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Afrique
  2017-03-14
 

Le fléau du mariage d'enfants

par Edwin Nyirongo et Nuru Ali | VOL.9
Mots-clés: mariage d'enfants

L’actrice nigeriane Omotola Jalade Ekeinde se joint à #MyLifeAt15, une campagne mondiale pour enjoindre les gouvernements à mettre fin au mariage des enfants d’ici à 2030.

 

Theresa Kachindamoto avait pris ses fonctions d'inkosi, cheffe suprême du district de Dedza dans le centre du Malawi, depuis à peine un an quand elle a croisé une jeune fille de 13 ans qui portait un enfant dans ses bras. « Je lui ai demandé de donner l'enfant à sa mère pour qu'elle l'allaite mais elle m'a alors dit que c'était son bébé, raconte-t-elle. J'en ai immédiatement informé les dirigeants locaux, qui m'ont dit que c'était la norme dans la région. Je me suis promis de mettre fin à cette pratique quand j'ai vu que cela ruinait l'avenir des enfants. »

Un engagement respecté

Mme Kachindamoto a tenu promesse, malgré la résistance des traditionnalistes qui voulaient savoir pourquoi le district avait choisi une femme pour cheffe, « quelqu'un qui voulait détruire leur culture », mais aussi devant les menaces de mort. Depuis qu'elle a pris ses fonctions en 2003, elle a mis fin à 2 000 mariages d'enfants et scolarisé les filles. « En tant que cheffe, je suis censée être le gardien de la culture, explique-t-elle. Mais toute pratique culturelle qui entrave le développement des gens dans ma région n'est pas acceptable. »

Elle réfute l'idée selon laquelle la pauvreté est à l'origine du mariage d'enfants. Une fois qu'une enfant est offerte en mariage, les parents ne portent plus le « fardeau » de sa responsabilité. « Je leur dit qu'éduquer une jeune fille est le meilleur moyen de mettre fin à la pauvreté, pas de les offrir en mariage. »

Deux de ces enfants ont ainsi été récupérées et sont retournées à l'école grâce à ses efforts. Il s'agit de Maria Leonard, 17 ans, avec un enfant de 5 ans, et Elube Masina, 15 ans. « Je suis tombée enceinte et mes parents m'ont dit de partir avec l'homme qui m'avait engrossée », précise cette dernière. Elle a un enfant de deux ans. Elle est tombée enceinte et s'est mariée à 13 ans. Elle souhaitait poursuivre sa scolarité, sans succès. Les deux jeunes filles sont maintenant scolarisées et rêvent de faire de la médecine.

Le Malawi affiche l'un des taux de mariage d'enfants les plus élevés au monde, une fille sur deux se mariant avant l'âge de 18 ans, d'après un rapport du Centre international de recherche sur les femmes. Après une campagne de mobilisation sociale, la loi sur le mariage, le divorce et les relations familiales a été votée en février 2015, relevant l'âge minimum du mariage à 18 ans.

Une disposition constitutionnelle prévoit toutefois que les jeunes âgés de 15 à 18 peuvent se marier avec le consentement des parents, ce qui rend la lutte contre le mariage d'enfants difficile. Le ministre de l'Égalité des sexes, des Enfants, du Handicap et de l'Action sociale du Malawi Jean Kalilani a fait savoir que le gouvernement est en train d'amender cette disposition. « Le gouvernement considère que le mariage d'enfants relève de la protection de l'enfance », a-t-il souligné.

 

Une adolescente mariée de 17 ans avec son enfant.

