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Afrique
  2016-08-10
 

Sortir la tête de l'eau

par Messi Bala | VOL. 8 août 2016
Mots-clés: problème des inondations

Les habitants de Douala obligés de marcher dans les eaux pour aller travailler.

Depuis une dizaine d'années, Douala, capitale économique du Cameroun, en plein cœur du golfe de Guinée, est victime d'inondations et peine à gérer le phénomène. Depuis les dernières inondations de juin 2016, la Communauté urbaine de Douala (CUD) envisage de déplacer 2 500 familles des zones à risque pour sécuriser les drains. Les jours d'orage se suivent et se ressemblent à Douala. Les désagréments subséquents aussi. Après les sérieuses inondations de juin 2015, dont les énormes dégâts s'étaient aggravés de la disparition de trois enfants – heureusement retrouvés quelques jours plus tard –, la volonté était unanime : plus jamais ça ! Seulement voilà, un an plus tard les inondations sont de retour.

« Par rapport à l'année dernière, le niveau d'eau a encore augmenté », souligne Elessa Mouanguè, habitant du quartier de Bonapriso. Les débordements pluviaux du 22 et 23 juin derniers, il les a ressentis dans sa chair. En effet, lorsque l'averse commence le 22 juin aux environs de 23h, le jeune homme ne s'en inquiète pas outre mesure et s'endort bercé par la cadence des gouttes sur le toit familial. Sauf qu'aux alentours de 2h30 le 23, une odeur monte, qui annonce à tous que les eaux sont là, avec le contingent de détritus qu'elles déplacent sur leur passage. La maisonnée se réveille, on accroche le nécessaire pour le mettre hors de portée des inondations et tout le monde se rendort.

Nuit similaire pour Pauline Ada, mère de famille de Makepe-Missokè, dans la commune de Douala 5, qui envoie ses enfants dans le toit en pleine nuit, le cœur battant, se demandant jusqu'à quel niveau les eaux monteraient. « Je me disais que l'eau ne pourrait pas monter jusqu'à mon lit. » Mauvaise prévision, comme le confirme le témoignage d'Albert Etamè. À 4h30, l'employé de bureau est réveillé par une sensation d'humidité. Quand il ouvre les yeux, il se rend compte que ses draps sont mouillés. En essayant de s'asseoir sur son matelas, il s'enfonce dans un liquide sale et nauséabond. L'eau est bel et bien montée jusqu'à lui. À 6h30, les eaux se retirent, place au grand ménage. Le même jour, Albert Etamè déménage.

Dégâts

Sa colère, elle est surtout tournée vers les autorités, notamment la CUD : « L'année dernière, la CUD avait annoncé que l'argent était déjà disponible pour la construction et l'aménagement des drains et le curage des caniveaux. Que les travaux devaient commencer en septembre 2015. Mais rien n'a été fait. Nous voici un an après avec les mêmes problèmes. » Les mêmes problèmes, les habitants de Makepe-Missoke, au lieudit « Pont cassé » les ont aussi. Eux qui ont même vu débarquer la Marine nationale avec ses équipements, venue renforcer l'action des sapeurs-pompiers pour des opérations et participer à l'évacuation des sinistrés. Les autorités de la circonscription, menées par le sous-préfet Jean-Marie Tchakui, sont descendues sur le terrain et ont trempé les pieds dans l'eau pour mesurer l'ampleur des dégâts.

Les véhicules n'auront pas échappé à la malheureuse situation. Depuis le matin du 23 juin, la voiture de Charles Sitankeu est au garage. Habitant à Bonamoussadi, dans la commune de Douala 5, il s'est retrouvé bloqué en allant au travail, en cherchant une voie vers un quartier non inondé. Il n'en trouvera pas, bien au contraire ! « En essayant de passer par le collège Baho, j'avais mal évalué le niveau de l'eau. Mon moteur s'est noyé. » Charles Sitankeu s'en remettra. Ce n'est pas forcément le cas des parents ayant perdu leur petit garçon de 2 ans dans ces inondations à New Bell, dans la commune de Douala 2.

