sanya, dans la province chinoise de Hainan, lors du deuxième Forum de coopération agricole sino-africaine, le 14 novembre 2023. (XINHUA)
Profitant de la mondialisation et de la coopération internationale, les pays du Sud global émergent comme des acteurs dynamiques de l’économie mondiale, jouant un rôle croissant dans l’innovation technologique, la transition écologique et la collaboration internationale. Libérés des vestiges de l’hégémonie occidentale et des réminiscences coloniales, ces pays ont pris conscience de l’importance de l’autonomie et de la défense du multilatéralisme. Cela les a incités à revendiquer un rôle plus significatif dans la gouvernance mondiale. Lors du premier Forum des médias et des groupes de réflexion du Sud global, qui s’est tenu à São Paulo, au Brésil, les 11 et 12 novembre 2024, les représentants ont unanimement décidé de renforcer la voix du Sud global dans la gouvernance mondiale, en adoptant une déclaration commune.
Dans le contexte d’une révolution technologique en plein essor, les pays du Sud global investissent massivement dans des secteurs clés tels que l’intelligence artificielle, les énergies renouvelables et la biotechnologie, afin d’accélérer leur transition vers des économies modernisées et avancées. Grâce à une meilleure répartition des ressources vers les industries émergentes, ces pays ont non seulement amélioré leur productivité mais aussi renforcé leur compétitivité à l’échelle mondiale.
En Inde, le Digital India Act modernise l’industrie manufacturière et régule des technologies comme l’intelligence artificielle et la blockchain. L’Afrique du Sud attire les investisseurs via un appel d’offres pour des projets d’électricité renouvelable. Le Brésil, avec des partenaires chinois, stimule l’innovation en biomédecine pour dynamiser son secteur biotechnologique.
Avec plus de 70 % de la population mondiale et un âge médian jeune, les pays du Sud global témoignent de changements économiques significatifs stimulés par une consommation accrue. Les jeunes consommateurs, notamment en Afrique, pionniers dans l’adoption du numérique, sont disposés à investir dans de nouvelles technologies et communications mobiles. Le taux de pénétration mobile en Afrique continue de grimper, porté par une jeunesse désireuse de rester à la pointe des tendances actuelles. Selon le rapport e-Conomy SEA 2024, publié en novembre dernier par Google, Temasek et Bain & Company, le commerce électronique en Asie du Sud-Est a vu ses ventes bondir de 15 % en un an, atteignant 159 milliards de dollars. Face à une demande croissante pour le commerce électronique transfrontalier, les entreprises internationales investissent massivement dans les marchés locaux, stimulant ainsi le flux de revenus dans la région.
Des leçons précieuses
Dans leur quête de modernisation, les pays du Sud global, orientés vers l’international, tirent des enseignements des expériences d’autres nations tout en collaborant mutuellement pour définir une trajectoire de développement national sur mesure. L’expérience chinoise en matière de lutte contre la pauvreté offre des enseignements précieux pour les pays émergents confrontés à des défis similaires. Ces pays pourraient bénéficier de visites de terrain en Chine ou d’échanges en ligne pour assimiler les méthodes chinoises. L’utilisation du big data et des technologies de l’information pourrait servir à identifier précisément les populations et les zones défavorisées, permettant la création d’une base de données dynamique pour une allocation efficace des ressources, comme les financements.
La collaboration entre les entités gouvernementales et les entreprises est cruciale pour réduire la pauvreté. Les gouvernements peuvent inciter les entreprises à établir des partenariats avec les régions défavorisées, en développant l’industrie agroalimentaire pour étendre les chaînes de valeur agricoles. Pour éradiquer la pauvreté par le biais de l’agriculture, il est vital d’assurer la sécurité alimentaire par le développement de l’agriculture moderne équipée de technologies avancées, d’un accès durable aux terres cultivables et de réserves alimentaires robustes.
Pour accroître leur présence dans le commerce international, les pays du Sud global pourraient envisager trois stratégies. La première consiste à soutenir certaines entreprises pour qu’elles deviennent des leaders industriels à la pointe de la technologie. Ces leaders peuvent renforcer les chaînes de valeur en intensifiant leur participation en amont et en aval, favorisant ainsi la progression de l’ensemble des acteurs concernés. Un engagement soutenu tout au long de la chaîne de valeur pourrait créer un modèle d’affaires circulaire essentiel à la compétitivité internationale du pays.
La deuxième stratégie vise à établir des partenariats durables avec les grandes puissances commerciales via des accords commerciaux et des zones de libre-échange. En approfondissant la coopération multilatérale et bilatérale, les pays du Sud global pourraient maximiser les avantages de la libéralisation et de la facilitation des échanges, tels que des droits de douane réduits et moins de barrières non tarifaires.
La troisième stratégie recommande de promouvoir l’intégration économique régionale. Une
coopération économique stratégique entre les pays du Sud global nécessite un cadre juridique solide et une institution dédiée à la gestion et à la mobilisation des ressources régionales.
Il est également crucial d’initier une transition des pays du Sud global des « preneurs de règles » aux « décideurs de règles » dans la gouvernance mondiale. Plutôt que de chercher à dominer, ce qui pourrait être perçu comme politiquement motivé, le Sud devrait agir en tant qu’acteur clé dans la gouvernance mondiale. La Chine, en tant que leader du Sud global, pourrait plaider pour une plus grande cohésion dans les initiatives de sécurité et de développement et pour agir comme une force unifiée sur la scène internationale. La coopération en matière de sécurité à plusieurs niveaux, impliquant gouvernements, entreprises et milieux académiques, doit être renforcée pour contrer les risques régionaux émergents. Avec une démarche unifiée et une voix concertée, les pays du Sud global sont bien placés pour influencer les changements dans le système de gouvernance mondiale afin qu’il réponde mieux à leurs besoins et intérêts.
WANG HENG : Directrice adjointe de l’Institut d’études africaines de l’Université normale du Zhejiang
SHI XINYU : Assistante de recherche à l’Institut d’études africaines de l’Université normale du Zhejiang