 

Des traditions bien ancrées

Les mariages d'enfants restent ancrés dans la société africaine malgré les efforts déployés par les autorités, les ONG et la société pour éradiquer cette tradition et garantir l'éducation des filles. « Le défi le plus important, c'est de savoir que malgré les progrès considérables réalisés par certains pays d'Afrique, le nombre de filles qui se marient à un jeune âge devrait encore doubler d'ici 2050 en raison de la croissance de la population », affirme Francoise Moudouthe, responsable de la division Afrique de Girls Not Brides (GNB), un groupe de pression international pour préconise la promulgation de lois ainsi que des programmes pour mettre un terme au mariage d'enfants dans le monde. « Si cela se produit, l'Afrique sera en tête pour le plus grand nombre d'enfants mariées dans le monde. » D'après GNB, plus de 700 millions de femmes ont été mariées alors qu'elles étaient des enfants et 18 % d'entre elles, soit 125 millions, vivent en Afrique. Tous les pays africains sont confrontés à ce défi, avec un taux de prévalence élevé comme au Niger (76 %) ou bas comme en Algérie (3 %). Les pays qui affichent les taux les plus élevés sont le Niger, puis la République Centrafricaine et le Tchad (68 % tous les deux), d'après l'UNICEF.

Mme Moudouthe souligne que le problème concerne toute l'Afrique. « Le continent africain abrite 15 pays sur 20 dans le monde qui affichent les taux de mariages d'enfants les plus élevés au monde. Même si la prévalence des mariages d'enfants varie selon les pays, les facteurs sont souvent similaires : inégalité des sexes, insécurité, pauvreté, manque d'éducation et normes sociales traditionnelles. »

La pauvreté reste une cause majeure du mariage d'enfants dans le monde. « Les filles qui vivent dans un foyer rural pauvre en Afrique sont deux fois plus susceptibles d'être mariées avant l'âge de 18 ans par rapport à celles qui viennent d'un foyer plus riche », remarque Mme Moudouthe. Les jeunes filles subissent aussi les conséquences des conflits humanitaires et des guerres, ou du changement climatique. « Par exemple, les conflits peuvent forcer les parents à marier leurs filles, croyant qu'elles seront plus en sécurité une fois mariées », indique-t-elle. Mais c'est souvent l'inverse qui se produit. « Ce que les familles ne réalisent pas, c'est que les jeunes filles qui sont mariées sont souvent victimes des mauvais traitements de la part de leur mari. »

De nouvelles approches

« Je m'appelle Grace Masanja et ceci est mon histoire… » C'est ainsi qu'une jeune fille de 14 ans originaire de Tanzanie raconte comment elle a été vendue par son père pour 12 vaches à l'âge de 12 ans et comment son « mari » l'a battue et violée pendant deux ans. « Nous sommes les vaches à lait qui permettent de réduire la pauvreté de nos familles », dit-elle.

Elle se trouve être un personnage du roman graphique « Vache à lait » de l'artiste ougandais Christian Mugarura et de l'écrivain américain Marc Ellison. Il s'agit d'un récit basé sur des événements réels en Tanzanie, où la tribu des Sukuma qui vit dans le nord du pays respecte encore la tradition consistant à enlever une fille dans les rues pour la « marier » de force en payant une dot à la famille pour obtenir son consentement. La Tanzanie affiche un taux élevé de mariages d'enfants, soit près de 2 filles sur 5 mariées avant l'âge de 18 ans. La loi sur le mariage précise qu'une fille peut se marier à 14 ans avec le consentement parental. L'âge étant de 18 ans pour les garçons, soit une discrimination supplémentaire à l'encontre des filles.

Les activistes adoptent de nouvelles approches, comme des romans graphiques comme « Vache à lait », qui soulignent les difficultés des jeunes filles forcées à se marier, et les conséquences sociales de telles pratiques, afin de faire passer le message dans tous les pans de la société.

 

Des élèves dans une école de Lusaka, en Zambie.

 

Vurugu Mapper a adopté une autre approche novatrice. Bella Matiangi, 17 ans, vit à Kilifi, un comté qui possède un triste record, dans la province de la Côte au Kenya. Il affiche le taux le plus élevé de mariages d'enfants et de grossesses chez les adolescentes du pays. Plus de 200 cas ont été enregistrés en 2014 et plus de 100 autres au premier semestre 2015.

