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Afrique
  2016-10-14
 

Un don divin

par Sudeshna Sarkar | VOL.8 octobre 2016
Mots-clés: kits de dépistage
Eddy Agbo et Victoria Enwemadu de Fyodor Biotechnologies montrent fièrement le test de dépistage du paludisme.
Eddy Agbo (deuxième à gauche) reçoit le prix de l’innovation pour l’Afrique 2016, à Gaborone.
 

Eddy Agbo a grandi à Mbu, un petit village dans le sud-est du Nigéria, dans les années 1960, avec le paludisme pour compagnon. « J'ai vécu avec le paludisme une grande partie de ma vie, explique cet homme de 49 ans qui a récemment reçu le Prix de l'innovation pour l'impact social, assis dans son bureau à Baltimore aux États-Unis. Le fournisseur de médicaments dans mon village, comme dans chaque village typique du Nigéria, était le pharmacien du village, et toute fièvre était d'abord traitée comme étant du paludisme. On vous donnait de la chloroquine ou de la quinine, et si la fièvre ne disparaissait pas dans la semaine, on vous traitait alors pour un autre type de fièvre, la typhoïde.

Dans les années 1980, d'après une étude financée par la Fondation Bill et Melinda Gates, on estimait à 995 000 le nombre de décès causés par le paludisme dans le monde. L'Afrique en comptait la moitié, soit 493 000. En 2004, année durant laquelle le paludisme aurait fait le plus de victimes, on a même dénombré 1,6 million de morts en Afrique subsaharienne, pour un total de 1,8 million dans le monde.

La tragédie pour moteur

S'il a survécu, Agbo a vu des enfants de son âge mourir autour de lui et ces images sont restées dans son esprit. Trois décennies plus tard, en voyant que les choses n'avaient presque pas changé, il a ressenti le besoin d'apporter le changement, d'autant plus qu'il avait acquis les connaissances nécessaires. À cette époque, sa vie avait déjà connu de nombreuses transformations. Ce petit villageois avait obtenu un diplôme de médecine vétérinaire de l'Université d'Ibadan, au Nigéria, et travaillait pour le gouvernement fédéral du Nigéria. Il avait ensuite été envoyé aux Pays-Bas suivre un programme de formation d'un an et s'était plongé dans la biotechnologie, qui connaissait un grand succès. Il souhaitait étudier cette nouvelle science qui semblait avoir un fort potentiel et a obtenu une bourse qui lui a permis de passer une thèse en génétique moléculaire de l'Université d'Utrecht, aux Pays-Bas.

Avec ce diplôme, il a trouvé un emploi à l'Université Johns Hopkins dans le Maryland, aux États-Unis, et après un séjour dans cet établissement, et l'acquisition du statut de résident permanent américain, il a décidé de créer sa société, Fyodor Biotechnologies. « Fyodor signifie don divin en Russe, explique-t-il. Je vois cela comme une opportunité de laisser quelque chose sur la planète qui apportera un changement positif. » Quand il a créé cette société dans le Maryland, beaucoup pensait que c'était une folie. « En 2008, l'économie mondiale touchait le fond et il a été difficile de s'établir. Nous avons cependant vu une opportunité. » Cette opportunité a été l'Afrique, où le paludisme sévissait toujours. Son projet était de développer un test de dépistage simple, comme un test de grossesse, qui permettrait aux gens de savoir rapidement et facilement s'ils ont le paludisme. « Nous nous sommes servis du modèle d'exploitation Nigéria-États-Unis avec des entités dans les deux pays car nous pouvions utiliser la logistique aux États-Unis pour trouver un produit qui puisse être commercialisé en Afrique », dit-il. Des subventions du gouvernement fédéral américain et du gouvernement du Maryland, ainsi que des financements d'investisseurs privés, ont permis de lever des fonds pour créer Fyodor, recruter son équipe et financer la recherche et les expériences pendant sept ans. Finalement, le Test de dépistage urinaire du paludisme (UMT en anglais) a vu le jour en 2015.

