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Afrique
  2016-06-06
 

Une question brûlante

par Aggrey Mutambo | VOL.8 JUIN 2016 CHINAFRIQUE
Mots-clés: Kenya;l’ivoire

De l’ivoire et des cornes de rhinocéros sont incinérés à Nairobi, le 30 avril 2016

 

C’était comme un gigantesque feu de camp qui illuminait le Parc national de Nairobi au Kenya. Le Président kényan Uhuru Kenyatta et son homologue gabonais Ali Bongo ont assisté aux côtés de dirigeants et d’activistes environnementaux à l’incinération d’une quantité impressionnante d’ivoire et de cornes de rhinocéros, une initiative visant à montrer leur détermination à lutter contre le braconnage. Plus de 100 tonnes de défenses d’éléphant et 1,35 tonne de cornes de rhinocéros, la plus grande prise d’ivoire de l’histoire du Kenya, ont ainsi été réduites en cendres le 30 avril à 16 heures 30.  

Les défenses et les cornes provenaient de près de 8 000 animaux tués par les trafiquants d’ivoire. Une goutte d’eau, puisque cet ivoire ne représente que 5 % du stock total saisi sur le continent, d’après une estimation du Service de la vie sauvage du Kenya. Alors que des pays comme la Tanzanie et le Botswana ont fait savoir que l’ivoire saisi serait conservé, M. Kenyatta a déclaré que son gouvernement n’attachait aucune valeur à l’ivoire d’un éléphant mort. « L’ivoire n’a aucune valeur, à moins qu’il ne se trouve sur un éléphant en vie, a-t-il dit à l’assistance lors de l’incinération. Je préfère attendre le jugement des générations futures qui, j’en suis sûr, apprécieront les initiatives que nous avons prises.  » 

Forte baisse de la population d’éléphants  

La population d’éléphants africains a chuté pour passer de plus de 1,3 million en 1980 à juste 420000, d’après le Fonds mondial pour la vie sauvage. Dans certains pays où la protection est faible en raison de la guerre, comme en République centrafricaine, les spécialistes de la conservation préviennent que l’espèce pourrait purement et simplement disparaître. Au Kenya, considéré davantage comme un point de passage de la contrebande que comme sa source, leur nombre a chuté de 130 000 dans les années 1970 à 35 000 actuellement. « Il s’agit de sauver les éléphants dans un contexte plus large de conservation en éradiquant toute demande pour l’ivoire et en donnant de la valeur aux éléphants en vie », déclare Paula Kahumbu, présidente de WildlifeDirect, une ONG basée à Nairobi qui lutte contre le braconnage, pour expliquer l’importance de cette incinération.    

  

Une vision plus large   

Quelle est alors la stratégie d’ensemble ? Avant que les bûchers ne s’embrasent, M. Kenyatta avait présidé une conférence sur la protection des éléphants dans la cité balnéaire de Nanyuki, au nord-ouest de Nairobi. Ce « Club des géants », comme cette conférence a été appelée, a réuni des dirigeants d’Afrique, de Chine, d’Europe et des États-Unis pour discuter des modalités d’établissement d’un réseau d’officiers chargés de faire respecter la loi et la destruction totale des produits des animaux sauvages qui ont été saisis. « Nous adoptons une position résolue à l’égard du commerce illicite de la faune. Il est urgent de travailler de concert avec la communauté internationale pour assumer des responsabilités et répondre aux défis », avait fait savoir le Président chinois Xi Jinping par l’entremise du discours prononcé par l’ambassadeur de Chine au Kenya, Liu Xianfa.  

