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Afrique
  2017-04-20
 

Des remèdes locaux

par Sudeshna Sarkar et Kamailoudini Tagba
Mots-clés: médecine traditionnelle africaine

Olajuwon Okubena (g.), fondateur et directeur général de Health Forever, dans un champ d’herbes médicinales de la société à Lagos, au Nigéria.

 

Pour S.O. Soyoye, 2016 est une année qui a connu deux événements majeurs : son fils s'est marié, quittant ainsi « le cercle des célibataires » ; et deux promotions d'étudiants ont été diplômés de la Faculté africaine de médecine traditionnelle, l'organisation qu'il a fondée dans l'État d'Ogun au Nigéria il y a deux ans.

À 68 ans, Soyoye est également le président de l'Association des guérisseurs traditionnels de l'État d'Ogun. Il a lancé deux cursus de trois et six mois pour enseigner aux étudiants la phytothérapie, le diagnostic et le traitement traditionnels des maladies générales et héréditaires, ainsi que les méthodes de préparation des traitements traditionnels. Soyoye a appris la médecine traditionnelle (MT) par ses parents et affiné ensuite ses connaissances en suivant les cours de MT de la Faculté nationale de médecine naturelle et en participant à des ateliers et des séminaires dans d'autres pays d'Afrique de l'Ouest. Il souligne les nombreuses raisons pour lesquelles les Africains continueront à utiliser des remèdes locaux, malgré l'avènement de la médecine occidentale.

Les avantages

« La médecine traditionnelle traite les maladies de façon permanente et n'a pas d'effets secondaires », explique Soyoye, qui insiste sur la nature holistique de ce système. « Elle permet également de contrôler des pathologies [de façon non-intrusive] là où les médecins [occidentaux] seraient prompts à utiliser la chirurgie, comme lorsqu'un bébé se présente par le siège ou pour arrêter les saignements après l'accouchement. »

D'après l'Organisation mondiale de la santé (OMS), les tarifs accessibles de la médecine traditionnelle, ainsi que la faiblesse du système de distribution des médicaments occidentaux, constituent un autre facteur important en faveur de la MT. « La plupart des médicaments en Afrique sont importés, ce qui augmente de manière significative les coûts liés à la santé et laisse les personnes vulnérables face à une interruption de l'approvisionnement en médicaments », indique-t-elle dans un rapport.

La MT continue de bénéficier d'une implantation culturelle très forte. Une étude sur la médecine traditionnelle en Tanzanie publiée en 2015, intitulée Facteurs déterminants de l'usage de la médecine traditionnelle en Tanzanie du Nord : étude par approches combinées, indique que la crédibilité des pratiques traditionnelles et la force des identités culturelles figurent parmi les cinq raisons principales pour l'usage de la MT, même parmi les familles aisées ou chez les professionnels. Les Wazees, c'est-à-dire les anciens, et les membres de la famille sont une source majeure de connaissances en matière de santé. L'étude mentionne ainsi une femme de 44 ans, qui déclare : « Ma famille et moi préférons ne pas aller à l'hôpital. Mes grands-parents nous ont enseigné beaucoup en ce qui concerne la guérison et les remèdes [par les plantes]... mon père continue de ne pas vouloir utiliser de médicaments des hôpitaux. »

Selon l'étude, « beaucoup évoquent le «caractère étranger» distinct associé aux médicaments de biomédecine ». Les médecins confirment ce sentiment : « Le concept de prendre une pilule de façon journalière est perçue comme une chose typiquement occidentale », indique l'un d'eux.

De telles perceptions ont été renforcées par les efforts de certains pays, au temps des gouvernements coloniaux, pour bannir la MT. Par exemple, dans les années 1960, les facultés de médecine non-allopathique furent fermées en Afrique du Sud. Les médias occidentaux et Hollywood ont également joué un grand rôle dans la diabolisation de la médecine traditionnelle africaine (MTA), créant des fables sur les sorciers, le vaudou et la magie noire, et raillant l'aspect « irrationnel » de ce système.

