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Économie
  2016-08-01
 

La puissance des idées

par Rachel Richez | VOL. 8 août 2016
Mots-clés: Justin Yifu Lin; Nouvelle économie structurelle

Justin Yifu Lin voyage souvent en Afrique pour rencontrer les dirigeants du continent, ici avec le Président du Rwanda, Paul Kagame

 

Justin Yifu Lin, ancien économiste en chef de la Banque mondiale et doyen honoraire de l'École nationale de développement de l'Université de Pékin, explique sa célèbre théorie, Nouvelle économie structurelle (NES), et partage son avis sur l'avenir du développement économique du continent africain avec la journaliste de CHINAFRIQUE, Rachel Richez.

CHINAFRIQUE : Quels sont les principaux aspects de la Nouvelle économie structurelle (NES) ?

Justin Yifu Lin : L'économie du développement est une nouvelle sous-discipline de l'économie moderne, qui n'apparaît qu'après la Seconde Guerre mondiale. À cette époque, de nombreux pays étaient en période de reconstruction après la guerre. Beaucoup de pays en développement venaient d'obtenir leur indépendance politique et lançaient leurs propres efforts de modernisation. Il fallait une théorie pour guider ces efforts. C'était le début de l'économie du développement.

Nous appelons la première théorie de l'économie du développement structuraliste. À l'époque, on pensait que si un pays en développement voulait rattraper son retard avec les pays à hauts revenus, son revenu par ménage devrait être identique à celui de ces pays. Mais pour y arriver, il fallait avoir la même productivité du travail. Et pour avoir la même productivité du travail, il fallait avoir les mêmes industries de pointe. Les pays en développement étaient évidemment incapables de développer ce genre d'industries. Les structuralistes leur ont donc conseillé d'encourager l'intervention du gouvernement, pour compenser les failles du marché. Leur intention était certainement bonne, mais le résultat n'était pas bon.

Dans les années 1980, la théorie dominante devient le néo-libéralisme, parce que l'écart entre pays développés et en développement continuait de se creuser. Comme les trop nombreuses interventions gouvernementales semblaient freiner les pays en développement, les néo-libéraux conseillent aux gouvernements de se retirer du marché. Mais le résultat a été à nouveau catastrophique. La plupart des économies des pays en développement ont stagné ou ont été frappées par de fréquentes crises.

La NES est considérée comme la troisième voie de réflexion sur le développement. L'idée est que le développement économique est un processus de changement structurel continu. Il y a une différence fondamentale entre ma démarche et les deux approches précédentes. Dans le passé, les théories utilisaient toujours les pays à hauts revenus comme référence. Avec la NES, c'est tout le contraire. Je conseille aux pays en développement de regarder ce qu'ils ont maintenant et ce qu'ils peuvent bien faire et de créer les conditions pour un développer à plus grande échelle.

Que devraient faire les gouvernements pour encourager ce développement économique ?

Dans la NES, je promeus un marché efficace et un État proactif. Le développement économique est un processus de transformation structurelle continue, et au cours de cette transformation, nous devons développer les industries compatibles avec les avantages comparatifs du pays. Dans cet objectif, il est important de compenser les premiers acteurs de ce développement par divers avantages, car ils rencontrent toutes sortes de difficultés, par rapport aux acteurs suivants.

Deuxièmement, lorsque vous menez à bien une mise à niveau industrielle, vous devez également faire quelques améliorations simultanées dans les infrastructures, comme l'approvisionnement électrique, les routes ou les installations portuaires. Il faut également améliorer les services financiers, juridiques, et autres. Les entreprises privées ne peuvent pas prendre en charge ces améliorations, elles ont donc besoin de l'aide du gouvernement.

Quel est le chemin à suivre pour ce type de développement économique ? Les pays africains peuvent-ils y arriver ?

En fait, c'est très simple. Vous avez juste besoin de comprendre quels sont vos avantages concurrentiels et quels sont les obstacles empêchant ces secteurs de se développer. Puis, le gouvernement tentera de supprimer ces obstacles.

Par exemple, beaucoup de pays africains ont deux avantages. Tout d'abord, les ressources naturelles, mais également une jeune main-d'œuvre. Donc, ils devraient avoir des avantages concurrentiels dans les industries à forte main-d'œuvre. Mais pour développer des industries à forte main-d'œuvre, ils ont besoin d'avoir des infrastructures et un bon environnement commercial.

