Certains auraient exulté, mais Lu Fangfang a l’air inquiète lorsqu’elle reçoit la lettre de l’établissement pour lequel elle a postulé, lui annonçant qu’elle a été acceptée. Après avoir fini le lycée l’été dernier, elle a choisi ce lycée professionnel, plutôt qu’une université normale, car les frais de scolarité étaient moins élevés. Elle a fait ce choix en considérant la difficile situation financière dans laquelle se trouve sa famille. Sa famille habite dans la province du Guizhou, dans le sud-ouest de la Chine. Sa situation financière commence à se dégrader lorsque son père n’est plus capable de travailler à la suite d’un accident. Sa mère ayant déjà des difficultés à payer l’éducation de ses deux frères et sœurs, Lu Fangfang ne savait pas où trouver l’argent  nécessaire. 

C’est donc avec enthousiasme qu'elle découvre le programme d’assistance financière lancé par le gouvernement local pour les étudiants les moins aisés : « J’ai posé ma candidature. Si elle est acceptée, l’allocation que je recevrai allègera grandement la charge financière, qui incombe à mes parents. » Il s’agit là d’un exemple précis des moyens mis en place par un gouvernement local pour réduire la pauvreté par l’éducation. Une meilleure éducation constitue un moyen d’obtenir une vie meilleure. 

Depuis 2015, la Chine a mis en place un éventail complet de mesures ciblées, visant à réduire et à éliminer la pauvreté par l’éducation. Celles-ci vont de l’école maternelle – en la rendant plus accessible – à l’éducation obligatoire et l’enseignement supérieur et professionnel. La Chine a déjà réalisé des progrès remarquables dans la lutte contre la pauvreté, en sortant plus de 600 millions de personnes de la pauvreté au cours des 30 dernières années, soit 70 % de l’ensemble des personnes sorties de la pauvreté dans le monde. L’objectif est aujourd’hui d’en sortir 70 millions supplémentaires d’ici 2020. 

« Les mesures et les actions pour réduire et éliminer la pauvreté doivent être précises. Les politiques doivent être prises en fonction [du besoin] des foyers et des individus », a déclaré en février le Président chinois, Xi Jinping, lors d’une visite dans la province du Jiangxi. L’amélioration de l’éducation dans les régions les plus pauvres fait partie des objectifs de la campagne gouvernementale de lutte contre la pauvreté. La lutte contre la pauvreté constitue l’une des tâches majeures du XIIIe Plan quinquennal 2016-2020.  

Une approche méticuleuse 

Dans le cadre de ce XIIIe Plan quinquennal, le Guizhou utilise les technologies de modélisation et de mégadonnées pour collecter des informations précises sur le nombre de personnes en situation de pauvreté dans la province. Une base de données sur la réduction de la pauvreté au niveau provincial a été mise en place depuis 2014, selon Ye Tao, directeur du Bureau du Guizhou pour la réduction de la pauvreté. Elle intègre des informations récentes sur les résidents vivant au-dessous du seuil national de pauvreté, qui correspond à un revenu de 2 300 yuans (360 dollars) par an. Les données couvrent l’habitation, les raisons du faible revenu, les allocations reçues et la couverture éventuelle par un projet de réduction de la pauvreté. 

S’il faut se concentrer sur les groupes les moins aisés, il est également important de fournir une aide financière ciblée et individuelle. Depuis l’automne 2015, le Guizhou a lancé une campagne d’aide financière aux étudiants les moins aisés dans les lycées, les lycées professionnels et les universités, pouvant aller jusqu’à 1 000 yuans (154 dollars) par an. « Les étudiants les moins aisés du Guizhou peuvent recevoir un soutien financier sur-mesure de l’école primaire jusqu’à l’université. Et le processus est entièrement électronique », explique Ye Tao. 

Briser le cercle vicieux 

Selon Xiang Deping, directeur de l’Académie de développement et de réduction de la pauvreté de l’Université de Wuhan, il est important, pour un développement durable de l’éducation, d’adapter les mesures à chaque zone et à chaque situation. La province du Gansu dans le nord-ouest de la Chine, par exemple, fait partie des provinces les moins avantagées au niveau économique et le manque de jardins d’enfants avec des structures modernes était un frein majeur pour pouvoir fournir une éducation maternelle de qualité.  

