2016-08-10 |
Dix ans de dialogue |
VOL. 8 août 2016 |
Mots-clés: Ban Ki-moon |
Durant la visite de cinq jours de Ban Ki-moon en Chine, la directrice de Beijing Review, Li Yafang, et la journaliste Liu Yunyun ont eu l’opportunité de s’entretenir avec le secrétaire général lors de son passage par Beijing, à propos de ses accomplissements et de sa vision du monde. Voici un extrait de l’interview :
Beijing Review : Nous vous avions interviewé il y a neuf ans, lorsque vous avez accédé au poste de secrétaire général des Nations unies pour la première fois. Cette année est la dernière de votre mandat. Comment avez-vous vécu cette expérience ? Était-il difficile de satisfaire tout le monde ?
Ban Ki-moon : L’un de mes prédécesseurs, Trygve [Lie], a dit un jour qu’il s’agissait du travail le plus impossible au monde. Ces dix dernières années, la situation a radicalement changé. Il y a eu de nombreuses crises comme la crise financière internationale. Le terrorisme et l’extrémisme se répandent [également] comme le cancer. Pour autant, les leaders mondiaux ont fait preuve d’un grand leadership et se sont beaucoup impliqués dans l’amélioration de ce monde, pour demain, pour tous les habitants de cette planète. C’est pourquoi a été adopté l’Agenda 2030 de développement durable avec 17 objectifs l’année dernière, et l’Accord de Paris sur le changement climatique en décembre dernier. Le Président Xi Jinping et son gouvernement ont apporté de grandes contributions à ces deux projets, faisant preuve de leadership et d’une volonté d’aller de l’avant. Je crois que le monde va dans la bonne direction. Malgré cela, nous vivons dans un monde qui demeure plein de dangers et de défis. J’ai dédié tout mon temps et toute mon énergie à cette mission que l’on m’a confiée. Mais malheureusement, je ne pense pas pouvoir tout terminer. Je suis cependant fier que de bonnes bases aient été établies afin que ces deux projets soient mis en place.
La Conférence Paris Climat a porté ses fruits. Quel rôle jouent les Nations unies dans la sensibilisation de l'opinion publique au changement climatique ? Cela a dû représenter un travail difficile de rassembler tous les pays et de les aligner sur un objectif commun.
Depuis 2007 et dès le premier jour, j'ai placé le sujet du changement climatique en première ligne de l'agenda international. À cette époque-là, les négociations ne donnaient rien. C'était très difficile. La majorité des leaders mondiaux ne savaient pas ce qu'était le changement climatique. Pour rendre le concept facilement compréhensible, je me suis rendu dans presque tous les endroits du monde où je pouvais voir par moi-même les impacts du changement climatique. Je suis allé en Antarctique, au Pôle Nord et dans le bassin du fleuve Amazone, le poumon du monde, où une déforestation massive était en cours.
J'ai alors tiré la sonnette d'alarme pour prévenir le monde entier que l'avancée du changement climatique était bien plus rapide que prévu. À présent, doucement mais sûrement, les leaders mondiaux ont reçu le message. C'est la raison pour laquelle nous avons pu signer cet accord sur le changement climatique. J'applaudis fortement la réelle implication de la Chine, dirigée par le Président Xi Jinping, qui a travaillé en collaboration avec le Président des États-Unis [Barack] Obama. Je pense que l'engagement politique des deux Présidents a fait basculer le cours des choses, comme le fait que j'ai haussé la voix pour que plus d'importance et un plus grand degré d'urgence soient [accordés] au changement climatique. Nous devons à présent nous assurer que l'accord soit mis en application le plus vite possible. Le Président Xi [Jinping] et le Président [Barack] Obama font preuve d'une grande détermination. Nous nous assurerons que l'accord entre en vigueur d'ici la fin de l'année. Le Président Xi [Jinping] a d'ores et déjà déclaré que la Chine ratifierait le document avant le début du Sommet du G20 à Hangzhou. Il s'agit là d'une très bonne nouvelle.
Les Nations unies ont-elles une solution à la crise des réfugiés en Europe ? Quelles sont les causes premières de cette crise ?