En 2014, Mlle Matiangi, alors âgée de 14 ans, est tombée enceinte, engrossée par un homme plus âgé, et a dû quitter l'école de peur d'être la risée des autres élèves. Sa mère a porté plainte auprès de l'établissement, évoquant la maltraitance, et sans la technologie, ce dossier n'aurait pas pu parvenir au tribunal. En collaboration avec le directeur des Services de l'enfance du comté de Kilifi, Plan International Kenya, une ONG internationale travaillant avec le secteur éducatif, a lancé une application mobile VuruguMapper. Via cette application, une plainte est parvenue aux responsables des services de l'enfance du district, de la police et de l'hôpital, qui ont localisé et parlé à la victime, puis entamé une procédure officielle à l'encontre de l'agresseur. Par le passé, l'homme aurait versé une « compensation » à la famille de la victime et le dossier aurait été refermé. Avec VuruguMapper, plus de 200 cas ont été enregistrés à Kilifi.

Les résultats en 2016

Mme Moudouthe indique que des résultats mondiaux, régionaux et nationaux ont été enregistrés en 2016 pour prévenir les mariages d'enfants. « Dans le monde, nous avons remarqué les initiatives pour mettre un terme aux mariages d'enfants ont considérablement augmenté. GNB a grossi et est devenu un partenariat composé de plus de 650 organisations dans plus de 85 pays. Cela signifie qu'il y a davantage d'organisations impliquées et qui travaillent pour traiter des mariages d'enfants et permettre aux filles de réaliser leur potentiel », explique-t-elle.

Sur le plan régional, l'Union africaine a lancé une campagne pour éradiquer le mariage d'enfants. En 2016, elle a touché 8 pays, à savoir le Ghana, l'Érythrée, la Gambie, le Sénégal, la Sierra Leone, le Cameroun, le Nigéria et le Libéria. À cette date, la campagne a été menée dans 18 pays. Par ailleurs, la Communauté de développement de l'Afrique australe a adopté la première loi type sur le mariage d'enfants dans la région pour répondre aux incohérences et aux lacunes dans les réglementations nationales qui autorisent le mariage d'enfants. « Cette initiative va exiger des pays membres qu'ils harmonisent leurs lois nationales pour empêcher le mariage d'enfants », indique Mme Moudouthe.

Sur le plan national, ajoute-t-elle, la Zambie, le Mozambique et le Tchad se sont fortement engagés à mettre fin au mariage d'enfants en développant des stratégies nationales. De plus, l'activisme de base s'est renforcé, entraînant des modifications de l'âge légal du mariage.

« Par exemple, en janvier 2016, deux jeunes filles qui avaient été mariées, originaires du Zimbabwe, ont obtenu gain de cause devant la Cour suprême pour rendre le mariage d'enfants illégal et inconstitutionnel, souligne Mme Moudouthe. En Tanzanie, une pétition sous l'égide de l'initiative Mischana, une organisation sociale, a conduit la Haute cour de Tanzanie à relever l'âge minimum de mariage à 18 ans. »

Quelle sera la stratégie pour 2017 ?

« S'assurer que les engagements nationaux et régionaux se concrétisent, affirme-t-elle. Cela signifie soutenir nos adhérents à permettre la mise en place de stratégies nationales visant à mettre fin aux mariages d'enfants dans les pays où ces stratégies ont été mises en place, demander des stratégies entièrement dotées et financées là où elles n'existent pas, et travailler avec les adhérents et les donneurs pour garantir que des solutions concrètes s'intensifient. »

Les efforts des organisations sociales continueront d'être cruciaux car « elles sont les seules qui travaillent sur le terrain avec des jeunes filles qui sont confrontées aux conséquences dévastatrices du mariage d'enfants ».

 

Exclusif CHINAFRIQUE

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