Si l’égalité dans l’accès à l’éducation fait défaut, la pauvreté peut se transmettre de génération en génération. Les enfants dans les régions appauvries ont besoin de plus d’opportunités pour briser le cercle de la pauvreté dès la maternelle. C’est la raison pour laquelle, l’accélération de l’accès universel à la maternelle est une tâche importante dans la réduction de la pauvreté dans le Gansu. En septembre 2015, un nouveau jardin d’enfants a été ouvert à Shidong, un village dans le comté de Gaolan. Le comté a investi 5,4 millions de yuans (830 000 dollars), afin que celui-ci puisse disposer des mêmes structures, que ceux dans les zones urbaines, et 120 enfants ont ainsi pu être accueillis. 

« Plus de 85 % des enfants sont des enfants délaissés », explique Wei Aixia, directrice du jardin d’enfants, se référant au phénomène social des travailleurs migrants laissant leurs enfants à leurs grands-parents ou à d’autres proches, pour aller chercher du travail dans d’autres villes. « Les grands-parents prennent soin d’eux à la maison, mais du fait de leur âge avancé, ils ne peuvent pas toujours les éduquer correctement. » 

Avant l’ouverture de ce jardin d’enfants, les enfants de cette région ne recevaient aucune éducation à la maison. Désormais, Xu Haihua est heureuse que ses enfants puissent aller au jardin d’enfants : « Ma fille parlait rarement le mandarin auparavant, mais depuis qu’elle va dans cette classe, je l’ai vue changer. Désormais, elle parle le mandarin couramment, chante des chansons folkloriques et raconte des histoires. » 

Les efforts du Gansu pour soutenir l’éducation dans les jardins d’enfants font partie des objectifs nationaux pour stimuler le développement de l’éducation préscolaire afin de lutter contre la pauvreté. Selon Wang Jiayi, directeur du Bureau de l’éducation du Gansu, la province a un plan d’action ciblé sur cinq ans pour lutter contre la pauvreté. En 2015, 73 % des enfants vivant dans les zones rurales de la province étaient inscrits dans les jardins d’enfants. 

L’aide de la société civile 

La société civile joue un rôle important, pour compléter les efforts du gouvernement dans la lutte contre la pauvreté. En 2011, le journaliste Deng Fei a lancé le programme « Déjeuner gratuit ». Cette initiative, visant à offrir de la nourriture aux étudiants dans les régions reculées et touchées par la pauvreté, est aujourd’hui devenue un programme caritatif civil influent et réputé. En juillet 2015, il a levé 149 millions de yuans (23 millions de dollars) et a fourni des repas à 454 écoles.  

À l’heure d’internet mobile, les programmes et les associations se mettent à utiliser les réseaux  sociaux  – comme WeChat – pour lever des fonds et les microblogs pour des actions caritatives. Selon Deng Fei, le programme « Déjeuner gratuit » bénéficie du pouvoir d’internet : « Une plate-forme internet ouverte et transparente peut être utilisée comme un moyen innovant de lever des fonds et encourage une plus grande participation dans le service public. ». 

« Les associations jouent un rôle important pour alléger la pression sur le gouvernement et pour introduire un mode de gestion avancé. C’est ce dont le développement éducatif a besoin de toute urgence », explique Wang Jiayi, qui ajoute que le Gansu utilise les fonds de diverses associations, comme les fondations Shanghai Huaxin Public Welfare et Shanghai Soong Ching Ling.  

Cependant, les associations impliquées dans le travail de lutte contre la pauvreté ont besoin de supervision, estime Zheng Fengtian, professeur à l’Université Renmin de Chine : « Les autorités à tous les niveaux devraient améliorer les méthodes et les standards qui existent, pour se concentrer sur les zones appauvries et améliorer la supervision administrative par l’audit. »

Que représente la lutte ciblée contre la pauvreté ? 

Le concept de lutte ciblée contre la pauvreté a été introduit par le gouvernement chinois en 2013. Il met en place des objectifs précis pour les projets, l’utilisation des capitaux et les résultats finaux, visant à éradiquer la pauvreté. Dans ce cadre, une base de données nationale a été mise en place pour mieux analyser les problèmes des personnes vivant dans la pauvreté. Depuis 2013, des projets plus précis ont été mis en place, et l’argent visant à lutter contre la pauvreté a été réalloué de manière plus efficace.