L'afflux massif de migrants et de réfugiés est l'un des problèmes les plus difficiles à régler. De nombreuses raisons sont à l'origine de ces migrations : à cause de crises violentes ici et là, particulièrement en Syrie. Six années de conflits ont forcé des millions de personnes à quitter la Syrie. À titre d'exemple, 4,5 millions de Syriens ont fui leur pays. [Ensuite] 12 millions de personnes en Syrie ont été affectées. Presque 60 % des Syriens ont été affectés directement. Il y a également de nombreuses personnes fuyant l'Afghanistan, l'Iran, le Pakistan, la Lybie et bien d'autres endroits. [La crise des réfugiés] est donc devenue l'une des crises les plus importantes. J'ai expliqué avec insistance aux leaders de l'Union européenne qu'il ne s'agissait pas simplement d'une crise d'un certain nombre de personnes, mais d'une crise de solidarité mondiale. En faisant preuve de solidarité internationale et d'un leadership humanitaire, nous pourrons trouver une solution au problème.
Les Nations unies organiseront un sommet le 19 septembre et j'ai demandé aux dirigeants chinois d'y participer en s'impliquant au maximum. Le Président Obama et moi allons jouer un rôle très important. L'Assemblée générale organisera une session spéciale sur la crise des migrants et des réfugiés le 19 septembre. Le Président Obama participera à un autre sommet le 20 septembre. Avec ces réunions, nous espérons pouvoir conclure un pacte mondial basé sur la répartition des responsabilités. C'est important car certains pays, voire [même] groupes de pays, ne peuvent pas régler ce problème seuls. Un engagement mondial devrait soutenir ces ambitions.
L'égalité des sexes a toujours été l'une de vos priorités, ou l'une de celles des Nations unies. De nombreuses candidates talentueuses pourraient devenir la prochaine secrétaire générale des Nations unies. Selon vous, quels sont les atouts nécessaires pour accéder au poste ?
L'émancipation des femmes fait partie de mes priorités. Lorsque je suis devenu secrétaire général, j'ai lancé des initiatives en tous genres. L'autonomisation des femmes est primordial et j'ai incité presque tous les chefs de gouvernement à inclure le plus de femmes possible dans les postes de prise de décisions.
Une autre [préoccupation] concerne la protection des droits et de la dignité des femmes, comment les préserver des abus et de la violence. J'ai donc créé la campagne « Tous unis pour mettre fin à la violence à l'égard des femmes » en 2008. Nous avons également une autre campagne, « HeForShe » [encourageant les hommes à agir pour l'égalité des sexes]. Toutes ces initiatives ont reçu un grand soutien. Pour la première fois dans l'histoire des Nations unies, j'ai créé une grande institution nommée ONU-Femmes, entraînant l'unification de l'agence des Nations unies pour l'égalité des genres et la lutte contre les violences faites aux femmes. Je trouve encourageant qu'il y ait une forte volonté pour que mon successeur soit sélectionné parmi des femmes compétentes et dévouées. Bien sûr, la sélection du secrétaire général revient aux Etats-membres et ma position est neutre.
Étant donné la décision du Royaume-Uni de quitter l'UE et l’extraordinaire succès de Donald Trump aux États-Unis, pensez-vous que le monde se dirige vers une « dé-mondialisation » ?
Il y a des inquiétudes aux quatre coins du monde que certains politiciens appellent le populisme. Les dirigeants devraient avoir un jugement avisé et objectif sur la situation, plutôt que d'évoquer le populisme et de faire des rhétoriques négatives.
Qu'importent leurs revendications et leurs différences, ils devraient se montrer patients et flexibles, et essayer de résoudre leurs problèmes pacifiquement, par le dialogue. C'est le meilleur moyen de gérer et de prévenir les conflits. J'espère très sincèrement que, bien que nous nous dirigions vers une période difficile, nous pourrons compter sur les dirigeants, sur leurs décisions raisonnées et sur leur jugement concernant la direction de leur pays. Cela serait d'une grande aide pour le monde et pour les Nations unies dans la gestion de cette situation.
Un jour, vous avez dit que votre vie était comme une horloge. Tout est en lien avec l'horloge. Qu'avez-vous l'intention de faire après avoir quitté les Nations unies, après 46 ans de carrière diplomatique ?
Il faut vraiment que j'y réfléchisse… J'aurai passé 46 ans dans un service public, 36 ans en République de Corée et 10 ans en tant que secrétaire général des Nations unies. Tout cela sans pause. J'ai donc d'abord besoin de repos. J'aimerais aussi passer du temps avec mes petits-enfants. La vie avec vos petits-enfants est très différente de celle avec vos enfants. Cela m'inspire plus, m'intéresse et me rend heureux. Ensuite, il faudra que je réfléchisse à ce que je devrais faire.
Exclusif CHINAFRIQUE
![]() |
|
||
24 Baiwanzhuang, 100037 Beijing République populaire de Chine | ||
Copyright CHINAFRIQUE tous droits réservés 京ICP备08005356号 |