Le message de M. Xi montre la détermination du gouvernement chinois à collaborer avec le reste du monde en disant que le braconnage affecte tout le monde. Et d’ajouter : « Ces dernières années, en raison d’un braconnage et d’un trafic grandissant pour l’ivoire, le gouvernement chinois a pris et prend toujours une série de mesures juridiques pour lutter contre le trafic et le commerce illicite de l’ivoire. » Parmi ces mesures, on peut citer la coopération avec les autorités policières pour lutter contre les réseaux de contrebande, l’interdiction de l’importation de l’ivoire, le soutien accordé au Service de la vie sauvage au Kenya avec un don de 600 000 dollars et de nouvelles réglementations durcissant les sanctions.   

M. Bongo, dont le pays possède avec le Kenya, l’Ouganda, la République démocratique du Congo et le Botswana la plus grande population d’éléphants d’Afrique, a estimé que de nombreux éléphants étaient devenus comme des réfugiés et qu’ils se faisaient tuer parce qu’ils empiétaient sur l’habitat humain. Seul un effort concerté peut protéger ce géant inoffensif, a-t-il déclaré.   

  

Davantage d’efforts concertés  

Les délégués ont convenu que les communautés locales devaient être associées pour plus d’efficacité. « Sans la participation des communautés et en ne comptant que sur les forces policières, il est impossible de lutter contre le braconnage, confiait à CHINAFRIQUE Daniel Sopia, président de l’Association des conservatoires de la vie sauvage Maasai Mara au Kenya. Les communautés qui vivent aux côtés de la vie sauvage sont les yeux et les oreilles des initiatives de lutte contre le braconnage car elles savent mieux que quiconque qui se livre au braconnage. » Cette association est un réseau régional de conservatoires de la vie sauvage dont le territoire fait partie intégrante de l’écosystème d’ensemble Maasai Mara, qui abrite le quart de la vie sauvage au Kenya. D’après M. Sopia, le problème, c’est qu’une partie considérable de la vie sauvage au Kenya ne se situe pas dans des zones protégées. Cela signifie que la population locale doit être impliquée pour éviter les conflits entre humains et animaux, qui se terminent souvent par des tueries illicites.  

 

 

La destruction de l’ivoire fait débat  

Il est devenu courant au Kenya de brûler des stocks d’ivoire. La première fois, en 1989, le Président de l’époque, Daniel Moi, a mis le feu à 12 tonnes d’ivoire. En 1973, plus de 180 pays ont signé la Convention sur le commerce international des espèces menacées (CCIEM) à Paris, qui interdit le commerce de l’ivoire. Trois autres événements du même type ont eu lieu depuis. Le Président Mwai Kibaki en a brûlé 5 tonnes durant son mandat et le Président Kenyatta 15 tonnes en mars 2015. « Cela nous donne l’occasion d’envoyer un message très clair aux organisations criminelles transnationales qui sont derrière ce commerce illicite. Les beaux jours de la criminalité lucrative et sans risque à l’encontre de la vie sauvage sont terminés », résume John Scanlon, secrétaire général de la CCIEM, à Nairobi.  

De telles initiatives suscitent aussi des critiques. Pourquoi ne pas inonder le marché avec l’ivoire saisi, s’interroge X.N. Iraki, un économiste de l’Université de Nairobi. « Le fait de brûler l’ivoire va réduire l’offre et en toute probabilité augmenter le prix, contribuant à rendre le braconnage des éléphants encore plus lucratif », explique-t-il. C’est cependant impossible, car les éléphants sont sur la liste des espèces menacées de la CCIEM et tout ce qui provient d’un animal entrant dans cette catégorie est illicite.    

Richard Leakey, président du Service de la vie sauvage du Kenya, est en désaccord avec M. Iraki. « On dit qu’en brûlant cet ivoire, on encourage la flambée des prix et que le braconnage va empirer. C’est une idée qui relève de l’ignorance, lance-t-il à l’assistance composée de journalistes et de spécialistes dans une réunion à Nairobi. Nous brûlerons notre ivoire [et] nous souhaitons que tous les pays sur Terre soutiendront le Kenya et diront que plus jamais, nous ne ferons le commerce de l’ivoire. » 

  

(Reportage du Kenya) 

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