Causes

Les lieux inondés se sont multipliés à Douala, avec deux causes principales. Tout d'abord, la proximité avec les cours d'eau qui traversent certains quartiers : le Mbanya du côté d'Akwa-nord (commune de Douala 5) jusqu'à Bassa ; le Kondi à PK8 (commune de Douala 3) ; Bonabéri (commune de Douala 4) qui est bordé par le Wouri, entre autres. D'autre part, les caniveaux et drains sont bouchés par tout genre de déchets. La maire de Douala II, Denise Fampou a, par exemple, mis en lumière le fait que depuis des lustres les citoyens construisent dans des drains, et autres marécages, obstruant ainsi le passage des eaux de pluie. Elle rapporte que certains quartiers à l'intérieur des marais sont difficiles d'accès, sans couloirs entre les habitations, raison pour laquelle les inondations sont le plus souvent soudaines et destructrices. Il est désormais question d'attendre les mesures des pouvoirs publics, qu'on espère plus efficaces que celles de l'année dernière.

L'année dernière à Douala, dans la foulée des mesures prises contre ce fléau, un grand projet de drainage (évalué à près de 182 millions de dollars) avait été annoncé aux populations. Avec les dégâts de cette saison des pluies 2016, les habitants de Douala ont l'impression que le projet a du mal à se mettre en branle. Quelques informations de sources officielles indexent des lenteurs administratives. Le mot « urgence » trouve pourtant son plein sens pour décrire la situation des nombreuses victimes d'inondations, qu'il s'agisse de citoyens qui perdent leurs biens ou de ceux dont la montée des eaux nuit aux activités. Combien de temps doivent-elles encore patienter ? Combien de fois faudra-t-il encore mettre à contribution les sapeurs-pompiers ou la Marine dans des opérations de sauvetage ?

« Il est clair qu'en attendant d'exécuter le projet de drainage, des solutions ponctuelles doivent être trouvées et implémentées », suggère Marius Kounkeu, acteur de la société civile. Des actions auxquelles il conviendrait d'associer plus que jamais les populations. Il est quand même navrant de constater que quelques mois après le curage d'un drain, celui-ci est à nouveau encombré de bouteilles en plastique qui bloqueront le passage de l'eau.

Déplacer les familles

Les travaux d'aménagement des canaux de drainage pluvial de Douala ont donc commencé. Le délégué du gouvernement auprès de la CUD (l'équivalent du maire), Fritz Ntonè Ntonè, et les grands conseillers se sont rendus sur le terrain lundi 27 juin. Cela leur a permis de constater ce qui sera concrètement fait pour réduire le fléau des inondations. Deux lots (zones à drainer) ont déjà été attribués à deux sociétés de travaux publics. Le premier lot, étalé sur 24 km, concerne cinq drains : le Ngoua, New Bell sud, New Bell nord, le Mboppi et Leclerc. Le deuxième lot à traiter, sur 24 km également, compte aussi cinq drains : Pont noir, Bonassama, Mbanya, Tongo à Bassa et le Kondi. En tout donc, 50 km linéaires de drains. 40 km seront calibrés et bétonnés, à l'exemple du drain de la Besseke, tandis que les autres 10 km serviront d'exutoire ou encore de petits tronçons, pour le déversement des eaux dans les grands courants comme le Wouri.

Selon le délégué du gouvernement, « des dispositions sont prises pour réduire le risque d'inondations surtout dans les zones qui n'étaient pas accessibles. Bien plus, il faut améliorer les conditions de vie des populations riveraines ». D'autres aménagements sont aussi au programme du grand projet de drainage, notamment la construction des ouvrages de traversée, les garde-fous pour la sécurité, et l'installation d'un dégrilleur (ouvrage qui récupère tous les détritus et facilite la circulation des eaux). Le délégué est aussi revenu sur l'aspect social qui semblait jusque-là être un frein au démarrage desdits travaux. Le premier plan impliquait en effet le déplacement de plus de 2 500 familles. L'impact social était donc très important. Il a fallu que les services compétents de la CUD redimensionnent l'opération, sans compromettre la qualité du projet, tout en préservant le côté social. Le réajustement du projet a pris environ six mois. Pour le moment, la CUD attend encore les textes réglementaires liés à cet aspect social. Cependant, ce n'est pas une entrave au démarrage des travaux, a promis l'édile de Douala.

 

Exclusif CHINAFRIQUE

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