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Les attractions touristiques kenyanes attirent de nombreux touristes chinois |
« La Chine n’est plus une option », affirme une affiche sur la page internet de Sandra Rwese, « Nous sommes face à une nouvelle réalité ». Et pour la consultante kenyane en tourisme, cette nouvelle réalité est palpable puisque la Chine est le deuxième pays d’Asie à visiter le plus le Kenya, avec près de 41 000 touristes chinois en 2015. Cette année, l’Office national du tourisme kenyan espère faire monter ce chiffre à 100 000.
L’expertise
Dans cet objectif, la consultante apporte son expertise à plusieurs entreprises. La jeune femme de 39 ans est spécialisée dans le tourisme chinois, offrant ses services à des clients européens et tout autre acteur désirant attirer des touristes chinois. « J’ai commencé à m’intéresser au marché chinois en 2008 », explique Rwese dans le profil internet de sa compagnie. « Depuis, j’ai étudié le chinois, analysé l’industrie chinoise des services, et publié des articles sur des sujets d’actualité concernant des voyageurs de tourisme et d’affaires. »
La jeune femme a également ouvert un cabinet de conseil, Chinese Business Trainers, à Nairobi en 2008. Sa compagnie se spécialise dans le conseil et la formation pour l’accueil de voyageurs chinois dans le secteur du tourisme et de l’hôtellerie. « Je me concentre sur la mise en place de stratégies marketing, le changement de l’image de produits ou de services, et j’utilise mes habilités interculturelles pour les adapter aux préférences chinoises », explique Rwese à CHINAFRIQUE, exposant ainsi son principal argument de vente. Ses clients sont très variés : hôtels cinq étoiles, compagnies aériennes, agences de voyages, physiques et sur internet.
Si vous voulez faire des affaires avec des Chinois, parlez chinois. C’est un de ses premiers conseils. « Parler leur langue est important pour les affaires », assure-t-elle. « C’est comme ça que je fonctionne, et cela m’offre l’opportunité de travailler comme une citoyenne du monde, unissant les Africains et les Chinois. » Rwese a étudié la langue et la culture chinoise à l’Institut Confucius de l’Université de Nairobi, avant de déménager à Xiamen, dans la province du Fujian au sud-est de la Chine, en 2013. Elle continue ses études à l’Université de Xiamen, faisant des allers-retours entre la Chine et le Kenya. Son cabinet traduit également des documents au chinois et offre des formations sur les bons usages pour faire des affaires avec des Chinois.
Réseaux sociaux
En 2013, la Chine est devenue l’une des plus grandes sources de voyageurs. Le nombre de touristes chinois à l’étranger a atteint 100 millions, affirment les sources officielles. Et selon les estimations, ce chiffre devrait s’élever à 200 millions en 2020. Rwese regrette que l’Afrique, dans son ensemble, ne se soit pas assez intéressée au tourisme chinois. « [Les compagnies de tourisme africaines] perdent de grandes opportunités lorsqu’elles travaillent avec des clients chinois par leur manque de connaissances de la culture et la langue chinoise », assure la consultante. « Cependant, il a encore des opportunités dans des domaines spécifiques, comme le tourisme culturel, les auberges de jeunesse ou l’éco-tourisme. »
Comme beaucoup d’autres pays africains, Rwese pense que le Kenya n’a pas assez fait pour tirer profit du riche vivier de touristes chinois. « Les opérateurs de services kenyans dépendent des stratégies de marketing traditionnelles, comme la tenue d’expositions », explique la jeune femme. « La clé est d’adopter des stratégies de marketing innovantes pour toucher le plus de potentiels touristes. » Pour la consultante, les réseaux sociaux représentent l’avenir du marketing, étant l’outil qui permet d’atteindre la nouvelle génération de consommateurs numériques. Les réseaux sociaux chinois, comme WeChat ou Weibo, attirent quotidiennement des millions d’usagers. « Les réseaux sociaux permettent de diffuser plus largement et moins coûteusement. »
Rwese, qui est également directrice des réseaux sociaux pour la compagnie de tourisme en ligne Gulu et Hirst, a beaucoup de conseils pour les entreprises dans l’industrie du tourisme et l’hôtellerie : créer des équipes motivées pour s’attaquer aux nouveaux marchés, se faire un réseau d’agents de voyage chinois, établir des programmes de fidélité, trouver des ambassadeurs de marque et promouvoir des produits et services pour créer l’identité de la marque. « Le Kenya a besoin d’ambassadeurs de marque, comme Yao Ming [joueur de basketball chinois] ou Jackie Chan [star de cinéma], pour promouvoir les destinations touristiques et la culture kenyanes en s’appuyant sur leur grande popularité sur les réseaux sociaux en Chine », explique la consultante.
Stratégie de marque
Le tourisme chinois est à la fois varié et cyclique, selon les régions. Les préférences des voyageurs ont nettement changé ces dernières années, recherchant désormais des voyages avec des thèmes intéressants. C’est pour quoi, Rwese pense qu’une stratégie basée sur des thèmes est essentielle au secteur de l’hôtellerie. « L’innovation dans les produits est au cœur des avantages compétitifs et de la croissance du tourisme », insiste-t-elle. « Il n’existe pas de règles universelles pour aider les prestataires du tourisme à naviguer avec succès dans ce nouveau monde, mais certains acteurs peuvent les aider, en particulier en identifiant des pôles du marché et des partenaires du secteur en Chine. » Par ailleurs, les universités d’hôtellerie kenyanes doivent préparer les étudiants à l’accueil de touristes chinois. Après sept ans d’expérience, Rwese est face à un défi majeur : « Les clients chinois ont encore besoin de temps pour s’adapter aux consultants indépendants, comme moi-même », explique la jeune femme. « Mais [malgré tout] mon travail consiste à aider les entreprises chinoises et africaines, ainsi que les personnes dans le secteur du tourisme, à se comprendre les uns les autres. »