Dans ce genre de situation, le gouvernement peut développer des parcs industriels, ou des zones économiques spéciales. Il peut aussi fournir des infrastructures convenables, et faciliter les services. Promouvant ainsi les investissements pour développer les industries à forte main-d'œuvre. Si ces industries coïncident avec leurs avantages comparatifs, ils peuvent créer un grand nombre d'emplois et devenir rapidement compétitif. Il n'y a aucune raison pour que les pays africains ne puissent pas le faire.

Que répondez-vous à ceux qui vous reprochent de trop vous concentrer sur l'aspect industriel du développement et pas assez sur l'aspect agricole ?

Je parle beaucoup de l'industrialisation parce que si vous voulez améliorer et augmenter la productivité du travail continuellement, vous devez faire deux choses. On doit avoir de l'innovation technologique dans les industries actuelles, et encourager les nouvelles industries pour créer de la valeur ajoutée. Mais il faut également faire innover technologiquement l'agriculture et modifier sa structure. Dans les pays à faible revenu, les agriculteurs, en général, pratiquent une agriculture de subsistance, produisant seulement pour eux-mêmes. Mais si vous voulez augmenter le revenu agricole, vous devez produire pour les marchés.

Toutefois, l'agriculture seule ne serait pas suffisante pour aider les pays en développement à sortir de la pauvreté. En effet, si nous augmentons la productivité dans l'agriculture, les premiers agriculteurs utilisant la nouvelle technologie augmenteront leurs revenus, mais si tous les agriculteurs utilisent ces technologies, les prix chuteront. À la fin, les revenus des agriculteurs n'augmenteront pas. Il est donc nécessaire d'avoir des emplois non agricoles, dans les secteurs industriels.

Si vous regardez l'exemple d'un certain nombre de pays prospères, ils semblent tous avoir capturé une opportunité : le déplacement global des industries à forte main-d'œuvre. Avant la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis produisaient un grand nombre de produits à forte main-d'œuvre - textiles, vêtements, et chaussures. À cette époque, le Japon a capturé cette opportunité, ce qui lui a permis de passer d'une économie agraire à une économie de fabrication moderne. Dans les années 1960, le taux de rémunération s'étant accru au Japon, des économies comme la République de Corée, Taïwan, Hong Kong et Singapour (les Tigres asiatiques) sont entrées dans ces secteurs et sont devenues les économies nouvellement industrialisées.

Dans les années 1980, lorsque le taux de rémunération augmente dans les Tigres asiatiques, la Chine entre en scène. Maintenant, le taux de rémunération en Chine a aussi augmenté et le pays va libérer ces secteurs pour d'autres pays à bas revenus. Cette fois, les possibilités sont énormes, parce que la Chine emploie 85 millions de travailleurs dans les usines, soit 10 fois le chiffre du Japon dans les années 1960 et 15 fois celui des Tigres asiatiques dans les années 1980. N'importe quel pays en développement peut saisir cette opportunité pour se transformer, et passer de faible revenu, à revenu intermédiaire, ou même à haut revenu en une ou deux générations.

Combien de temps faudra-t-il aux pays africains pour rattraper son retard avec la Chine ?

Tout dépend s'ils suivent les bonnes idées et adoptent les bonnes approches. Il y a trente ans, la Chine était beaucoup plus pauvre que les pays africains. En 1979, le PIB par habitant en Chine était de moins d'un tiers de la moyenne des pays d'Afrique sub-saharienne. Maintenant, le PIB par habitant en Chine atteint environ cinq fois la moyenne africaine. Je pense que si les pays africains choisissent la bonne approche, ils peuvent avoir un succès similaire.

C'est pour cela que j'essaye de promouvoir la NES, parce que fondamentalement les efforts du peuple sont guidés par des idées. Avec de bonnes idées, vous pouvez réussir rapidement. C'était également l'avis de John Keynes, comme il le résume dans la dernière phrase de sa Théorie générale de l'emploi, de l'intérêt et de la monnaie : « Ce sont les idées, non les intérêts constitués, qui sont un danger pour le bien comme pour le mal. »

 

Exclusif CHINAFRIQUE

 
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