Pour Soyoye, seuls les praticiens qui ne savent pas ce qu'ils font attribuent leur travail à la sorcellerie. « Moi, je n'y crois pas, explique-t-il. Nous avons besoin d'une médecine traditionnelle efficace à cause de son faible coût et de l'absence d'effets secondaires. » La Faculté africaine de médecine traditionnelle enseigne également à ses étudiants la différence entre la pratique de la MT et l'occultisme.

Un trésor inexploité

En 2001, le sommet de l'Union africaine (UA) à Lusaka en Zambie a déclaré que la période 2001-2010 serait la « décennie de la médecine traditionnelle africaine », définissant un plan d'action pour ses politiques et son financement. Deux années plus tard, le 31 août est devenu la journée annuelle de la MTA. En 2011, la Conférence des ministres de la Santé de l'UA à Windhoek en Namibie a permis de discuter du compte-rendu de fin de décennie sur la MTA, ouvrant la décennie suivante de 2011 à 2020.

D'après Olajuwon Okubena, le co-fondateur de l'Institut de recherche de médecine traditionnelle et alternative (une ONG basée à Lagos), la MT reste malgré tout un secteur informel en Afrique, notamment au Nigéria, qui est pourtant l'une des plus grandes économies africaines, abritant des ressources importantes en herbes médicinales. « Le Nigéria ne gagne rien sur les quelque 60 milliards de dollars du marché mondial des herbes médicinales. Il n'y a aucune volonté politique pour établir et institutionnaliser la MT dans le système national de santé », explique cet homme de 74 ans, dont l'entreprise Health Forever exporte des produits naturels de santé vers les États-Unis, l'Europe et les autres pays africains.

« S'ils sont correctement gérés, les bénéfices générés par la MT pourraient rivaliser avec ceux du pétrole, comme le montre les revenus extrêmement importants générés par la médecine traditionnelle chinoise, ajoute Okubena. La plupart des pays ont développé leur propre système de MT à des niveaux enviables. Certains pays exportent même leurs connaissances en médecine traditionnelle vers d'autres pays, gagnant ainsi des devises étrangères indispensables. » Selon lui, la MTA pourrait, tout en contribuant à la richesse de l'Afrique par les revenus des exportations, permettre de réduire « les dépenses inutiles pour l'importation de médicaments allopathiques ». Elle permettrait également de générer un « très grand nombre d'emplois », ce qui contribuerait à la stabilité sociale.

En décembre 2016, le 8 Congrès scientifique des praticiens de médecine conventionnelle et traditionnelle s'est déroulé à Lomé au Togo, pour identifier les principaux défis auxquels la MTA continue de faire face. En dehors d'un manque d'uniformité dans les politiques gouvernementales à l'échelle du continent, le manque d'éducation et de formation constitue un autre obstacle majeur.

MTA et MTC

Koukouvi Guy Albert Apelete, président de l'Association togolaise des praticiens de médecine traditionnelle, a appris la MTA par son grand-père et la pratique depuis 1945. Occasionnellement, Il utilise également la médecine traditionnelle chinoise (MTC) – de plus en plus répandue en Afrique – après l'avoir trouvée efficace et similaire à la MTA.

Depuis mars 2012, à la suite du 1 Forum sino-africain sur le développement et la coopération internationale de la médecine chinoise à Cape Town en Afrique du Sud, la collaboration s'est accentuée entre les praticiens de MTA et ceux de MTC, pour laquelle de plus en plus d'Africains reçoivent une formation en Chine.

« La collaboration entre les praticiens de MTC et ceux de MTA est possible et profitera aux deux parties, estime Apelet. Les deux sont complémentaires. »

Par nos correspondants au Nigéria, au Togo et à Beijing.

Pour vos commentaires : sarkarbjreview@outlook.com

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