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Culture et Société
  2017-07-04
 

Le monde en wolof

par François Dubé | VOL.9 JUILLET 2017
Mots-clés: littérature; wolof

Certains des ouvrages traduits en Wolof par Céytu.

 

Boubacar Boris Diop s'en souvient encore. Lorsqu'il publie Doomi Golo (Les Petits de la Guenon) en 2003, tout son entourage souhaite savoir quand la traduction française sera disponible… Et pour cause, son roman, qui retrace le monologue d'un vieil homme au crépuscule de sa vie, à l'attention de son petit-fils parti chercher l'aventure à l'étranger, est intégralement écrit en wolof, la langue majoritaire au Sénégal. Avec du recul, il explique que ses amis « semblaient vouloir le ramener à la raison ou, pour le dire plus trivialement, aux dures réalités du marché ».                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                             

Car c'est un fait, un nombre très limité de livres est publié en wolof chaque année, le marché littéraire sénégalais restant très largement dominé par la langue de Molière.

Mais à 71 ans, l'auteur – lauréat du Grand prix littéraire d'Afrique noire 2000 – n'en a cure : Boubacar Boris Diop est un grand défenseur de l'héritage culturel sénégalais.

C'est en partant de ce constat qu'est né son projet. Un projet qui consiste à mettre en avant la langue wolof, afin qu'elle se propage tant au Sénégal qu'au-delà de ses frontières. En mars 2016, Boubacar a donc créé Céytu : la première collection d'œuvres littéraires internationales entièrement traduite en wolof.

Du parler à l'écrit

Mais qui est Boubacar Boris Diop ? Né en 1946 à Dakar, l'écrivain s'est engagé très tôt dans le débat politique et social au Sénégal et a toujours attaché une importance particulière au rôle de la langue dans les sociétés africaines contemporaines.

« L'Afrique est le continent où l'écart entre les auteurs et leurs lecteurs est le plus grand. On en vient même à douter que la langue nationale ait la capacité de produire une littérature », écrit-il. « J'ai fini par comprendre au fil du temps que l'essentiel ce n'est pas où va une œuvre littéraire, mais d'où elle vient ». C'est de cette réflexion que Céytu est né.

Sous l'impulsion de Diop, assisté de l'écrivain haïtien Rodney Saint-Éloi et de l'éditrice française Laure Leroy, les trois premiers livres de la collection ont déjà été publiés, reprenant des œuvres de Mariama Bâ, Le Clézio et Aimé Césaire.

D'autres traductions sont en cours, comme celles d'œuvres de Bertolt Brecht, de Saint-Exupéry et d'Aminata Sow Fall. Laure Leroy, directrice des éditions Zulma, rappelle que l'importance de ces livres va bien au-delà de leur valeur commerciale. « Le principe qui préside dans ce projet est que toutes les langues sont égales. Chacune d'elle est enrichie et nourrie par des œuvres écrites, à l'origine, dans d'autres langues. Céytu est donc avant tout une action symbolique forte ».

Au bout du compte, Céytu espère permettre à plus de 11 millions de wolofophones en Afrique et à l'étranger d'accéder à des livres dans leur langue maternelle, mais aussi offrir diffusion et visibilité à une littérature wolof, qui existe depuis longtemps.

Entre universalité et spécificité                                                                                                                                                                                                                                       

Pour promouvoir le wolof, Diop et ses amis ont compris la nécessité de réinvestir la langue à travers la littérature. « L'ouverture à l'Autre est possible par une meilleure connaissance réciproque. Parce que c'est par cette réciprocité et une égalité dans l'échange que la connaissance est nourrie », affirme Laure Leroy à CHINAFRIQUE.

Et bien que des doutes aient accompagné la publication des premiers livres, ceux-ci ont rapidement fait place à la fascination et l'enthousiasme.

« Le premier réflexe des gens quand ils prennent connaissance de l'existence de cette collection littéraire est de se demander pourquoi nous proposons des ouvrages en wolof, car ils sont loin de penser que toutes les langues se valent. Mais, au final, le 'pourquoi' devient très vite un 'pourquoi pas.' Et cela est une très grande victoire », a déclaré l'auteur au magazine français Point Afrique.

Laure Leroy, elle, voit derrière la collection une quête essentielle d'égalité : « Avec le temps, l'idée [de l'édition en wolof] a fait peu à peu son chemin. De plus, notre objectif est également que cela ne soit pas considéré comme une incongruité, mais comme quelque chose d'évident ».

Pour Ibrahima Wane, professeur de civilisations africaines et de littérature à l'Université Cheikh Anta Diop de Dakar, la détermination de Boubacar Boris Diop à écrire et à publier en wolof signifie que « le seul mode d'expression que l'auteur juge approprié est sa langue maternelle ». Cela conduit naturellement à l'affirmation des langues africaines comme un moyen de créer une littérature, et d'une manière plus générale une culture, qui soit autonome, écrit encore Wane. Il s'agit donc « d'un choix politique » dont les implications vont au-delà du domaine de la littérature.

Alhassane Diop, président de l'Association des étudiants sénégalais en Chine et passionné de littérature africaine, se félicite de cette initiative et souhaite que le wolof occupe une place de plus en plus importante au Sénégal pour cimenter le développement futur du pays.

« Le wolof est la lingua franca du Sénégal. En outre, le groupe ethnique wolof résulte d'un mélange historique entre tous les groupes ethniques des anciens royaumes qui ont coexisté dans les plaines du Sénégal. En d'autres termes, cette intrication a fait de [la langue wolof] un moyen de communication et de cohésion nationale, et même d'éradication de l'analphabétisme », a-t-il dit à CHINAFRIQUE.

C'est à cette vision que Céytu cherche, à sa manière, à contribuer.

Pour vos commentaires : francoisdube@chinafrica.cn

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