2016-09-29 |
À la découverte du balafon |
par Casimir D. Kouadio et Cui Xiaoqin |
Mots-clés: Culture; Chine-Côte d'Ivoire; balafon |
C’est avec beaucoup d’appréhension et de doute que Coulibaly Souleymane, responsable artistique et administratif du groupe Djarabikan Balafon, a accepté de venir jouer à Beijing, fin août 2016. La Chine, c’était pour lui et ses hommes, une équation à plusieurs inconnues, une aventure nouvelle. « J’avoue que j’étais très inquiet en venant. Je me posais tout un tas de questions malgré l’assurance des organisateurs. Je me demandais si le public chinois pouvait
apprécier ce que nous faisons comme musique, à savoir le balafon. Et s’il n’allait pas boycotter notre concert », confiait-il à CHINAFRIQUE avant le concert.
Fabriqué à l’aide de morceaux de bois savamment taillés, le balafon est un instrument polyphonique. Longtemps cantonné à la musique traditionnelle, il a de plus en plus tendance à se moderniser en Côte d’Ivoire, et même à s’exporter. Malgré les inquiétudes du manager du groupe ivoirien, la réussite est au rendez-vous dimanche 28 août. Les Djarabikan Balafon ont en effet émerveillé le public qui avait pris d’assaut le Blossom Hall du Centre national des arts du spectacle, situé au cœur de la capitale politique chinoise. Un public de près de 250 personnes composé, contre toute attente, essentiellement de Chinois. Auxquels s’est joint le premier conseiller de l’ambassade de la Côte d’Ivoire en Chine, M. Loukou Kouame et des fonctionnaires du ministère chinois de la Culture.
En juin 2016, le ministre de la Culture et de la Francophonie ivoirien M. Maurice Kouakou Bandaman a effectué une visite officielle en Chine, accompagné par une équipe de représentants culturels. Lors de sa rencontre avec le ministre chinois de la Culture, Luo Shugang, ils signent le Programme d’exécution de l’accord de coopération culturelle entre le gouvernement de la République populaire de Chine et le gouvernement de la République de Côte d’Ivoire 2016-2019. La tournée des Djarabikan Balafon s’inscrit dans le cadre de ce programme.
Découverte culturelle
Pendant une heure, les cinq musiciens ont fait sensation. Arrachant à la fin de chaque titre, un tonnerre d’applaudissements, soutenus par moments, de cris de joie et d’encouragements. Les morceaux étaient soit, composés par l’orchestre lui-même, soit, interprétés. Il s’agit entre autres de Boyorokadjan, M’Balax ou Yara Yara. Avec des rythmes typiquement ivoiriens tels que le ziglibiti, le zouglou, ou le coupé-décalé. Mais aussi des rythmes internationaux comme la salsa ou la rumba.
Au terme du concert, le public qui, visiblement, aurait souhaité rester un peu plus longtemps, n’a pas hésité à envahir la scène, pour saluer, féliciter et encourager les musiciens. Se procurant leur CD, un selfie, ou encore pour avoir l’opportunité de toucher les différents instruments de l’orchestre. Li Yunfei, une jeune employée chinoise d’une société d’État se confiait à CHINAFRIQUE : « J’adore les représentations des instruments à percussion, donc j’y assiste souvent. » Li travaillait l’année dernière comme volontaire au Centre national des arts du spectacle, elle a donc pu assister à de nombreux concerts. Mais cette fois-ci, elle était plus enthousiaste : « Je trouve que les concerts avec des instruments à percussion africains sont plus dynamiques, plus forts, avec des caractéristiques africaines. En écoutant ces musiques, j’ai l’impression de voir des paysages du continent africain. »
Incontestablement, la toute première prestation des Djarabikan Balafon sur le territoire chinois a été couronnée d’un franc succès. Invités en Chine pour un séjour d’une douzaine de jours (du 27 août au 7 septembre), Coulibaly Souleymane et ses hommes ont offert d’autres prestations au public chinois avant de retourner en Côte d’Ivoire. Et ce, aussi bien à Beijing que dans d’autres grandes villes chinoises, comme Baoding, Shijiazhuang ou Changzhou.
Des membres du public sont montés sur scène après le concert pour s’initier au balafon
Une affaire de famille…
L’orchestre Djarabikan Balafon, c’est une histoire de sang. En effet, les six membres qui le composent sont tous issus d’une même grande famille. « Diabaté Yaya, le percussionniste solo et Diabaté Abdoulaye le balafonniste solo, sont mes oncles. Seydou Kéita, le balafonniste contre-basse est mon cousin. Il est le petit frère du grand balafonniste Ali Kéita, qui vit en Allemagne, celui que nous imitons à ce jour. Touré Alassane est aussi un cousin », confie Diabaté Souleymane, le chef d’orchestre. Selon lui, le balafon moderne est l’œuvre de son oncle Ali Kéita. Il se dit par ailleurs émerveillé par ce succès auquel il ne s’attendait pas du tout.
Créé en 2007, alors que la Côte d’Ivoire était encore plongée dans une profonde crise militaro-politique, le groupe s’était fixé pour objectif, au départ, d’apporter un peu de joie et d’amour au cœur des Ivoiriens traumatisés par la crise. Djarabikan, souligne le responsable artistique et administratif du groupe, signifie « la voix de l’amour » en malinké (langue parlée au nord de la Côte d’Ivoire, et dans d’autres pays ouest-africains). Depuis sa création, le groupe va de succès en succès.
…et d’héritage
Mais au-delà de la célébrité et des récompenses, il s’agit pour le groupe de préserver et promouvoir « leur héritage ancestral », le balafon. « Pour ces jeunes gens, jouer cet instrument n’est plus seulement une véritable passion, mais leur raison d’être », poursuit Coulibaly Souleymane. Selon lui, il est plus qu’urgent à ce jour, de préserver l’héritage culturel de nos ancêtres. « Ne dit-on pas que ce qui reste à une personne lorsqu’elle a tout perdu, c’est sa culture ? » C’est pourquoi il invite les jeunes chinois à ne pas abandonner leur culture au profit d’autres. Pour lui, il faut accepter la culture des autres peuples, tout en conservant la sienne. « La culture, c’est ce qui fait de nous ce que nous sommes. La culture chinoise, naturellement, est différente de la culture ivoirienne, de la culture française, de la culture américaine. Mais cette différence peut être une richesse si nous travaillons ensemble. Le jeune chinois peut donc chercher à découvrir les autres cultures, mais doit toujours chercher à s’imprégner de ce que ses grands-parents lui ont laissé comme héritage culturel.
Le manager de 38 ans encourage le gouvernement chinois à renforcer sa politique de promotion de la culture chinoise. « En 2015, par exemple, nous avons assisté à une prestation d’acrobates chinois en Côte d’Ivoire. C’était extraordinaire. Il faut que ce genre d’initiative se poursuive. »
Exclusif CHINAFRIQUE
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