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Culture et Société
  2016-08-03
 

Mort d'un féministe

par Sudeshna Sarkar | VOL. 8 août 2016
Mots-clés: femme; féministe
 

 

Elechi Amadi et son épouse Priye Iyalla-Amadi lors de leur 25e anniversaire de mariage, le 8 février dernier 

 

La fête organisée il y a seulement six mois n'aurait pas pu être plus différente : les deux étaient là, prêts à accueillir les invités ; lui avait l'air fragile, mais était souriant ; elle, ajoutait une touche de glamour, avec sa robe de soirée gris-bleu, assortie d'un collier saisissant. « Nous avons fêté nos 25 ans de mariage le 8 février, a déclaré Priye Iyalla-Amadi de sa résidence à Port Harcourt, au Nigéria. Et aujourd'hui, je porte le deuil. » Lorsque le 29 juin, Elechi Amadi est parti retrouver ses ancêtres, la mort de cet écrivain de 82 ans fut pleurée par tout le Nigéria, l'Afrique et, comme l'a dit un admirateur, « les amoureux des livres partout dans le monde ».

Des ouvrages précurseurs

Au cours d'une carrière diverse et variée, qui inclut un passage dans l'enseignement, dans le gouvernement et dans l'armée au cours d'une période troublée de l'histoire du Nigéria, Elechi Amadi s'était révélé en 1996, lorsque son premier roman, intitulé La Concubine, avait été publié. Cinq décennies plus tard, cette histoire - qui combine traditions rurales, croyances religieuses, ainsi qu'un regard pénétrant dans le cœur rempli de jalousie, de cupidité et de sombres pensées, d'une veuve malchanceuse–continue d'être acclamée.

L'écrivain nigérian, Obinne Udenwe, qui a remporté en 2012 le prix African International Achievers Award (AIAA), a rendu hommage au livre et à son auteur, se souvenant l'avoir lu au lycée, après qu'un ami le lui eut prêté : « Ce roman m'a fait prendre conscience, qu'il était possible d'écrire des histoires sur sa culture et ses traditions de manière passionnée et sans retenue – et d'autres pour éduquer et divertir. »

L'Afrique, unie par-delà les partis politiques et les frontières, pleure une voix de sagesse paternelle. Le Président du Nigéria, Muhammadu Buhari, a déclaré : « Le décès d'Amadi constitue une perte, autant pour l'Afrique que pour le monde entier. » Et son rival, l'ancien Président Goodluck Jonathan, lui a fait écho : « Elechi Amadi nous apportait du réconfort par ses œuvres littéraires. [Lui et l'ancien ministre des Affaires étrangères, Ojo Maduekwe] sont morts peut-être à un moment, où leurs conseils avisés et leur disposition paternelle étaient plus que jamais nécessaires à leur Nation », a-t-il écrit sur sa page Facebook.

À CHINAFRIQUE, Clement Excel, un caporal de la police nigérienne de Lagos, explique qu'il a découvert Elechi Amadi en 1994 avec La Concubine, publiée dans la série Ecrivains africains : « J'ai beaucoup aimé ce roman, car il permet aux lecteurs de comprendre leurs origines historiques et culturelles. La Concubine est un texte recommandé dans les écoles de toute l'Afrique. »

À Nairobi, un bloggeur sous le nom de Thundering Hooves se rappelle l'émotion à la lecture de ce roman : « Je me souviens que lorsque j'étais au lycée à Nairobi, j'ai étudié diligemment La Concubine pour mon brevet. Je me souviens distinctement, que j'essayais de prononcer correctement certains noms du roman dans notre langue. Nous étions également émerveillés par les similarités dans les pratiques culturelles décrites dans le livre, entre celles de sa communauté et certaines des nôtres. C'est comme si c'était hier. » Lennox Oketch, comptable chez Glitz International, une entreprise de bijoux basée à Nairobi, souhaite célébrer « l'immense contribution [d'Amadi] aux politiques sociales, économiques, ainsi que pré- et post-coloniales de l'Afrique et des Africains ».