Un kit de dépistage dans un gobelet

L'UMT propose un gobelet et une bandelette réactive. Le résultat apparaît au bout de 25 minutes. Si la bandelette affiche deux lignes rouges, cela signifie que l'usager est positif. Comment cela fonctionne-t-il ? Agbo l'explique simplement. « Quand quelqu'un a la fièvre, il a tendance à évacuer beaucoup de protéines dans les urine. La fièvre est un symptôme du paludisme. Si la fièvre est causée par un parasite porteur de paludisme, le corps évacue aussi beaucoup de protéines par voie urinaire. La bandelette attrape ces protéines, et deux lignes s'affichent le long de la bandelette si la personne est positive au paludisme. S'il n'y a pas de fièvre, il n'y a généralement pas de protéines dans notre urine. » Pourquoi cette invention est significative ? D'abord, on peut cesser les traitements aléatoires contre le paludisme sans un dépistage qui viendrait confirmer le diagnostic, d'après Agbo. L'administration prolongée de quinine et de chloroquine provoque des effets secondaires et certains pays les ont interdits. L'Organisation mondiale de la santé recommande l'arrêt de leur utilisation. Ces deux substances ont été interdites par le gouvernement du Nigéria.

Ensuite, Agbo estime que l'UMT est plus simple. Beaucoup d'entreprises produisent des tests de dépistage. Tous ces tests étaient sanguins. « Ce n'était pas simple et c'était risqué, note-t-il. Il fallait que quelqu'un fasse une prise de sang et une analyse. C'est pourquoi de nombreux gouvernements, notamment en Afrique, n'autorisent pas les installations non médicales à utiliser de tels tests. L'UMT donne cependant une nouvelle dimension. Au Nigéria, il est commercialisé par Geneith Pharmaceutical, un partenaire de Fyodor, et est disponible dans les pharmacies et les cliniques et peut même être acheté en ligne. »

Le pack familial avec cinq tests de dépistage coûte 12 dollars. Il a été lancé au Nigéria en novembre dernier après des essais cliniques dans le pays sous le contrôle du professeur Wellington Oyibo, de l'École de médecine de l'Université de Lagos. Plus de 2 000 volontaires ont participé aux essais aux côtés de cliniciens et de scientifiques de l'Université John Hopkins et de l'Université Duke aux États-Unis ainsi que d'experts du ministère fédéral de la Santé au Nigéria. Par la suite, le comité ministériel établi par le ministère fédéral de la Santé a recommandé l'usage de l'UMT dans le pays. Le premier lot d'UMT a été expédié au Nigéria en février. Quatre mois plus tard, Agbo recevait le Prix de l'innovation pour l'Afrique de la Fondation de l'innovation pour l'Afrique basée en Suisse. Sur les 985 dossiers, l'UMT a obtenu le Prix spécial pour l'impact social. Agbo est enthousiaste. « C'était un grand moment pour nous, dit-il. Nous nous sentons reconnus par la communauté globale. C'était la confirmation de l'importation de la technologie de l'UMT et du travail que Fyodor avait fait par leur commercialisation. »

C'est selon lui un moment important dans le diagnostic du paludisme. « La première fois, c'était en 1880, quand un Français [le chirurgien militaire Charles Laveran] avait le premier identifié le parasite du paludisme en examinant le sang d'un patient sous le microscope [et il avait reçu le Prix Nobel pour sa découverte en 1907]. La seconde fois, près d'un siècle plus tard, en 1976, quand la société américaine Becton Dickinson avait été la première à introduire un test de dépistage sanguin rapide pour le paludisme. Le troisième jalon aura été l'UMT en 2015. »

Au service du Nigéria depuis l'étranger

Si l'Afrique compte tant pour lui, pourquoi a-t-il pris la nationalité américaine en 2013 ? « Je suis Nigérian de naissance et je reste d'abord un Nigérian, répond-il. Je passe 50 % de mon temps aux États-Unis et le reste au Nigéria. La double nationalité me permet d'en faire plus pour le Nigéria, les États-Unis et le monde. Les États-Unis ont grandement soutenu le travail et la double nationalité me permet de relier les deux régions. »

L'UMT a généré l'intérêt des fabricants d'équipements médicaux en Afrique, en Amérique du Sud, en Inde et en Chine. « Beaucoup de sociétés chinoises font des médicaments contre le paludisme avec des thérapies combinées basées sur l'artémisinine. Ce seront de bons partenaires pour nous car le test de dépistage pourrait accompagner le médicament. » Même si la Chine n'est pas un pays touché par les épidémies de paludisme, l'UMT peut être utilisé par un grand nombre de Chinois qui voyagent dans les pays touchés par le paludisme pour le travail, les affaires ou le tourisme, ajoute-t-il. Il prépare un test de dépistage similaire pour les autres fièvres comme la dengue et la typhoïde.

 

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