Provenant de la première génération d'écrivains africains, comme Chinua Achebe, Cyprian Ekwensi, Wole Soyinka et Christopher Okigbo, le legs littéraire d'Amadi inclue des romans plus récents, comme Sunset in Biafra, The Slave et Estrangement.

La gentillesse pour religion

Comment était donc la vie de cette icône ? Priye Iyalla-Amadi décrit l'homme derrière les accolades. « Il avait la gentillesse pour religion, explique-t-elle à CHINAFRIQUE. Il disait, que les gens devraient être plus gentils. La planète serait alors un lieu plus habitable. C'était également un vrai gentleman. Tout ce qu'il avait, il le donnait aux plus faibles. Il voulait être en paix et faisait la promotion du dialogue, comme meilleur moyen pour combattre la guerre et promouvoir la paix. »

Au cours de la guerre civile du Nigéria, qui débuta en 1967 avec la sécession du Biafra dans le sud du pays et dura trois ans, Amadi servit dans l'armée nigérienne, qui réprima la sécession. Sunset in Biafra se base sur cette expérience. « C'est la raison pour laquelle il a quitté l'armée, explique Priye Iyalla-Amadi. Il s'est rendu compte, qu'il était un homme de paix. Dès que la guerre fut terminée et que le Nigéria en sortit vainqueur, il est parti. »

Malgré sa célébrité, Amadi est resté accessible. « Une semaine après son décès, je continuais encore à recevoir des invités, qui venaient me présenter leurs condoléances », raconte Priye Iyalla-Amadi. Lorsque les rituels seront terminés, un livre contenant les hommages à Amadi sortira. Elle prévoit également de lancer une fondation à son nom : « Le travail de la fondation sera de promouvoir la littérature, et notamment d'encourager les nouveaux auteurs, explique-t-elle. Il avait [fondé] une école d'écriture créative. Cela aussi devrait faire partie de la fondation. »

Priye Iyalla-Amadi envisage aussi de traduire La Concubine en français. Maître de conférences à l'Université d'éducation Ignatius Ajuru, elle est également traductrice professionnelle, en français et yoruba. « J'en avais parlé avec lui, mais ne m'y étais jamais vraiment mise », explique-t-elle. Le film La Concubine, réalisé par Andy Amenechi, est sorti sur le grand écran en 2007. Les exécutants d'Amadi sont ouverts aux propositions de films pour d'autres romans, du moment que les personnes impliquées sont crédibles et responsables.

Le champion des femmes

Amadi a aimé voyager et visiter l'Europe et l'Amérique du Nord, il ne s'est jamais rendu en Chine. Pour Priye Iyalla-Amadi, son mari était le premier féministe d'Afrique. Il y a des raisons générales, mais aussi spécifiques à cela. « Il a toujours soutenu la cause des femmes, explique-t-elle. Et il m'a donné son soutien complet dans mon combat. » Priye Iyalla-Amadi se réfère par-là à un incident, qui se déroula en 2009 et devint une cause célèbre. Elle avait fait la demande d'un passeport international et se vit répondre par le Service d'immigration du Nigéria, qu'en tant que femme mariée, elle devait fournir une lettre d'accord de la part de son mari. Choquée par le fait que les femmes mariées soient regardées comme des personnes mineures, ayant besoin de l'accord du chef de famille, elle engagea une procédure judiciaire à l'encontre du service d'Immigration et, en juin 2009, le président du tribunal déclara cette demande discriminatoire et contraire à la Constitution. Priye Iyalla-Amadi confie quelle sera l'épitaphe d'Elechi Amadi : « Mon mari a obtenu l'immortalité à travers ses œuvres et ses bonnes actions. Son esprit continue de vivre.

Exclusif CHINAFRIQUE 

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